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Original - pas de spoil - Chère Edith 2

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Swato
Swato
Dieu vis sur une tortilla.
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MessageSujet: Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Icon_minitimeDim 10 Jan - 23:11

Fandom: Original
Prompt: Je sais que j'ai un cœur parce que je le sens se briser et On ne peut pas perdre quelqu'un qu'on n'a jamais eu.
Note:... Suite du pavé, j'espère que le premier vous a plu :S



Wildfield-side, le 10 janvier 1701




Chère Edith,



Peut-être devrais-je avoir honte de mon comportement de l'époque mais je ne trouve pas en moi le moindre regret. Je suis retournée voir Mr Thomas, ce cher Mr Thomas comme je l'appelais maintenant, très souvent. Nous ne nous donnions jamais rendez-vous et il arrivait que nous nous manquions de peu à la rivière.

Les premières semaines, nous nous contentions de parler de pêche, du temps qu'il faisait. S'il était de bonne humeur, il m'interrogeait sur le livre que j'emmenais toujours avec moi. J'appréciais me cacher derrière les pages lorsque la conversation m’embarrassait ou tout simplement quand je ne pouvais résister à l'envie de le contempler. Le livre m'offrait une protection infini, mes yeux se relevaient juste assez pour que l'on croit que je lisais les premières lignes alors que je détaillais le contour du visage de Mr Thomas, ses traits détendus tandis qu'il jetait sa ligne à l'eau. S'il lui arrivait de me regarder, tourner la page suffisait à lui faire imaginer, à supposer que j'étais plongée dans ma lecture alors que je tentais simplement de cacher combien mes joues avaient rosie.

"Nous ne pouvons continuer ainsi" a t-il dit un jour. Mon cœur s'est serré violemment dans ma cage thoracique, une protestation se trouvait déjà au bord de mes lèvres mais avant qu'elle ait pu retentir, Mr Thromas a poursuivi "Si vous voulez réellement apprendre à pêcher, la théorie ne suffit pas. Il vous faut pratiquer". Un souffle tremblant m'a échappé, rassurée, "Mon ami" ai-je commencé, parce qu'il l'était, mon ami. "Comment voulez-vous pratiquer alors que je me trouve de l'autre coté de la rivière ?". Il s'est esclaffé et a passé une main dans ses cheveux corbeaux "Ma foi, c'est très simple ! Il vous faut traverser". Nous avons ri, il a continué à pêcher et moi à lire.

Quand je suis revenue deux jours plus tard à la rivière et que je l'ai vu de mon coté de la rive, oh chère Edith, le choc que cela a produit sur moi ! Je pensais qu'il plaisantait. Jamais je n'aurais pu imaginer qu'il avait dit cela avec le plus grand sérieux. J'ai appris plus tard à ne pas prendre à la légère la moindre de ses paroles puisqu'il l'était toujours.

Un panier de pèche à ses cotés, il s'affairait à mettre l'appât au bout du crochet. Je me suis trouvée incapable d'avancer. La peur et la joie se mêlaient dans ma poitrine et mes pieds semblaient s'enfoncer dans la terre. Ce qu'il était impressionnant vu d'ici, les épaules larges, dépourvus des dentelles que portaient les messieurs que je voyais tous les jours dans notre cercle, il paraissait accessible et intouchable à la fois. J'ai pensé à faire demi-tour. Il ne me voyait pas, il aurait été aisé de tourner les talons, de faire comme si je n'avais jamais été là, de retourner au domaine auprès de ma gouvernante. J'ai reculé, mon pied s'est appuyé sur une branche et l'a fait craqué, il a levé la tête et m'a aperçu. Un sourire a illuminé son visage "Vous voilà enfin. Ne pensez pas à me faire faux bond, Mademoiselle De Beauville, maintenant que je vous ai vu, il vous est impossible de vous enfuir sans paraître impolie" a t-il dit d'un ton moqueur. J'ai reniflé avec amusement "S'il me tient à coeur de paraître polie, je devrais rester". Le sourire de Mr Thomas s'est fané "Vous ne devriez pas vous inquiéter du paraître. Chacun devrait pouvoir agir selon ses désirs, sans se soucier de ce que les autres en pensent. Ainsi, si vous souhaitez vous enfuir, je ne vous trouverais non pas impolie mais assez courageuse pour ignorer des convenances dont je n'ai que faire".

Après avoir dit cela, il a tendu la main vers moi sans me regarder. Je l'ai dévisagé longuement, me demandant s'il plaisantait "Le pensez-vous réellement, Mr Thomas ?" ai-je demandé. Son sourire est revenu, il a baissé la main en me lançant un regard vacillant entre exaspération et tendresse "Cessez donc de m'appeler "Mr Thomas", je ne ressemble en rien aux gentils hommes que vous fréquentez". Je me suis indignée "C'est faux ! De plus, comment vous appellerez-je si je ne vous appelle pas "Mr Thomas" ?". Je me suis avancée et ai pris la main qu'il me tendait toujours à moitié avec fermeté. Elle était chaude et gigantesque comparée à la mienne. Il s'est mordu les lèvres "Thomas, tout simplement" a t-il répondu. L'appeler par son prénom ? Oserais-je un tel degré d'intimité ? Non, je ne le pouvais pas à moins de donner quelque chose en échange "Si vous insistez pour que je vous appelle Thomas, il va falloir m'appeler également par mon prénom".

Il a lâché ma main et s'est reculé en secouant la tête "Jamais, Mademoiselle" a t-il nié, sa bouche se plissant avec amertume "Il est juste pour une dame d'appeler un homme de plus petite condition qu'elle par son prénom mais la réciproque n'est pas acceptable". Je me suis assise dans l'herbe non loin de là, une réplique triomphale sur le bout de la langue. Malicieuse, je l'ai regardé par dessous mes cils "Je pensais que vous n'aviez que faire des convenances". Vaincu, ses épaules se sont affaissés, il a renversé la tête en arrière dans un grand éclat de rire tandis que j'ouvrais mon livre, fière de ma répartie. "Comment vous appelez-vous ?" m'a t-il interrogé doucement. "Rose" ai-je soufflé. "Refermez votre livre, Rose, je vais vous apprendre à pêcher.".

Où était ma gouvernante, que faisait-elle quand je courrais la campagne avec si peu de manières, me demanderez-vous. Il se trouve qu'elle était tombée malade, j'ignorais la gravité de son état avant qu'elle ne décède, quelques années plus tard et je profitais de chacune de ses siestes pour me faufiler hors de la maison. Pauvre gouvernante, elle se faisait un sang d'encre à chaque fois que je disparaissais et ne manquait pas de me rappeler à l'ordre en me voyant revenir, un sourire espiègle au coin des lèvres et pas désolée pour un sou.

Avant que vous ne vous offusquiez, chère Edith, je tiens à préciser que bien que nos entrevues à la rivière n'aient pas été supervisé par un chaperon, il n'a jamais tenté de profiter de moi. Il m'apprenait à pêcher et lorsque j'ai compris qu'il ne savait pas lire, je me suis mise en tête de lui apprendre l'alphabet. Nous nous tenions peut-être trop proches l'un de l'autre, nos conversations se faisaient souvent en murmures, deux jeunes gens apprenant à se connaître.

Plus d'une fois, il a perdu patience, je me souviens d'une fois mémorable où, saisi d'une frustration empreinte de colère, il m'a arraché mon livre des mains et l'a jeté à l'eau. "Thomas !" me suis-je écriée, furieuse. "Assez, assez ! Je ne suis pas un singe savant, à répéter ce qu'on m'apprend pour votre bon plaisir !" s'est-il emporté. J'ai tenté de récupérer mon livre avec une branche cassée et y suis parvenue mais il était en piteux état, bon à mettre au feu une fois sec. J'ai soupiré, ai avisé Thomas et ai abandonné mon ouvrage sur le sol avec déception et colère "Je n'ai jamais ruiné votre cane à pêche, quand bien même aucun poisson ne mordait à la ligne !". Je suis partie fâchée ce jour-là, vous m'avez consolé quand je suis rentrée, même si vous ne saviez pas ce qui s'était produit puisque j'avais refusé de vous l'expliquer. Je savais que si je parlais à qui que ce soit de mes rencontres avec Thomas, on m'interdirait toutes sorties.

Lorsque j'ai apporté un livre un peu plus tard dans la semaine, hésitante et nerveuse, Thomas l'a saisi et l'a ouvert à la première page avec une expression pataude et contrite. J'ai souri et nous avons repris nos leçons. Tout était pardonné.

Votre frère était en déplacement à Paris avec l'un de ses amis, si bien que je ne le voyais que rarement. Mes proches considéraient mes humeurs les plus sombres comme de la tristesse de ne plus le voir et mes joies étaient mises sur le compte d'une lettre qu'il vous écrivait et que nous lisions ensemble. Ce serait mentir de dire que je n'étais pas heureuse d'entendre de ses nouvelles, j'éprouvais un sentiment de très forte amitié pour votre frère, voir Paris à travers ses yeux me ravissait. Mais il serait également malhonnête de dire qu'il était la raison unique de mes plus grandes joies.

Mr Hamilton a achevé son voyage à la fin du printemps, le temps était de plus en plus doux et le soleil plus chatoyant que jamais, si bien que les femmes ne sortaient jamais sans une ombrelle. Nous vous avons accueilli tous les deux à l'ombre d'un chêne, le pique-nique que nous avions organisé en votre honneur avait beaucoup de succès. Après le repas, nous avons convenus de faire une petite promenade, ma mère n'y tenait pas, vous avez donc pris le bras de mon père et moi celui de votre frère et c'est ainsi que nous nous sommes mis en route, sans but précis.

Je lui ai posé des questions sur Paris, sur les boutiques et les personnes qu'il avait rencontré, sur ses amis, sur les affaires dont il s'était occupé. "Rien qui ne puisse vous intéresser, très chère, tout était très ennuyeux. Je suis heureux d'être rentré, votre charmante compagnie m'a manqué plus que de raison". J'ai trouvé ce compliment osé bien que teinté par le fait qu'il m'ait assuré que ses affaires ne m'étaient d'aucun intérêt sans réellement tenter de me les expliquer. La promenade s'est éternisée, j'étais dans mon élément, mon esprit s'est échappé, comme il le faisait souvent. Je n'ai pas réalisé où nos pas nous menaient avant de me trouver sur un sentier que j'abordais presque tous les jours, avant de voir apparaître la silhouette de Thomas sur la rive.

L'embarras qui m'a saisi alors que nous approchions de plus en plus m'a tétanisé, mes genoux ont faibli un instant et j'ai du m'agripper plus fort au bras de votre frère, de peur de perdre pied. Il s'est tourné vers moi avec inquiétude et a renforcé sa prise sur moi, à ma plus grande gêne. La pelote de laine était de retour dans ma poitrine et soudain, j'ai compris que je n'étais non pas consternée à l'idée que Mr Hamilton ne voit Thomas mais à celle que Thomas ne m'aperçoive en compagnie de votre frère. Étrange, insensé, j'ai repoussé ce sentiment de toutes mes forces et me suis composée une expression neutre.

"Ah ! Voila ce brave Thomas !" s'est exclamé mon père avec condescendance. Vous avez souri et entamé une brève discussion avec lui en attendant que nous vous rattrapions, les battements de mon cœur cognaient dans mes tempes, si fort que je n'ai pas entendu ce que votre frère me demandait, je me suis contentée de lui adresser un sourire en espérant qu'il ne me parle plus. Thomas s'est finalement tourné vers moi, il a incliné la tête "Mademoiselle De Beauville" m'a t-il salué, ses yeux ont pris la direction de ma main placée sur le bras de Mr Hamilton. Quel trouble, quelle déchirure !

Je n'ai pas pu lui répondre, vous vous êtes inquiétée de ma santé "La pauvre, avec cette chaleur, ce n'est pas étonnant, venez vous installer près de l'eau, Rosie, cela vous rafraîchira". J'ai profité de ce que vous me donniez une excuse pour m'asseoir à coté de vous, "Laissons les hommes parler entre eux" m'avez-vous souri. Et si j'avais été moins troublée, je me serais sûrement révoltée à l'idée que nous ne puissions pas participer à leur conversation parce que nous étions des femmes.

Je les ai observé du coin de l’œil, en m'interrogeant sur leurs sujet de discussion, en essayant de déchiffrer leurs postures, leurs gestes. Mon père était heureux, suffisant par moment mais définitivement de bonne humeur. Votre frère restait une énigme pour moi et Thomas... J'aurais aimé ne pas le connaître si bien. Le dos droit, les épaules raides malgré sa figure avenante et ouverte, la surprise et quelque chose qui ressemblait à de la colère faisait rouler les muscles de ses bras croisés, serrer sa mâchoire. J'ai enfoui mon visage dans mes mains pour ne plus le voir, vous ne vous doutiez pas de mon émoi, en bonne amie que vous êtes, vous avez redressée votre ombrelle "Je pense que nous devrions rentrer, Rose tombe de fatigue, se promener par cette chaleur n'était pas une très bonne idée finalement".

Les hommes et vous avez dit au revoir à Thomas, j'en ai fait de même du bout des lèvres. Une fois au domaine, vous m'avez laissé au salon en compagnie de ma gouvernante, là où l'ombre avait refroidi la pièce et êtes partie discuter avec ma mère après vous êtres assurés que j'allais bien. Votre frère est resté avec moi, il s'est assis dans le fauteuil en face du mien et m'a examiné longuement de ses yeux bleus. Je redoutais toute forme de discussion avec lui alors que j'étais encore si perturbée par ce qui venait de se produire. Sans se douter de ma réticence, Mr Hamilton m'a dit "Notre promenade au soleil vous a éprouvé, j'en suis navré". J'ai secoué aimablement la tête avec un petit sourire "J'apprécie le grand air, ne soyez pas désolé". La vieille gouvernante gardait un oeil sur nous tout en feignant de s’intéresser au livre qu'elle lisait, sa présence ne faisait rien pour calmer mes nerfs à fleur de peau. "Mademoiselle De Beauville... Rose" a t-il chuchoté. Une lueur dans ses yeux m'a fait retenir mon souffle, mon ventre s'est noué et j'ai serré les dents en lissant un pli sur ma robe. "Mon voyage à Paris et votre absence à mes cotés n'ont fait que confirmer ce que je soupçonnais déjà et je..." a t-il continué. Il a essayé de me prendre la main mais je me suis dérobée, le cœur au bord des lèvres, en proie à une tempête d'émotions si violente que j'ai eut peine de me retenir d'éclater en sanglot "Monsieur, s'il vous plait, n'en dites pas plus" l'ai-je interrompu, la voix tremblante.

Il s'est reculé comme s'il avait pris une gifle "B-Bien sûr" a t-il bredouillé "Suis-je bête, vous êtes souffrante et je..." a t-il poursuivi, le teint rouge. Il s'est levé, s'est incliné et a tourné les talons en fermant la porte derrière lui. Je me suis précipitée sur ma gouvernante, ai pris son livre et l'ai jeté à travers le salon "Allez donc lire ailleurs !" lui ai-je crié. Je me suis si mal comportée avec elle, Edith, ma colère n'avait d'égale que ma tristesse et la flamme qui flamboyait sous mes cotes était impossible à éteindre.

Elle a tenté de me calmer, m'a prise les mains doucement "Je ne comprends pas ce qui vous chagrine, mon enfant" a t-elle soufflée "Ce jeune-homme essayait clairement d'exprimer ses intentions à votre égard, pourquoi le repousser aussi sèchement ? N'avez-vous donc pas de coeur, aucune compassion pour Mr Hamilton ?". J'avais un coeur, je le sentais se briser en mille éclats. "Je ne l'aime pas comme je le devrais. Il est mon ami, mon frère, je ne supporterai pas de l'entendre 'exprimer ses intentions à mon égard', c'est au dessus de mes forces" lui ai-je répondu. Elle m'a examiné sans comprendre "Mais c'est bien assez, Mademoiselle. Il est très gentil avec vous, il vous montre son affection par de charmantes attentions. L'amour se développe avec le temps, il grandit. Si ce beau jeune-homme veut votre main, pourquoi ne pas la lui accorder ?".

Le mariage ! Je me suis noyée dans un océan de larmes. J'ai fait promettre à ma gouvernante de ne rien dire à mes parents des mots qu'avaient prononcés Mr Hamilton cet après-midi là. J'ai conscience de la dureté de mes propos, chère Edith, il s'agit de votre frère, vous l'aimez aussi tendrement que je l'aimais à cette époque, mais comment concevoir le mariage avec sa propre famille ? Les liens d'amitiés et les liens du sang ne sont pas les mêmes sur le papier mais dans mon coeur, ils avaient le même poids, la même valeur inestimable. Que votre frère ait l'intention de me demander en mariage m'ébahissait, je n'arrivais pas à l'envisager.

Je me suis enfermée dans ma chambre pour le reste de l'après-midi. Mes parents, certains que la promenade m'avait éreinté, m'ont fait apporté un plateau de nourriture mais m'ont laissé en paix. Ces nombreuses heures, je les ai passé à faire les cents pas, il fallait que je cesse d'être spectatrice des événements et que j'agisse. Je ne pouvais plus rester ainsi, pleurer et m'apitoyer n'était pas dans ma nature.

J'ai attendu que le domaine s'endorme, j'ai enroulé un châle autour de mes épaules et je suis passée par la fenêtre de la cuisine comme une voleuse. La nuit était jeune, j'avais espéré m'apaiser une fois confrontée à la tranquillité environnante mais ma tête bouillonnait de pensées. Les animaux nocturnes se sont effrayés à ma venue, ils ont détalé dans les herbes hautes, mes cheveux se sont emmêlés au premier souffle de vent. J'ai longé la rivière et ai marché pendant ce qui m'a semblé être des heures, en suppliant la nature de mettre un terme à mes tourments, elle n'a fait que les augmenter.

"Rose !?" a chuchoté une voix avec force. J'ai fait un bond, terrorisée par cet appel soudain et ai tourné en tous sens pour découvrir d'où il venait. C'était un homme, il me regardait. Un instant, j'ai cru qu'un domestique m'avait suivi, qu'il s'agissait de mon père, j'ai failli fuir, détaler comme les animaux que j'avais observé quelques minutes auparavant. Puis l'homme s'est approché et j'ai reconnu Thomas "Mais enfin, Rose, que faites-vous ici au beau milieu de la nuit ?" a t-il soupiré, réprobateur. "Et vous, que faites vous ?" lui ai-je demandé de la même manière. Il m'a montré quelque chose mais il faisait si noir, je n'ai pas vu ce dont il était question "Je pose des pièges pour le gibier. Vous devriez rentrer, si quelqu'un se rend compte que vous déambulez la nuit, vous allez avoir des ennuis" a t-il répondu.

Ma voix s'est bloquée dans ma gorge, j'ai resserré mon châle autour de moi. Thomas est resté "Vous étiez en belle compagnie cet après-midi". Le souffle m'a manqué, j'ai fermé les yeux une seconde "Mr et Mme Hamilton" ai-je acquiescé. Le nuage qui obscurcissait la lune s'est quelque peu écarté, je l'ai vu hocher la tête "Vous aviez l'air de vous plaire à son bras" a t-il ajouté d'un ton âpre. Un vertige m'a fait piétiner pour retrouver mon équilibre, le sang a quitté mon visage "Je..." ai-je soufflé sans parvenir à poursuivre. Thomas a lâché ses pièges, ils ont cliqueté bruyamment à ses pieds en tombant au sol "Lui êtes-vous fiancé ?".

La question était si abrupte, sa voix était de nouveau comme un éclair enrobée de miel, similaire à ce dernier soir où il avait explosé de colère. Mon absence de réponse l'a enragé, il m'a tourné le dos, ses mains se sont crispées dans ses cheveux, les épaules carrées comme s'il venait de recevoir un coup. "Je ne suis pas un de vos aristocrates à patte blanche, vous pouvez m'épargner les phrases tournées à la façon d'un poème, la vérité brute ne blessera pas mon orgueil". Une chaise, un mur, quelque chose pour me soutenir, peu importe ce dont il s'agissait, j'aurais souhaité m'asseoir, ses paroles me donnaient le tournis "Pourquoi souhaitez-vous le savoir ?".

Il a ricané, de ce genre de rire qui écorche la gorge en passant le barrage des lèvres "Pourquoi ?" a t-il répété. Thomas s'est tourné pour me regarder, désillusionné "Pourquoi ? Est-ce là la seule question qui vous traverse l'esprit ? Vous n'avez pas répondu à la mienne, à la place d'un poème, vous m'offrez une dérobade. Pourquoi, chère Rose ?". Deux pas brusques dans ma direction l'ont rapproché de moi, si près que le charbon de ses yeux paraissait briller à la lueur de la lune, je me suis mise à trembler de manière incontrôlable. Il m'a saisi les bras, comme s'il mourrait d'envie de me secouer, de me réveiller "Parce que la jalousie obscurcit mon jugement, parce qu'une partie égoïste de moi écume de rage à l'idée que vous puissiez être fiancée à cet homme alors qu'une autre sait qu'elle n'en a aucun droit" a t-il fulminé.

Le nœud d'émotion qui grondait dans ma poitrine m'a étouffe, il m'a lâché, je me suis écroulée. Il a donné un violent coup de pied dans le tas de piège qui traînait au sol, son torse se soulevait frénétiquement, sa respiration était agitée et sa voix emplie d'un courroux imprégné de désespoir "Vous m'apprenez à lire, vous voulez pêcher ! Je ne suis qu'une bête, un rustre, un rien du tout ! Et maudite soyez-vous, maudit soit votre rang, maudit soit le mien, je suis le dernier des imbéciles de vous aimer !".

Un frisson m'a traversé, les fils de la pelote se sont dénoués un à un, l'oxygène s'est précipité dans mes poumons et m'a étourdi "Je ne suis pas fiancée" me suis-je entendue dire. Les épaules de Thomas se sont relâchées, il m'a regardé "Vous allez vous fiancer" a t-il reprit d'une voix morte. "Non" ai-je murmuré en secouant la tête doucement. "Pourquoi ?" j'ai relevé le menton pour l'examiner du regard. J'étais à ses pieds, les joues baignées de larmes mais il était celui qui paraissait le plus anéanti de nous deux. Et il me demandait pourquoi. "Parce que vous êtes le dernier des imbéciles et que je vous aime aussi".

Thomas a fermé les yeux une seconde, il a secoué la tête et m'a remise sur mes pieds comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une brindille. Ses bras se sont refermés autour de ma taille, il m'a serré contre lui et a enfoui une main dans mes cheveux. Les miennes se sont trouvées une place dans le creux que formait ses omoplates, son corps pressé contre le mien a provoqué un million d'étincelles sous ma peau. "Petite sotte" a t-il chuchoté, sa joue rapeuse a frotté contre la mienne alors qu'il s'écartait pour me voir "Nous sommes perdus".

J'ai posé une main contre sa joue, contemplé ses traits que l'obscurité rendait plus sévères et tranchants, ses yeux voilés par une mèche corbeau que j'ai repoussé en arrière... Je l'ai embrassé.

Ce baiser n'a duré qu'une minute, une heure, une éternité, une seconde. La notion du temps m'a échappé, je suis restée dans ses bras, il me serrait contre lui avec force comme si j'allais disparaître. La tête posée contre son torse, j'ai fermé les yeux et ai écouté la cadence folle de son coeur, ses mains rugueuses me caressaient le visage, la nuque, le dos et l'attention enfiévrée qu'il me portait compensait largement leurs manques de douceur. Nous nous sommes parlés en murmurant le reste de la nuit, avons planifié quelques rencontres, émis quelques idées. Sa voix rauque faisait naître des frissons sur ma peau, j'étais la femme la plus heureuse du monde.

Je suis rentrée comme je suis partie ce soir là, par la fenêtre de la cuisine, comme une voleuse. Le butin en avait valu la peine.

Dès le lendemain, j'ai refusé une invitation à déjeuner chez les Hamilton, chez vous, et ai annoncé clairement mon intention de rendre visite à Mr Thomas. Mes parents ont froncé les sourcils à ma soudaine détermination mais n'ont pas protesté comme je m'y attendais. Ma gouvernante a été chargée de me chaperonner. Cela a été le début d'une longue série de rendez-vous. En apparence, rien ne trahissait mon affection ou la sienne, nous restions civils pour donner le change. Ma gouvernante était chargée de rapporter mes moindres faits et gestes à ma mère, il me fallait être prudente mais claire.

Au fil de mes visites, j'ai laissé transparaître mes sentiments, même si le principal concerné les connaissait déjà. Je m'évadais du domaine une fois le soir tombé, à chaque fois que j'en avais l'occasion et nous nous retrouvions à la rivière.

J'ai refusé nombre de vos invitations, désolée de mettre notre amitié de coté mais désireuse de décourager votre frère, au grand dam de ma mère qui ne rêvait que de me voir vous retrouver. Peu à peu, je me suis mise à parler de Thomas à mes parents, j'insistais sur ses qualités, je racontais mes visites dans l'espoir de leur ouvrir les yeux sur les sentiments qui m'animaient sans pour autant les heurter. Je savais que Thomas n'était pas de notre rang, que la société penserait que l'aimer serait me rabaisser à son niveau, une souillure sur ma lignée, je n'en avais que faire. Je ne partageais pas l'opinion de la société.

Nos caractères s'accordaient, son impatience m'assagissait, mon insouciance se butait à sa prudence et son amour de la nature était la mienne.

Mes récits et ceux de la gouvernante ont éveillé la curiosité de mes parents qui se sont intéressés à la vie de Mr Thomas. En un mois, je suis parvenue à ce changement de titre, un rien, une pacotille pour certain. Mais il ne s'agissait plus de ce "brave Thomas" ou de ce "pauvre Thomas". Monsieur Thomas. J'étais fière de moi, je pensais avoir gagné leur coeur.

Puis tout s'est précipité.

Votre frère a réclamé une entrevue avec mon père et j'ai paniqué.

A juste raison.

Lassé de mes rejets, il lui a demandé ma main.

Mon père ne lui a pas apporté de réponse immédiate, je me souviens avoir erré dans les couloirs et avoir entendu "je souhaite en discuter en premier lieu avec ma fille, ce genre de demande ne se prend pas à la légère, Mr Hamilton !" avant qu'il ne prenne congés. Votre frère n'avait même pas pris la peine de me faire sa demande. Ma très chère Edith, j'étais désemparée.

Nous nous sommes réunis près du feu le soir même, dehors, le vent était si violent que les battants des fenêtres claquaient parfois contre le mur, nous faisant sursauter. Mon père a chaussé ses lunettes "Il se trouve que Mr Hamilton m'a fait une proposition intéressante aujourd'hui" a t-il commencé. "Intéressante, très cher ? Dites-nous tout !" a réclamé ma mère. Mon ventre s'est noué, j'ai tordu mes doigts sur mes genoux en priant très fort pour m'être trompée. "Il souhaite épouser notre petite Rosie" a t-il révélé avec un grand sourire. Ma mère a bondi de son siège, lâchant le métier à tisser qu'elle tenait entre les mains "C'est merveilleux !" s'est-elle exclamée.

Mon père a froncé les sourcils "Rosie ?" m'a t-il appelé. J'ai relevé la tête et ai planté mon regard dans le sien "Je ne l'aime pas, je ne souhaite pas l'épouser, papa" ai-je confié d'une petite voix. Ma mère a pouffé de rire "elle ne souhaite pas l'épouser !" a t-elle répété, au comble de l'amusement. Mon père est resté de marbre, il me dévisageait avec précaution, attentif "Est-ce la vérité ? Il ne vous plait pas ?". J'ai secoué la tête "Non" ai-je déclaré plus fermement. Ma mère a cligné des yeux, retrouvant son sérieux "C'est de la folie ! Enfin, Rose ! Tu ne vas pas refuser la demande en mariage de Mr Hamilton, tout de même, tu n'es pas sérieuse !?". "Je ne l'aime pas, maman" ai-je insisté.

"Mais l'amour n'a rien à voir là-dedans !" s'est-elle écriée, fâchée à présent. "L'épouser te mettrait à l'abri du besoin, Mademoiselle Hamilton deviendrait ta soeur, tu aurais une condition bien meilleure à la notre... Et il est bel homme ! Pourquoi repousser sa demande ?". Je me suis mordue si fort l'intérieur de la joue qu'un goût de fer s'est installé sur ma langue, mon père restait silencieux, nous observait tour à tour avec calme. "Il ne me plait pas. Je n'ai aucun désir de devenir sa femme" mon ton posé aurait dû être un atout, ma mère a mis ma passivité sur le compte du choc de cette nouvelle. "Nous en reparlons, chérie. Après tout, rien ne presse !".

Le lendemain, lorsqu'elle a compris que je n'avais pas changé d'avis, elle est entrée dans une colère noire, jamais je ne l'avais vu si furieuse. Je n'ai rien dit à Thomas, j'étais trop bouleversée. Je l'ai laissé me consoler le soir, il n'a posé aucune question malgré l'emportement qui le caractérisait. Je n'ai vu qu'une solution à mon problème. Il fallait que j'ai une discussion avec votre frère, franche et nette.

Je me suis rendue dans votre domaine, cela faisait si longtemps que je n'étais pas venu que j'ai eut l'impression de poser le pied dans un endroit encore inconnu. La beauté domestiquée de votre jardin m'a ravie, j'ai traversé les allées avec une admiration respectueuse. Vous n'étiez pas là, Edith, vous étiez sortis en ville avec votre mère. Ma vieille gouvernante me tenait le bras, toutes deux, nous sommes entrées. J'ai réclamé un rendez-vous avec votre frère, ce qu'il m'a accordé. Ma compagne s'est installée dans le fond de la pièce pour nous laisser discuter en paix.

Personne n'était au courant de mes plans, ma mère pensait que j'avais retrouvé la raison, mon père était curieux, la gouvernante prudente. Quant à moi... j'étais si effrayée que mes mains tremblaient.

Edith... la conversation que j'ai eut avec lui va sûrement vous choquer, je m'en excuse d'avance et vous jure qu'elle est véridique.

"Avez-vous parlé à votre père ?" m'a t-il demandé. J'ai hoché poliment la tête "Je lui ai parlé, il m'a expliqué les raisons de votre venue et m'a exposé votre demande". Mr Hamilton a souri, s'est redressé avec fierté et a bombé le torse. "Mr Hamilton... Si je suis venue aujourd'hui, c'est pour vous énoncer une vérité qui ne va pas être facile à entendre" ai-je soufflée. Il ne se doutait toujours de rien, certain que j'étais venue accepter sa demande en mariage "Je vous écoute". Le dos droit, j'ai pris une inspiration pour me donner du courage "J'aime un autre homme que vous. Je suis désolée, je ne peux accepter votre main".

Un silence lourd et désagréable est tombé entre nous. Ses yeux sondaient les miens avec perplexité, sans comprendre. "Mais enfin... De qui s'agit-il ?" a t-il bafouillé, indécis. J'ai ouvert la bouche pour lui répondre que cela ne le concernait pas lorsqu'il s'est raidi "Mon dieu... Je n'ose supposer la chose tant elle me semble incongrue. Vos dernières visites n'ont pourtant été que pour Thomas". Son ton moqueur a avivé une colère sourde en moi, mes lèvres se sont pincées en une ligne fine, il a bondi de son siège. "Rose ! Êtes-vous aliénée !? Envisagez-vous sérieusement de vous donner à ce... ce... ce goret !?" il a déambulé dans le salon sous le regard surpris de ma gouvernante.

"Et vous pensez que vos parents consentirons à cette union ? Avez-vous perdue la tête !?". Le rouge m'est monté aux joues, la fureur faisait bouillir mon sang "Pas du tout, Monsieur, au contraire". Mr Hamilton s'est arrêté net dans ses pas et m'a dévisagé avec ébahissement "Vous préféreriez ce bâtard, ce paysan ? A moi !?" a t-il hurlé. Il a éclaté d'un rire sans joie, narquois "Non... Vos parents n'accepterons jamais ce mariage maintenant que je leur ai demandé votre main, pourquoi le feraient-ils ?". Je l'ai dévisagé calmement, malgré mon cœur serré et la peine qui sourdait dans ma poitrine "Je ne vous aime pas. Je ne vous aimerais sans doute jamais comme vous le voudrez. Épargnez vous une souffrance inutile et un espoir vain".

Mr Hamilton s'est passé la langue sur les lèvres, il a penché la tête sur le coté et a secoué la tête "Non. Je ne retirerai pas ma proposition si c'est ce que vous attendiez de moi. Votre père l'acceptera dès qu'il aura vent de votre folle entreprise. Quant à Thomas... Il aura peut-être votre cœur, Rose. Mais vous serez mienne".

Je ne me souviens plus comment s'est terminée cette conversation, juste de la douleur qu'elle m'a occasionné et de l'abattement que j'en ai ressenti. Parce que je savais, je craignais, qu'il y avait de fortes chances pour que votre frère ait raison. Cette nuit-là, je n'ai pas trouvé la force de rejoindre Thomas, j'avais peur de l'affronter si tôt après ce qui venait de se passer, j'étais tétanisée par l'effroi.

Je me suis pourtant résolue à lui raconter toute l'histoire, la demande, ma visite, la réponse de Mr Hamilton... La réaction de Thomas m'a glacé "Il a raison" a t-il dit. "Raison ?" ai-je répété, au bord des larmes. Il a hoché la tête avec lenteur, les yeux tournés vers l'horizon, les sourcils froncés, dans une attitude désinvolte "Oui. Il possède ce que je ne pourrais jamais t'offrir, un domaine, de beaux jardins, une situation confortable. Tu sera heureuse avec lui, j'en suis certain". Fébrile, j'ai pris son menton entre mes doigts pour le forcer à me regarder, si fort que je devais lui faire mal. "Tu me laisserais partir ? Tu me perdrais ?" ai-je sifflé, entre tristesse et colère. Ses yeux se sont durcis, il a serré mon poignet dans une prise de fer pour l'écarter de son visage, les mâchoires crispées si fort que ses dents en ont grincé "Impossible de perdre quelqu'un que l'on n'a jamais eut" a t-il grondé d'une voix étranglée.

En cette fraction de seconde, je l'ai détesté aussi fort que je l'ai aimé.

Sa main s'est emparée de ma nuque sans douceur, m'a tenu en place alors qu'il écrasait sa bouche contre la mienne. Mes doigts se sont agrippés à ses épaules, j'ai griffé son dos, rendue folle à l'idée de perdre tout ce que nous avions en secret, tout ce que nous n'avions jamais réellement possédé.




A suivre...
Maliae
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Piou piou piou piou piou piou piou piou piou piou
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MessageSujet: Re: Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Icon_minitimeSam 23 Jan - 2:34

Ce qui m'énerve le plus c'est même pas qu'il l'aime, il veut juste la posséder, l'avoir, comme on a une jolie lampe. Connard.
Oui il a une meilleure situation mais il vaut rien.
Les colère de Thomas m'inquiète un peu ceci dit mais bon.

Wildfield-side, le 10 janvier 1701
Hey c'est mon anniversaire me suis-je dis.
Ah ben non.

EN tout cas c'est toujours aussi bien <3 !
Maeve
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Je suis ton père Luke
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MessageSujet: Re: Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Icon_minitimeVen 12 Fév - 18:07

Coucou! Very Happy

Je lis enfin la suite et ugh, ugh! Ton écriture est toujours aussi merveilleuse. Mr Hamilton M'HORRIPILE, et la condition des femmes à l'époque me donne envie de m'arracher les cheveux.

J'aime beaucoup Thomas mais moi aussi, ses colères m'inquiètent, ahaha. :'D Pauvre Rose! T.T

J'ai peur pour la suite. Sad

Merci de partager, c'est vraiment génial. Smile


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MessageSujet: Re: Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Original - pas de spoil - Chère Edith 2 Icon_minitime

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