Fandom: Original
Prompt : Je m'érode au fil du/des...Les deux L
Liam quitta l’hôpital et alla vivre chez sa mère. Au lycée, l'histoire avait fait le tour de la classe malgré la discrétion dont nous avions fait preuve. Gérer la compassion et la pitié avec patience, ce ne fut pas le fort de Liam, il se renferma un peu plus et ses sautes d'humeurs s'accentuèrent. C'était un peu comme le voir s'éroder au fil du temps, le gars insouciant et à moitié dingue que nous connaissions s'évanouissaient, comme un souvenir lointain.
Notre compte YouTube prit la poussière, nous avions autre chose à penser que nos stupides blagues. La mère de Liam tenta de rattraper ce qu'elle avait manqué, sans se rendre compte que Liam n'aspirait qu'à une chose: qu'on lui foute la paix. Les premières semaines après son déménagement chez elle, il fugua. Ce ne fut qu'en le retrouvant devant notre porte qu'Alice et moi nous détendîmes. Ce ne fut pas son unique escapade, mais je trouvai un certain réconfort dans le fait qu'il nous choisisse, comme si notre maison était devenu sa bouée lorsqu'il pensait se noyer.
— Elle m'étouffe, disait-il parfois.
En réponse à ses nombreuses fuites, Mme Miller imposa des séances de psychanalyse à son fils et m'appela chaque fois qu'elle le jugeait nécessaire. Au moins une fois par semaine, si ce n'était deux, voir trois. Ce qui mena a des confessions dont je me serai bien passé, à des fardeaux que je ne voulais pas endosser.
— Je ne le reconnais pas... Des fois, je le regarde et c'est comme s'il était mon fils sans être mon fils.
Les semaines passèrent, les bleus sur le corps de Liam s'effacèrent mais les empreintes qu'ils avaient laissé sur son esprit semblèrent ne pas s’atténuer. Tout n'était pas noir, il m'arrivait de retrouver mon meilleur ami, il riait et blaguait. Mais quelque chose s'était terni.
*
Vendredi, sortie du lycée, Liam monta dans ma voiture alors qu'on était censé se séparer à la grille.
— Je dois aller chercher ma soeur, m'informa t-il en fronçant le nez.
— Hm... Ok ?
— Tu viens.
Ce n'était pas une question. Je haussai une épaule, ça ne me dérangeait pas d'aller chercher sa soeur avec lui si c'était ce qu'il voulait. Une fois le contact mit, je conduisis jusqu'à l'école maternelle en suivant ses instructions et garai la voiture avant de suivre Liam quand il descendit. Nous étions en avance.
— T-Tu as t-t-toujours d-du m-mal à t-t'y f-faire ? Lui demandai-je.
Ce fut à son tour de hausser une épaule.
— C'est la vie, Hell-boy.
Quelque chose fit un looping dans mon estomac. Je dus le regarder d'une drôle de façon, il leva un sourcil:
— Quoi ?
— T-T-Tu ne m-m'avais p-p-plus ap-ppelé comme ç-ça depuis l-l-l'hopital.
Il renifla avec amusement et me bouscula à l'épaule gentiment sans répondre. C'était devenu sa spécialité: éviter de répondre aux questions, éviter de parler de tout ce qui le concernait de près ou de loin. Une vague de fatigue me tomba dessus sans prévenir, je soupirai et m'appuyai contre le muret en le dévisageant. Ses cheveux avaient repoussé, plus longs que les miens, des cernes noires s'étalaient sous ses yeux et j'étais presque sûr qu'il portait ce sweat-shirt depuis une semaine.
— J-Je sais q-q-que t'en p-peux plus d-de ta m-mère et q-q-que t'as d-du mal à n-n-nous support-ter de t-temps en temps, A-A-Alice et m-moi. M-M-Mais on n-n'est p-pas tes enn-nemis.
— Laisse tomber, mec, répondit-il sur le ton de l'avertissement.
— T-Tu kiff-ferai, rétorquai-je avec brusquerie. Q-Q-Qu'on laisse t-tomber.
Une œillade noire de sa part, c'était comme recevoir un coup à l'estomac. Pourtant, je ne baissai pas les yeux, parce que j'avais raison. Je le savais.
— E-Ecoute... T-T-Ta mère p-pense q-q-que t-tu as b-besoin d-d'aller v-voir un p-p-psy.
Il roula des yeux avec agacement.
— M-M-Moi je p-pense q-q-que t'as b-besoin d'un c-c-coup de p-pied au c-cul, repris-je.
— Ouais, j'en ai déjà eut pleins, ça fait des merveilles, cracha t-il, amer.
Je le fusillai du regard:
— Arrête.
— Quoi, trop dur à entendre ? Me provoqua t-il.
— J-Je suis p-p-rêt à ent-tendre t-tout ce q-q-que tu voud-dras me d-dire mais n-ne t'att-tends pas à ce q-q-que je t-te prenne en p-p-pitié. C-C'est pas c-c-comme ça q-que ça m-m-marche.
— Et comment ça marche alors !? Explosa t-il.
Son éclat fit se retourner le petit groupe de parents qui attendait leurs enfants. Liam fit un pas en avant, assez pour qu'on soit presque nez à nez, toujours dans la provocation, une fureur blessée dans le fond de ses pupilles.
— Comment ça marche ? Répéta t-il.
Ma poitrine se serra, je secouai la tête, je n'en savais rien. Mais ce n'était pas en s'isolant et en créant des murs autour de lui que Liam irait mieux. Je le dévisageai, une boule dans la gorge:
— J-Je suis t-t-ton ami, p-pourquoi e-est-ce q-q-que tu m-me rep-pousses ?
Liam détourna la tête.
— Si t-t-tu penses q-q-que je v-vais "laisser t-t-tomber", t-tu me c-c-connais m-mal. Je s-suis pas l-là que p-p-pour les m-moments où t-t'as envie d-de te m-m-marrer, je s-suis là p-p-pour le b-bon comme p-p-pour le rest-te !
— Luke, stop, dit-il, les dents serrées.
Quelque chose était là, juste en surface. J'avais touché juste. Mon impuissance me suffoqua:
— J-Je suis l-l-là !
Liam shoota un caillou, me tourna le dos, les mains sur la tête. Qu'est-ce qui lui passait par la tête ?
— C'est faux.
Je fronçai les sourcils. Liam fit volte-face et haussa les épaules:
— C'est faux, tu ne l'es pas.
Un silence tomba entre nous. Il écarta les bras, se montra avec un rictus.
— Je suis un véritable bordel, je me tape une famille que je connais pas, ma propre mère ne me connait pas mais ça la dérange pas de m'engueuler quand je rentre avec dix minutes de retard, j'ai une petite-soeur, je vais chez un psy qui me veut me bourrer d'anti-depresseur. Des anti-depresseur ! Alors arrête de me dire que t'es là parce que c'est des conneries !
— M-M-Mais je l-le s-s-suis ! Protestai-je.
— Non, tu ne l'es pas ! T'es dans ta baraque de riche, tu vas en cours comme s'il ne s'était rien passé !
— Et q-q-qu'est-ce q-que tu v-voudrais q-q-que je f-fasse ? Tu v-veux q-q-que je c-chiale et q-q-que je m'appit-toie p-parce q-q-que jusq-que là t-t'as eut u-une v-v-vie de merde ?!
Liam recula comme s'il venait de se prendre une gifle. La rage bouillonna dans mes veines:
— Et b-b-ben flash inf-fo, mon p-pote: t'es p-p-pas le s-seul à av-voir des p-p-problèmes, le m-monde ne t-t-tourne pas aut-tour de t-t-ton nombril et p-peut-être q-q-que si t-tu t'ouv-vrais aux aut-tres, tu rem-marquerais q-que t'es p-p-p-pas le s-seul à s-souffrir d-de la sit-tuation !
— Ah ouais !?
— Ouais ! T-Ta mère a f-f-failli p-perdre son f-f-fils et j'ét-tais à d-deux doigts d-de p-p-perdre mon m-m-meilleur-ami.
Mon aveu lui coupa l'herbe sous le pied, la colère sembla fondre comme neige au soleil. La peine était toujours vive, l'idée que Liam puisse mourir m'était insupportable. Il ouvrit la bouche mais n'eut pas le temps d'en placer une, les gamins sortaient des classes en courant.
— LUCKY LUUUUUUUUKE !
Le cri me figea aussi efficacement qu'un seau d'eau glacé en pleine figure. Marvin arriva en courant et enroula ses petits bras autour de mes jambes. Je refermai mes bras autour de lui avant d'y penser vraiment.
— S-Salut, Marv', le saluai-je quand j'eus retrouvé ma voix.
— T'es reviendu me dire bonjour ?
Je hochai la tête et lui tapotai le crane gentiment sous le regard halluciné de Liam. Ses yeux croisèrent les miens, gêné avant de faire comme si de rien n'était:
— Ton fils caché ?
— Le f-frère de T-Tania, révelai-je, une enclume dans l'estomac.
— Oh. Le frère du baby-sitting, tu veux dire ?
— Ouaip.
— Aouch.
Une petite-fille se détacha du lot pour venir se planter devant lui. Marvin émergea de mes jambes pour la regarder avec intérêt.
— Pourquoi t'es là, Anna ?
La gamine montra Liam du menton et se balança timidement de gauche à droite:
— C'est mon nouveau frère, répondit-elle.
— C'est qui ? Me demanda Marvin.
— C'est L-L-Liam, l'ami d-dont je t-t-te parlais l-la dern-nière fois, t-t-tu te s-souviens ?
— Ah oui, celui qui était fâché !
Je grimaçai mais hochai la tête. Marv dévisagea sérieusement Liam:
— T'es encore fâché ?
Liam cligna des yeux en relevant la tête vers moi, médusé. Je levai un sourcil, aussi curieux de connaître sa réponse que Marvin. Son expression perplexe se radoucit et il secoua la tête:
— Non, je ne pense pas.
— Ok. C'est parce qu'il t'a donné un bonbon ça, ça marche toujours, reprit Marv' en hochant la tête d'un air entendu.
— Elle e-est où t-t-ta maman, Marv' ? Demandai-je.
— Elle travaille.
— Et p-papa ?
— Il travaille, répondit-il en boudant.
Je me mordis les lèvres.
— C'est t-t-ta soeur q-q-qui vient t-te cherc-cher ?
— Oui !
Et merde... En parlant du loup... La silhouette de Tania se distingua des autres, son attention se focalisa sur nous, elle se ferma comme une huitre et si un regard pouvait tuer... Je serais présentement étendu sur le pavé, à ramasser mes boyaux à la petite cuillère. Apparemment elle nous en voulait encore pour l'humiliation publique... qu'elle avait amplement mérité. Je n'éprouvai aucune culpabilité.
— Marvin ! Cria t-elle.
— Tu devrais y aller, gamin, souffla Liam.
J'ébouriffai les cheveux de Marvin et sourit lorsqu'il fila retrouver sa soeur à la vitesse de la lumière en criant "Bye, Lucky Luke !". Une vraie pile electrique. Liam s'éclaircit la gorge et tendit la main vers la petite qui la prit sans hésitation.
— Anna, Luke, Luke, Anna, nous présenta t-il.
— S-Salut.
— Maman dit qu'il ne faut pas se moquer des gens différents, dit-elle en me fixant, curieuse.
— Sauf si tu deviens humoriste, répondit Liam.
Je reniflai avec amusement tandis que nous nous dirigions vers la voiture. La sensation que nous avions échappé à une conversation chargée me pesa sur le chemin du retour. Je ne parvins pas à déterminer si j'étais satisfait ou mécontent.
Deux jours plus tard, Liam m'appela pour me demander une faveur. Il avait discuté avec son psy et lui avait demandé s'il pouvait amener un ami avec lui pour la session prochaine. Le psy avait trouvé ça "intéressant".
— T-Tu veux q-q-que je d-demande à A-Alice... ?
— Non... Toi.
Sa voix avait une inflexion tranchante, comme s'il était sur le fil du rasoir, à cran.
— D'accord.
Aucun bégaiement ne vint troubler ma réponse.
A suivre...
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Sujet: Original - pas de spoil - Les deux L (15) 
Sam 12 Déc - 17:00
J'ai adoré leur discussion, même si elle n'est pas finie. J'espère que Liam va finir par se sentir mieux.^^
Il va certainement rester copain avec Luke, même si ce dernier et Tania sont en froid.^^