Original - pas de spoil - LES DEUX L (9)

Fandom: Original
Prompt :Il était léger comme une plume.









Liam lança une boulette de viande en l'air et la rattrapa au vol avec sa bouche.

— D-Dégueu, grognai-je.

Et assez impressionnant, je devais l'avouer. Il me répondit d'un sourire énorme, la bouche encore pleine.

— Le prof nous a demandé ce qu'on allait faire après le diplôme.
— A-Alors ?

Liam haussa les épaules:

— J'en sais rien, j'ai toujours voulu devenir prêtre.

Je levai un sourcil, suspicieux:

— T-T-Toi ? P-Prêt-tre ?
— Bah ouais, pourquoi ? Ah ! Mais pas pour le truc de religion et tout hein, je m'en fous, je suis athé.
— P-Pourq-quoi a-alors ?
— Rien que pour qu'on me dise "pardonnez-moi, mon père, parce que j'ai pêché".

Je ne saisis toujours pas. Liam piocha dans ses frites, toujours aussi sérieux.

— Par-Pardonnez-m-m-moi m-mon p-père p-parce q-q-que j'ai p-péché ?
— Ouais, trop ! Comme ça je pourrais répondre: "un gros poisson, mon fils ?", répondit-il, éclatant de rire.

Ses blagues ne me faisaient même plus rire à force.

— Luke ?

Je levai les yeux vers celle qui m'appelait. Une fille me dévisageait avec un petit sourire aux lèvres, sa tête m'était familière. Teint pâle, yeux bleus, des lèvres fines, un joli visage...

— Salut... Je sais pas si tu te souviens de moi...

Un éclair de reconnaissance me traversa et je claquai des doigts en essayant de me souvenir de son prénom, en vain.

— L-La f-fille au f-foulard o-orange.
— Tania, sourit-elle.
— T-Tania, répétai-je en hochant la tête.

Liam s'éclaircit la gorge et se frotta le crane en nous regardant tous les deux comme s'il suivait un match de tennis.

— Boooon. Ben je vais aller... plus loin, je crois. Beaucoup trop d'électricité d'un coup. A plus !

Liam bondit souplement au dessus de sa chaise et s'évanouit parmi les étudiants de la cafétéria. Tania prit sa place en face de moi et je cherchai quoi lui dire. Rien ne me vint. Elle ouvrit la bouche, rougit:

— Je sais que ça fait plusieurs mois qu'on s'est pas vu mais... je me demandais si ça te plairait qu'on aille boire un verre un de ces jours. Ensemble, balbutia t-elle.

Être nu devant une classe entière aurait été moins gênant que de me retrouver paralysé devant une jolie fille comme je l'étais. Je me mordis les lèvres et passai une main dans mes cheveux, Tania suivit le geste des yeux avec un petit sourire amusé. La couleur bleu commençait tout juste à partir, laissant derrière elle une teinte pastel.

— P-Pourq-quoi p-p-pas !
— Demain soir ? Demanda t-elle avec espoir.
— D-D'accord, acquiesçai-je.

Les lèvres de Tania s'étirèrent en un grand sourire, elle sautilla presque sur son siège:

— D'accord, répéta t-elle. Alors je te donne mon numéro de portable et on décidera du lieu et de l'heure.
— Ok !

Nous échangeâmes nos téléphones pour entrer nos numéros respectifs dans les contacts de l'autre. Tania se leva, m'embrassa sur la joue et retourna voir ses amies.  Dire que j'étais nerveux était un euphémisme. C'était la première fois qu'une fille s’intéressait assez à moi pour me demander mon numéro.

Liam me retrouva après les cours et m'ébouriffa furieusement les cheveux avec un air fier:

— Ça c'est mon pote ! Il a même plus besoin de moi pour trouver une fille !
— Arr-rête, grommelai-je.
— Alors, t'as son numéro ?
— O-Ouais... Et o-on a r-rend-dez-v-vous d-demain.

Alice fut moins enthousiaste lorsqu'elle apprit la nouvelle:

— Cette fille ? Elle te calcule pas pendant des mois et d'un coup elle veut que vous preniez un verre ensemble ?

Je haussai les épaules, Liam grimaça:

— Et alors ? Elle est peut-être longue à la détente...
— Personne n'est aussi long à se décider, si tu lui plaisais, elle n'aurait pas mis des mois à s'en rendre compte !
— A-Alors p-p-personne p-peut s'int-t-teresser à m-moi, c-c'est c-c-ce q-que tu d-d-dis ?

Alice me fusilla du regard:
— Sois moins naïf, prend les choses en mains et peut-être que tu trouveras quelqu'un, j'ai bien dit "peut-être". Mais cette fille, Lania, Mania, ou je sais pas quoi ? Elle en a rien à foutre de toi.
— T'es trop dure, Alice. Laisse-le tranquille !

Liam passa un bras autour de mes épaules pour me soutenir. Alice pinça les lèvres et tourna les talons:

— Faudra pas venir vous plaindre ! Je me ferais une joie de vous dire "je vous l'avais dit" !
— L'écoute pas, soit elle est frustrée, soit elle est dans sa mauvaise période du mois.

Il me donna une tape sur l'épaule et l'accompagna d'un sourire:

— On va pas la laisser gâcher tout ça, je vais te donner des conseils pour séduire ta nana, tu vas voir, elle va tomber comme une mouche.

Les conseils douteux de Liam étaient au nombre de dix:

1 / Tiens la porte pour elle.
2 / Pose-lui des questions.
3 / Ne te vente pas trop.
4 / Paye lui son verre, ne fais pas le radin.
5 / Quoi qu'il arrive, ne parle jamais de tes pieds. Jamais.
6 / Évite de parler politique.
7 / Complimente-la sur sa tenue, même si tu n'aimes pas ce qu'elle porte.
8 / Fais des blagues, même si tu les trouves idiotes.
9 / Fais pas la tronche mais te montre pas trop enthousiaste.
10 / N'oublie pas le baiser d'au revoir !

Le soir fatidique, je pliai cette liste dans ma poche de jean et la gardai sous le pied, au cas où. Nous avions convenu de nous retrouver dans un bar après le lycée, quelque chose de simple, pas de pression. Pas de restaurant, elle devait rentrer à 18h pour aider sa mère avec les courses, ce qui nous donnait une heure et demi pour faire connaissance. Pas mal, pour un premier rendez-vous.

J'avais de l'avance, je m'installai dans un endroit calme, le dos au mur pour pouvoir la voir entrer. Une serveuse vint me demander si je souhaitais commander, je pris deux verres de menthe à l'eau. Si Tania n'aimait pas ça, je pourrais toujours finir sa boisson. J'étais tellement absorbé dans mes pensées paniquées que je faillis la manquer quand elle poussa la porte. Elle me glissa un sourire et s'assit devant moi sur la banquette confortable.

— Salut ! Tu m'as pris à boire, c'est adorable.

Adorable... est-ce que c'était positif ou négatif ? Je hochai la tête distraitement. Tania était habillé simplement, jean, tee-shirt jaune canari et veste en cuir, elle était très belle.

Malgré les conseils précieux de Liam, la conversation s'orienta naturellement vers nos vidéos, sur les farces qu'Alice m'avaient fait, sur celles que je lui faisais, sur ma façon d'organiser tout ça, comment Liam mit le ver dans la pomme en nous défiant d'être "productif" avec notre relation compliquée... J'appris beaucoup de chose sur Tania, elle avait deux petits frères, ses parents étaient divorcés mais étaient restés en bon termes, elle les voyait tous les deux très souvent. Elle avait un petit faible pour les émissions de mode et pour le chanteur de Maroon 5,  Adam Levine.

— Pourquoi une hirondelle ? Demanda t-elle en fixant mon tatouage.

Mon cœur se serra et je me retins tout juste de grimacer.

— C-Comme ç-ça, mentis-je.
— J'aime bien. Je trouve ça assez sexy.

Ce qui n'était pas le but premier de ce tatouage mais... je pouvais apprécier qu'elle pense ça de mon tatouage. Tania me sourit, ses yeux accrochèrent la montre qu'elle portait au poignet, une lueur alarmée passa dans son regard:

— Mince ! Je suis en retard !

Elle enfila sa veste en quatrième vitesse et chercha dans ses poches. Je secouai la tête:

— L-L-Laisse, j-je v-vais p-p-p...
— Payer ? Termina t-elle.

Je sortis mon porte-feuille en réponse, un papier en tomba et je me sentis blêmir lorsque Tania le ramassa en fronçant les sourcils. Elle releva les yeux sur moi, amusée:

— Ne pas parler de ses pieds ?
— J-Jam-mais, m'empourprai-je.

Elle partit d'un rire léger, malicieuse. L'entendre me donna des papillons dans l'estomac. Je n'eus pas besoin de m'inquiéter du conseil numéro 10, Tania se pencha sur la table et posa ses lèvres sur les miennes en un baiser bref, rapide. Qui me laissa léger comme une plume, avec la chair de poule, un train fantôme dans le ventre et un manque évident de sang pour m’irriguer le cerveau. Elle rougit, ramassa son sac à main avec maladresse et me fit un signe de main.

— A demain.

Et elle partit, ses talons tintèrent sur le sol et s'évanouirent quand elle passa le seuil du bar. Et ça y était, j'étais foutu. Peut-être pas amoureux mais en passe de le devenir.




Tania devint rapidement la deuxième fille de la bande, Alice ne montra pas clairement son désaccord, elle n'eut pas besoin de le faire. Ses rapports avec elle étaient pour le mieux civils et pour le pire froid comme la banquise. Tania était d'un naturel enjoué, timide, calme, elle s’accommodait de notre trio soudé, de nos vidéos, elle me souffla quelques idées intéressantes que je notai dans un calepin.

Le point négatif de notre popularité: certaines rumeurs se mirent à circuler sur nous trois. Certaines nous firent bien rigoler, comme celle qui disait que nous étions dans un ménage à trois, que j'avais convaincu Tania de se joindre à nous, que nous étions des pervers. D'autres furent moins drôles, comme celle supposant que nous étions tous les trois accros et tu te souviens cette fois où Luke était absent pendant une semaine ? C'est parce qu'il a fait un trip si violent qu'il a dû être hospitalisé, il parait qu'Alice cache de l'herbe dans sa trousse de maquillage...

Les gens ne se cachaient même plus pour parler de nous, ils allaient jusqu'à le faire devant nous, ce fut comme ça que Liam et moi prirent Bradley l'abruti la main dans le sac. Lundi matin, nous nous dirigions vers la salle de mathématique, nous croisions un groupe de gars réunis devant un casier. Brad parlait avec animation:

— Je te jure, elle était insatiable, elle se jetait sur moi et j'avais beau la repousser, elle en voulait encore.
— Et qu'est-ce que t'as fait ?
— Ben... Qu'est-ce que tu crois ? Je suis beaucoup trop gentil, je lui ai donné ce qu'elle voulait !

Un éclat de rire, un des gorilles sans cervelles lui donna une tape sur l'épaule.

— Sacrée Alice, elle qui fait sa prude dans ses vidéos...
— C'est une traînée... Une vraie salo...

Je fus presque aussi étonné que Bradley quand mon poing entra en contact avec sa mâchoire. La fureur s'enroula autour de moi aussi violemment que si on m'avait jeté un seau d'acide à la figure. Un bras passa autour de mes épaules et se cala contre ma gorge pour m'éloigner.

— Petite merde ! Gueula Liam en cognant Bradley encore plus fort que je l'avais fait.

En deux secondes, ça se transforma en une vraie émeute. Je reçus plus de coups que j'en donnai, le sang pulsa rageusement dans mes tempes. Mon corps me faisait mal et je faillis regretter mon impulsivité, est-ce que ça valait le coup si c'était pour se faire tabasser et perdre la bataille à la fin ? Un prof sortit de sa salle au pas de charge, cravate au vent, certains gars prirent la poudre d'escampette, je n'eus pas cette chance, pas plus que Liam et Bradley.

— Tous les trois ! Dans le bureau du proviseur, immédiatement ! Tonna Mr Vanbrucke, professeur d'allemand.

Jamais je n'aurai cru me retrouver dans le bureau du proviseur, j'étais l'élève sage, celui qui garde la tête baissé pendant les cours et qui fait encore moins de vague dans les couloirs. Mon nez pissait le sang, on me laissa à peine le temps de prendre un mouchoir pour éviter d'en foutre partout.

— Aouw...  On a fait fort, Hell-Boy. Mais la prochaine fois: préviens, que je sois prêt à encaisser, se marra Liam en parlant tout bas.

Il avait une énorme bosse sur le front et sa lèvre était rouge, comme s'il s'était mordu. Quant à Bradley... je supportais à peine sa vue, mes poings me démangeaient. Le proviseur nous somma d'entrer lorsque Mr Vanbrucke toqua. Ce dernier expliqua rapidement la situation et nous laissa après une œillade des plus noires.

— Asseyez-vous.

Le proviseur était un vieil homme en costume gris, ses oreilles étaient aussi grandes que celles du prince Charles, ses yeux, bien que cachés derrière une paire de lunettes hideuses, étaient si globuleux qu'ils paraissaient prêt à sortir de leurs orbites.

— Je peux savoir ce qui s'est passé ? Soupira t-il, usé d'avance.
— Ils me sont tombés dessus ! Commença Bradley.

Sa diction était étrange, comme s'il s'était perforé la langue. Cette pensée me fit sourire malgré moi, ce que le proviseur remarqua immédiatement:

— Ça vous fait rire, jeune-homme ?
— Laissez tomber, il a été bercé un peu trop près du mur, plaisanta Liam. Maintenant, ce que tronche de macaque ici présent ne vous dit pas, c'est qu'il a insulté sa soeur... Je pense que dans ce genre de situation, on dit qu'il y a circonstances atténuantes, votre Honneur.
— La ferme, Haze, je vous ai pas sonné.
— Oui, capitaine, mon capitaine, grogna Liam.

Le proviseur soupira encore. S'il expirait encore, il allait se dégonfler comme un ballon:

— Je me fiche de savoir qui a commencé quoi, ce qui a été dit ou ce qui n'a pas été dit. Personne ne se rend justice soi-même dans mon établissement, personne ne va aux toilettes sans demander l'autorisation alors qu'est-ce qui vous a laissé penser que vous pouviez vous battre ? Je vais me charger d'appeler vos parents, vous êtes tous les trois expulsés, 3 jours.

Liam se dandina sur son siège, Bradley tenta d'argumenter:

— Mais monsieur !
— Est-ce que vous voulez que je vous expulse définitivement, Monsieur Jills ? Menaça t-il.
— Non...
— Bien, on est tous d'accord. Est-ce que je peux vous faire patienter dans le couloir où vous allez ravager ma salle d'attente ?
— Je pense que c'est bon, chef. Je les ai à l'oeil, répondit Liam avec un clin d'oeil.

Bradley se leva brutalement, sa chaise faillit tomber à la renverse. Liam leva les yeux au ciel et nous quittâmes le bureau du proviseur pour nous asseoir sur les chaises de plastique dans le couloir, le gorille à l'autre bout de la pièce. J'examinai Bradley, il faisait deux fois ma taille. Comme s'il avait suivi le fil de mes pensées, Liam chuchota:

— Je devrais pas, mais je suis carrément fier.

Le père de Bradley arriva en premier, il entra dans le bureau sans son fils et en ressortit, l'air furieux. Il donna une tape à l'arrière de la tête de son rejeton/gorille et l'entraîna rudement à l'extérieur. Ça allait barder pour quelqu'un à la maison.

— M-Mon p-p-père ne v-va p-p-pas se dép-p-placer, avouai-je à Liam.

Il ne s'était pas déplacé pour ma soeur, il ne se déplacerait pas pour moi non plus. Liam s'affala sur son siège avec un soupir, la tête renversée sur le dossier:

— La chance, mon pote, la chance... Le mien va se pointer à tous les coups, grimaça t-il.
— D-Désolé.
— Nah, dis pas ça. J'étais à deux doigts de lui en foutre une de toute façon. T'as défendu l'honneur de ta soeur, c'est le principal.
— T-Tu v-vas av-voir des e-ennuis...
— J'ai l'habitude, t'inquiète.

Le père de Liam se pointa finalement, tout en muscle, une barbe de trois jours couvrait ses joues, ses cheveux poivres et sels partaient dans tous les sens, comme s'il venait de se lever. Les traits durs de son visage s’adoucirent quand ses yeux se posèrent sur nous, il sembla hésiter. A coté de moi, Liam se crispa de la tête aux pieds.

— Monsieur Haze, entrez, salua le proviseur.

Celui-ci s’exécuta, nous laissant seuls une fois de plus. Liam, qui était si volubile d'habitude, garda le silence, je me doutai que la perspective de se faire engueuler ne devait pas être très attirante.

— Dés-solé, soufflai-je encore.
— Shhh..., dit-il pour me faire taire.

La porte du bureau se rouvrit sur le père de Liam, le proviseur lui fit un signe de tête. Monsieur Haze se tourna vers son fils et secoua la tête, l'air exaspéré.

— Allez, lève-toi, on y va.

Liam bondit de son siège, il remua les doigts en un au revoir silencieux. Son père posa une main sur sa nuque et échangea un dernier regard avec le directeur.

— Ne vous inquiétez pas, ça ne se reproduira plus. J'ai trois jours pour faire entrer un peu de bon sens dans cette tête de pioche ! Sourit-il.
— Bon courage !

Je les regardai partir, un noeud se forma dans mon estomac, un malaise s'installa profondément sous ma peau, je me sentis coupable. Le proviseur se tourna vers moi:

— Votre père ne peut pas se déplacer.

Bingo.

— Je vais vous faire signer un papelard, réfléchissez bien à vos actes pendant votre exclusion, se battre au sein de l'école n'est pas un acte à prendre à la légère et si je vous reprends à frapper un autre élève, ce sera le renvoi définitif, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?
— Oui, monsieur.
— Bien.

Je signai le papier déchargeant le lycée de toutes responsabilités s'il m'arrivait une colle et quittai l'établissement pour expier mes très grandes fautes. J'envoyais un sms à Liam:

Pardonnez-moi, mon père, parce que j'ai pêché... — 10:06

putain je le sens pas, le père de Liam il me fait flipper je crois.
Mais n'empêche qu'ils ont bien fait quel saloperie le Bradley

Et coucou!^^

Je ne sais pas si je fais confiance à Tania. On va bien voir... TT

Bradley. Pfff. - - Même si "la violence n'est pas la solution" blablabla, je comprends la réaction des garçons. Franchement.

C'est un milieu impitoyable, le lycée.

Je suis intriguée par le père de Liam. Je vais voir la suite!^^


Maeve