Fandom: Original
Prompt: J'applaudirais bien mais j'ai les mains prises.
Note: nouvelle fic, j'espère qu'elle vous plaira
LES DEUX L
Dans le frigo, trois tupperwares étaient alignés l'un à coté de l'autre en une pile bien droite. Sur chacun d'entre eux était placardés un post-it, le premier indiquait "PAS TOUCHE !", le deuxième "A MOI" et le troisième "PROPRIETE DE ALICE". Le contenu des deux premiers ne m'intéressa pas, je fourrai le troisième dans mon sac, ravi à la perspective de faire enrager ma sœur.
Une fois monté dans le bus, je calai les écouteurs de mon lecteur mp3 dans mes oreilles et me laissai bercer par les envies de meurtre du démoniaque barbier de Fleet Street. Rien de mieux qu'une incitation à la violence pour commencer une journée de lycée.
— Luke ?
Je décrochai une oreillette et tournai mon attention vers le gars qui ne m'avait jamais adressé la parole si ce n'était pour se foutre de moi – Bradley, si je me souvenais bien – en levant un sourcil.
— Est-ce que t'as fait le DM de math ? J'ai pas compris l'exercice 2, est-ce que je peux regarder tes réponses ?
— J-j-je l'ai p-p-pas fait, mentis-je
Bradley leva les yeux au ciel avec un long soupir et m'adressa une grimace:
— B-b-bien s-s-sûr, se moqua t-il. Hey Alice !? J'arrive même pas à comprendre que vous puissiez être de la même famille !
Ma soeur se retourna pour voir qui lui parlait et Bradley bomba le torse, comme un coq au milieu de sa basse cour. Alice pinça les lèvres:
— Oui, je sais, on a rien à voir. C'était le prototype, il fallait bien un ratage avant la perfection, gloussa t-elle.
— Elle a le Q, j-j'ai le I, marmonnai-je sans qu'on ne l'entende.
Bègue, ma malédiction. J'avais des exercices à faire censé m'aider mais les dits exercices n'en finissaient plus, aucun ne marchait vraiment, ma seule solution viable c'était de faire des phrases courtes et rythmées. Ou de la fermer, ce qui était beaucoup plus facile.
J'évitai les bousculades en attendant que tous soient descendus du bus et allai retirer mes affaires dans mon casier. Après cela, mes journées se découpaient en tranche horaire qui dépendait de mon emploi du temps. Je pris place à mon siège habituel au milieu de la classe, à coté, mon voisin de table avait les pieds sur la table.
— S-Salut, Liam
— Hell-Boy, me salua t-il. Comment était ton week-end ?
Du coin de l’œil, je vis Alice se frayer un chemin jusqu'à sa table et lançai tout haut:
— M-M-Ma soeur a m-m-maintenu s-sa rép-p-putation de t-trainée.
— Tout le week-end ? S'esclaffa Liam.
— La ferme, bande de naze.
— T'inquiètes pas, Alice. Tout le monde me traite de voleur, c'est pas vrai pour autant.
Alice roula des yeux et alla s'asseoir avec ses copines en nous ignorant. Liam mâchonna son chewing-gum sans discrétion, il sortit une paire de lunette rose en forme de cœur et les percha sur son nez. Je manquai de m’étouffer avec ma salive:
— D-D'où est-c-c-ce que tu s-s-sors ces t-t-trucs ?
— Je les ai volé, répondit-il avec un sourire montrant toutes ses dents.
Je cachai mon rire derrière ma main et secouai la tête, hilare. Être témoin des ébats d'Alice avait gâché mon week-end mais c'était mieux de tourner ça en ridicule que de pleurer sur mon triste sort.
— Et t-t-ton week-k-k-end ?
— Je pense pas que tu veuilles savoir, a t-il répondu avec malice.
— P-peut être p-p-pas.
Teint halé, cheveux mi-longs et dégingandé malgré sa taille moyenne, Liam était le seul gars de ce lycée que je pouvais appeler mon "ami". Ce qui était plutôt triste puisque nous ne nous voyions que pendant les cours de math où nous étions forcés de partager une table. Il était mon ami, mais pas sûr que l'inverse soit véridique.
Je le voyais hors des cours, il traînait avec toute sorte de gens, avec les brutes, les skateurs, les gothiques parfois, je l'avais vu fumer en compagnie d'un type du club de course de haie. Sa capacité à se mêler aux autres comme s'il les connaissait depuis la maternelle me fascinait.
— Tu penses que j'ai mes chances avec ta soeur ? Chuchota t-il, me ramenant au présent.
— Oh non... p-pas toi ! Soufflai-je.
— Ben quoi... Elle porte bien le jean, si tu vois ce que je veux dire.
Je ne voulais pas voir ce qu'il voulait dire, non. Liam releva les lunettes ridicules sur son front et se pencha, assez pour me donner un coup de coude dans les côtes.
— C'est le concours du plus beau sourire aujourd'hui ou quoi ?
Monsieur Dufon arriva en toute hâte, cravate au vent et postiche décollé. Il posa son cartable démodé sur le bureau et débuta sa leçon.
— Luuuuuke, chuchota t-il.
— Le c-c-cours a c-c-commenc-cé, répondis-je de la même façon.
— On s'en fout, mon pote. Alors ? Moi et ta soeur, y a moyen, tu crois ?
Il fit retomber les lunettes sur ses yeux, haussant les sourcils en un mouvement suggestif, je levai les yeux au ciel.
— On d-dit "
t-ta soeur et m-m-moi".
— C'est la même...
— Messieurs Haze et Todd...
Je fusillai Liam du regard. De l'autre coté de la pièce, Alice jubila. Le prof posa ses mains sur ses hanches dans sa posture autoritaire numéro 3, la "
je suis pas content qu'on m'ait interrompu".
— Est-ce que je peux vous aider ?
Liam eut un sourire amusé:
— Non, monsieur, on se débrouille bien tout seul.
— D-D-Désolé, m-m-mons...
— La ferme, Todd, tona le prof.
— Ok, grimaçai-je.
— Puisque vous avez tant de choses à vous dire, vous viendrez demain en heure de colle pour vous les raconter. Ça vous permettra de vous concentrer aujourd'hui.
— M-M-Mais m-monsieur !
— Bon, alors ce sera deux heures de colle.
L'indignation gronda dans ma poitrine, je gardai la bouche close pour nous éviter les dégâts. Ce fut sans compter Liam qui n'en avait pas terminé, toisant le prof avec dédain derrière ses verres teintés et arborant un sourire en coin.
— Quelque chose à ajouter, Monsieur Haze ?
— Non, je pense que vous avez tout dit, Monsieur Dufion.
Le prof pâlit, je me mordis fort l'intérieur de la joue pour contenir mon rire, ce que les autres ne se donnèrent pas la peine de faire. Liam prit une expression contrite:
— Pardon. Monsieur Dufon, se corrigea t-il.
— Quatre heure de colle, à moins que vous ayez autre chose à ajouter ?
Liam ouvrit la bouche, les lèvres étirées avec espiéglerie, je m'empressai de le couper d'une voix forte:
— N-N-Non, il a f-f-fini !
Monsieur Dufon reprit contenance, rappela les autres à l'ordre et poursuivit comme si rien ne s'était passé. J'essayai d'encaisser le fait que grâce à mon charmant voisin de table, nous avions le droit à quatre heure supplémentaire là où notre plage horaire du mardi après-midi était magnifiquement vide depuis deux semaines (Mme Renolds, prof d'EPS était en congés maternité).
A la sortie, Alice nous dévisagea tous les deux avec un air goguenard, elle repoussa ses cheveux en arrière comme dans la pub L’Oréal et ouvrit la bouche pour dire
"parce que je le vaux bien". Non je plaisante, elle est trop garce pour réciter un slogan.
— J'applaudirais bien mais j'ai les mains prises, dit-elle en montrant les cahiers dans ses bras.
— Pas besoin d'applaudir, ma belle. Tes yeux expriment toute ton admiration.
Ma soeur le dévisagea, le nez froncé comme si elle avait reniflé une bouse de vache à un mètre, elle m'adressa finalement un regard tout aussi inspiré.
— Tes fréquentations s'améliorent. Continue comme ça, tu es dans le bon chemin. Encore un an et papa te raye de son testament.
— J-j-je me f-fiche de s-son arg-g-gent, c-contrair-rement à t-t-toi.
Je plantai mes yeux dans les siens et elle maintint le contact visuel un moment avant de tourner les talons. Liam s'était lassé de notre conversation et s'était appuyé contre le mur, ses binocles en forme de cœur sur le nez, il inspectait le plafond avec intérêt.
— Pourquoi ta sœur et toi vous vous détestez déjà ? Ah ouais, c'est vrai. C'est
"une trainée qui couche avec tous les garçons de la terre chez vous et qui dépense la paye gargantuesque de papa".
— Je t-t-te dét-t-teste aussi. A c-cause de t-t-toi on va d-d-devoir rester ap-p-près les c-cours !
— T'inquiète ! Ce sera fun, je te le promets ! A demain, Hell-boy !
Liam se décala du mur et repartit, les mains dans les poches, le pas légèrement sautillant, l'insouciance même.
Que voyait-il de si exaltant à travers ses lunettes roses ? Tout ce que je savais, c'était que le monde devait être beaucoup plus drôle vu de sa planète que vu de la mienne.
A suivre...
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Sujet: Original - pas de spoil - LES DEUX L (1) 
Sam 22 Aoû - 16:49
