Je me demandai si nous n'avions pas poussé le bouchon un peu trop loin. Si Liam tenait à quelque chose, c'était bien ses cheveux. Je l'avais vu se coiffer le matin, et c'était quelque chose. Sa tronche dépitée devant le miroir le soir même me fit culpabiliser, je passai une main sur son crâne pratiquement chauve, il restait une petite épaisseur de cheveux, assez pour que je les sente râper contre ma peau.
— C-Ca va r-rep-pousser, tentai-je.
— Vous avez été trop loin cette fois-ci ! Grogna t-il.
Sa voix était encore toute endormie. Il tourna la tête pour examiner son profil, une grimace triste étira ses lèvres. Liam soupira lourdement, il restait un coté que nous n'avions pas pu raser. Alice était partie poster la vidéo, je la soupçonnai de craindre ses foudres.
— Autant finir ce que vous avez commencé.
Liam me fourra sèchement la tondeuse électrique dans la main, s'assit à même le sol et croisa les jambes sous lui. Je déglutis difficilement avant de me mettre au travail, il paraissait furax. Raser les dernières mèches de cheveux me prit plus de temps que ce que j'avais cru, je m'appliquai. Liam dévisagea longuement son reflet une fois le travail fini, les sourcils froncés comme s'il avait du mal à se reconnaitre.
— T-T'es en c-colère.
— Sérieux ? T'as trouvé ça tout seul ?
Je me mordis les lèvres et plongeai mes mains dans mes poches pour me donner une contenance. Liam fit volte face, les mâchoires serrées:
— Je sais pas si t'as remarqué, Luke, mais j'ai pas grand chose à moi. Ta soeur et toi, vous êtes pétés de thune, vous avez tout ce que vous voulez en claquant des doigts mais c'est pas pareil pour moi ! La plupart des trucs que j'ai, soit ça vient des bonnes œuvres soit je les ai piqué. Au moins mes cheveux, c'était les miens !
— Ca v-va rep-pousser ! Insistai-je. C-C'est pas gr-rave, t-t-tu vas pas r-rester c-c-comme ça t-toute t-ta vie !
— Je m'en bats les couilles !
Je grimaçai. Quand Liam se mettait à jurer comme un charretier, ce n'était jamais bon. Il ne cessait de porter ses doigts à sa tête, pour sentir des cheveux qui n'étaient plus là, ce qui ne faisait qu'alimenter sa colère.
— Je me casse. C'est pas la peine de venir me parler demain.
— Liam...
— Vous avez été trop loin, mec.
Liam rassembla le peu d'affaires qu'il avait amené, je le suivis comme un chiot perdu, avec les bras ballants et un pincement au coeur.
— Ta soeur et toi, vous êtes réconciliés, je suppose que c'est le principal. Vous avez pas besoin de moi et j'ai sûrement pas besoin de vous, siffla t-il, en rage.
Il partit brusquement, en pleine nuit, sans me laisser le temps d'essayer de le convaincre de rester. Liam ne se fâchait jamais. Jusqu'à ce qu'il se fâche.
Le lendemain, je n'eus aucune nouvelle de lui.
A notre rentrée après l'exclusion, Liam m'ignora dans les couloirs. Il cacha son crâne rasé sous un bonnet ample que Monsieur Dufont lui ordonna d'enlever dès qu'il eut posé un pied dans sa salle de cours. Il se fit renvoyer quand il refusa. La culpabilité me serra la gorge tout au long de la journée. Chaque fois que je croisais le regard d'Alice, j'y voyais refléter ma propre question: Liam nous pardonnerait, pas vrai ? Ce n'était que des cheveux après tout...
Tout alla de mal en pis, Tania me posa une colle le soir même en sonnant à ma porte, tenant la main d'un petit garçon:
— Salut... C'est mon frère, Marvin. Écoute, je sais que c'est un peu brusque mais... j'ai besoin que tu me le gardes pour ce soir.
Un vent de panique manqua de me souffler. Marvin me rendit la pareille en m'adressant une œillade emplie d'effroi:
— J'ai pas envie, geignit-il.
— C'est juste pour ce soir Marv', chuchota t-elle.
— T-Tania, je p-p-pense pas p-pouv-voir m'oc-ccuper de l-l-lui, avouai-je.
Tania trépigna, comme si elle était au bord de la dépression, ou peut-être était-elle pressée d'aller au petit coin, allez savoir:
— S'il te plait, il faut que tu me sauves la mise ! Mon autre frère est assez grand pour se débrouiller tout seul mais je peux pas lui laisser Marvin à surveiller et Emma est punie, Manon est à un concert... Tu es le seul qui n'est pas occupé ce soir !
Marvin s'agrippa désespérément au bras de sa soeur, il secoua la tête en tout sens. Rester avec moi semblait être la dernière chose dont il avait envie. Sentiment partagé, mon pote. Tania laissa tomber un sac dans l'entrée en babillant à qui mieux mieux.
— Je t'ai préparé un sac avec son pyjama, ses DVD préférés, quelques BD s'il s’ennuie, il a déjà mangé... Tu n'as qu'à le mettre devant un film, il est très sage. Je passe le rechercher dans quelques heures.
— Q-Quelques h-heures ! M-M-Mais T-Tania ! Protestai-je.
— Je te le revaudrai !
Elle se défit brutalement de l'emprise de son frère, le poussa à l'intérieur et ferma la porte. Le gamin tenta de se précipiter sur la poignée, je me plaçai en travers. Je n'avais pas envie d'expliquer à Tania pourquoi son frère avait fini en crêpe sur la route si une voiture venait à le percuter. Marvin releva deux grands yeux mouillés vers moi, le menton tremblant.
— J'ai pas envie, chouina t-il.
— M-Moi n-n-non plus, gémis-je.
Il ne devait pas avoir plus de six ans, sa touffe de cheveux brun cachait pratiquement la moitié supérieure de son visage. Marvin croisa les bras:
— T'es débile ? Demanda t-il.
— N-Non, rétorquai-je.
— Alors pourquoi tu parles comme ça ? Insista t-il.
Ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas posé cette question.
— Et t-t-toi, p-pourquoi t-tu as les ch-cheveux b-bruns ?
— Ben pa-ce que, dit-il en haussant une épaule.
— B-Ben pa-ce q-que, répétai-je.
Marvin gloussa avant de se reprendre, comme s'il venait de se souvenir qu'il n'avait "pas envie". Je soupirai et me passai une main dans les cheveux. Tania n'allait – semble t-il – pas revenir, il fallait que je me coltine le gosse, je n'avais pas le choix. Je tendis la main vers lui:
— T-Tu veux q-q-qu'on regard-de ce q-q-que t-ta soeur a m-m-mis d-dans le s-sac pour t-t-toi ?
— Je veux rentrer à la maison, pleurnicha t-il.
— P-Pas poss-ssible, m-mon g-grand. T-Ta soeur n-n-nous a p-piégé t-tous les d-d-deux, on v-va d-devoir se t-tenir comp-p-pagnie un m-moment.
J'abandonnai l'idée de l'amener à me prendre la main, je fermai la porte à clef et fouillai dans le sac. Robin des bois, Frère des ours, Lilo et Stitch, Hercule... des dessins animés que j'avais vu et revu et ratata-vu. J'avisai Marvin qui s'était aventuré plus loin dans l'entrée, jetant un coup d'oeil curieux à tout ce qui l'entourait:
— T-Ta soeur v-va me t-t-tuer si on r-r-regarde
Walk-king d-dead ?
— C'est quooooi ?
— Tu verra. Mais faudra rien dire à Tania, ok ?
— J'veux rentrer...
Marvin se mit à sangloter. Je fermai les paupières une seconde. J'imaginai une balance dans ma tête, d'un coté les avantages d'avoir une petite-amie et de l'autre les inconvénients qui pesaient de plus en plus lourd au fil des minutes passées à supporter les pleurs de ce gamin.
— M-Marvin, ar-rrête d-de p-p-pleurer, geignis-je.
Aucun effet. Les sanglots me vrillèrent le cerveau. Je me mis à son niveau en m'agenouillant devant lui. J'essayai d'écarter ses mains potelées de son visage.
— Allez, c-c'est f-fini... T-Ta soeur va b-bientôt rev-venir, arr-rrête de p-pleurer.
Les pleurs se transformèrent en hurlements stridents qui me firent grincer des dents. Marvin repoussa mes tentatives, me dardant d'un regard noir. Je craquai:
— S-Si tu arr-rrêtes de p-p-pleurer, je p-pourrai p-p-peut-être a-aller v-voir s'il m-m-me reste d-de la g-glace au c-congélat-teur...
— Hm-Hm ?
— Et p-peut-être q-q-que je t-te laisserai en av-voir un b-b-bol si t-t-tu es sage, continuai-je en priant pour que ça le fasse taire.
Marvin s'essuya les joues avec ses manches, le visage rouge et les yeux noyés:
— Deux ? Demanda t-il avec espoir.
Je reniflai avec amusement:
— On v-verra.
Après avoir promis de lui préparer un bol de glace, Marvin accepta de me donner la main et d'aller se mettre en pyjama sans faire d'histoire. Il attendit patiemment sur le canapé que je lui apporte sa glace aux cookies et se tint immobile pendant le générique de Walking dead.
— C'est des zombies ? Demanda t-il en sautillant.
— Ouaip.
— Trop coooool ! Souffla t-il. Est-ce qu'ils mangent des gens ?
— Des t-t-tonnes, affirmai-je.
— Trop cool, répéta t-il.
Sa présence me rappela vivement l'absence de Liam. Marvin occupait sa place sur le fauteuil et même s'il était sage, ce n'était pas la même chose. Il renversa son bol à la moitié de l'épisode, se lassa de la série et se mit à courir autour de la table basse comme un possédé. J'avais fait l'erreur de donner du sucre à un enfant et j'en payais les conséquences.
— Comment tu t'appeeeeelles ?
— Luke.
— Comme le cow-boy ?! Super ! Je peux t'appeler Lucky Luke ?
— Non, grognai-je.
— Lucky Luuuuuuke ! Hurla t-il.
Je parvins à le calmer avant qu'il ne se mette à grimper aux murs. Et dire que je pensais qu'Alice était infernale...
— Tania c'est ton amoureuse ? Demanda t-il.
— Oui, répondis-je honnêtement.
— Beuuuurk ! Et vous faites des bisous ?
— D-Des fois. Et t-t-toi, tu as u-une am-m-moureuse ? Ou u-un am-moureux ? Dis-je après une seconde de réflexion.
— Naaaan, c'est dégueu ! Rit-il.
— Ouais... t-t'as rais-son.
Qu'il en profite, le temps où l'idée d'embrasser une fille me dégoutait et où tout ce qui comptait était les copains et les jeux me manquait parfois. Souvent, en fait.
Marvin dessina sur mon devoir de math avant que je m'en rende compte et il me fit une scène lorsque je lui expliquai que non, il ne pouvait pas le garder pour l'accrocher sur le frigo de sa maison. Je finis par recopier mon devoir rapidement pour qu'il puisse garder cette maudite feuille. J'étais au bord de la rupture quand la sonnette retentit, Tania était de retour.
— Il a été sage ?
— Ouais, b-bien s-sur, grommelai-je, épuisé.
Tania sourit, elle se dressa sur la pointe des pieds et m'embrassa sur la bouche.
— Merci. T'es un ange, souffla t-elle.
Marvin s’emmitoufla dans l’énorme couverture que je lui avais donné au cas où il aurait froid. Tania se colla contre moi un instant, j'enroulai mes bras autour d'elle et fermai les yeux.
— Wouuuuh, ils sont amoureuuuux, se moqua Marvin.
Je reniflai avec amusement et embrassai la tempe de Tania avant de la relâcher doucement. Elle tendit la main à son frère, ce dernier se tourna vers moi, mon ex-DM à la main:
— Je pourrais reviendre ? Demanda t-il.
— T-Tu p-p-pourras "rev-venir", corrigeai-je. Oui, s-si tu es s-sage.
Alice choisit ce moment précis pour revenir de je-ne-sais-où, elle fronça les sourcils et ses yeux passèrent de Marvin à Tania avec perplexité. Tania se mordit les lèvres, clairement mal à l'aise, et prit le sac de son frère:
— J'y vais. A demain, sourit-elle.
— A d-demain.
— Bye, Lucky Luke ! S'exclama Marvin.
— Bye, M-Marv'.
Tania n'osa pas regarder ma soeur, elle pressa Marvin jusqu'à sa voiture. Le gamin me fit signe, je l'imitai et restai jusqu'à ce qu'ils aient disparu au détour d'une rue. Alice posa une main sur sa hanche, un sourcil haussé:
— Marv' ?
— M-Marvin, rectifiai-je.
— Elle te fait garder son petit-frère maintenant... Super cool, marmonna t-elle.
— Ne p-p-prononce p-plus le m-m-mot "Super" ou "C-Cool", je t-t-t'en prie, grinçai-je. J-Je les ai ent-tendu t-t-toute la s-soirée.
Alice ricana, je me laissai tomber sur le canapé en ignorant l'énorme tache de glace sur le tapis, preuve irréfutable du passage de Marvin dans la maison. Il m'avait drainé de toute énergie ce gosse. Alice s'installa à coté de moi:
— Je pense qu'il est temps qu'on fasse quelque chose qu'on a évité de faire depuis notre succès Youtubesque...
— M-Maintenant ? Râlai-je.
— Autant battre le fer tant qu'il est encore chaud... Puis ça pourrait nous aider à comprendre pourquoi Liam nous fait la tronche.
Je fronçai le nez. Touché. Alice soupira:
— J'ai essayé d'aller chez lui, pour lui parler. Il y avait que son père, il m'a dit que Liam était en vadrouille et qu'il ne savait pas quand il reviendrait. J'ai attendu un peu devant chez lui mais il est jamais venu.
— J-Je suis j-j-jamais allé ch-chez lui.
— N'y va pas ! C'est un trou paumé, je comprends mieux pourquoi il ne nous invite jamais chez lui... Pauvre Liam.
— P-Pauvre d-d-dans le s-sens littér-ral du t-t-terme ?
— Au sens figuré comme au sens littéral, malheureusement. Allez, viens... Plongeons dans les commentaires de la populasse.
— J-J'ai pas env-vie, gémis-je en imitant Marv'.
Alice ne me laissa pas le choix, elle se connecta à Youtube depuis son portable et fit défiler les commentaires. La plupart étaient sympas:
blackVSwhite: J'ador ske vous fètes, la téte de Liam !! Trop puissant XD
mirandarabbit: Sa réaction est énorme ! Vous êtes dingue !Et d'autres...
AndyMCConnor: Mer2, mé ça va metre d anné à repoussé com avan ! Bande 2 fou, normal kil soit véner !
Nath254: Vous allé bcp trop loooooin ! C'est pas une blague, c'est de la méchanceté gratuite. Surtout que Luke et Alice ont l'habitude de se faire des blagues l'un l'autre mais jamais à Luke, tu m'étonnes qu'il réagisse aussi mal ! Il a jamais fait de blague aux deux à ce que je sache !
................Réponse: Macbouc57: C'est bon, Nath254, arrête, c'est un mec ! Les gars ont les cheveux courts naturellement, pas de quoi en faire un drame, ça va repousser ! C'était beaucoup plus bizarre quand Luke a rasé le sourcil de Alice, les sourcils ça met plus longtemps à repousser que les cheveux... LoveBankock: Noooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooon !!! Les magnifiques cheveux de Liam, bande de scalpeur ! :'( Il avait de si beaux cheveux, le pauuuuvre ! — Tu crois qu'on a été trop loin ?
— J-Je p-p-pense q-qu'il ten-nait à s-ses chev-veux.
— ... Donc on a été trop loin.... Qu'est-ce qu'on peut faire ?
— J-Je sais p-p-pas...
Nous échangeâmes un regard perdu. Liam était parti depuis une journée et tout foutait le camp.
.
Liam ne répondit pas à nos SMS et ne vint pas au lycée les deux semaines suivantes. Malgré les avertissements d'Alice, je décidai de me rendre chez lui pour voir ce qu'il fabriquait et s'il comptait nous pardonner. Mort d'inquiétude, je me mis au volant quand mon portable se mit à sonner, j'hésitai à répondre... avant de voir le visage de Tania illuminer l'écran. Je soupirai et décrochai:
— Allo ?
— Luke ? C'est moi.
— Ouais...
— Tu vas me tuer mais... j'ai de nouveau besoin que tu me gardes Marv', dit-elle, gênée.
— Je p-peux pas. J'al-llais p-p-partir.
— S'il te plait ! Ce sera pas long, je te jure ! Juste une heure ou deux et je repasserai le chercher...
— T-Tania... soupirai-je.
— S'il te plait..., supplia t-elle. Je... Tais-toi, Marvin, j'essaye de parler... (Luckyy Luuuuuuke ! Hurla le gamin en arrière plan) Allez, Luke... j'ai besoin de toi, me laisse pas tomber.
Je me mordis les lèvres et m'affalai un peu plus dans mon siège. La frustration me donna des fourmis sous la peau, je serrai les poings et soufflai lourdement, agacé:
— D'accord, cédai-je.
— Merci ! Je te l'amène dans dix minutes.
Elle raccrocha aussi vite, peut-être de peur que je change d'avis. Je claquai la porte de la voiture en sortant, inutile vu que personne n'était là pour assister à mes élans de rage. Je rentrai et patientai en essayant de ne pas bouillir. Ponctuelle, Tania arriva dix minutes plus tard, Marvin se précipita pour me serrer les jambes de ses petits bras.
— Tu as fait bonne impression, sourit-elle.
— Lucky Luke ! On peut regarder des zombies ?
Tania haussa un sourcil, je haussai une épaule avec innocence. Elle leva les yeux au ciel avec un sourire et m'embrassa brièvement:
— Encore merci... Désolé, ça fait deux fois que je me sers de toi comme baby-sitter, dit-elle, contrite.
— Hmm..., grommelai-je.
— Sois pas fâché... C'est la dernière fois, promis.
Elle m'embrassa encore et fila, sa robe rouge virevoltant à chacun de ses mouvements. Marvin se balança de droite à gauche en la regardant partir, je me crispai, sûr que les larmes ne tarderaient pas à arriver. Mais elles ne vinrent pas. Il releva la tête vers moi, un bras toujours enroulé autour de ma jambe.
— On regarde des zombies ?
— N-Non, j'ai une m-m-meilleure idée... Une b-b-balade en voit-ture, ça te d-dit ? Demandai-je.
— On va oooooù ?
— Ch-Chez un p-p-pote.
— Cool !
Je pris la main de Marvin et l'installai sur le siège arrière. Je n'avais pas de rehausseur mais ça irait. En tournant la clef, la radio s'alluma sans que je lui demande quoi que ce soit,
Fat bottomed girl de Queen s'éleva dans l'habitacle. Marvin imita le batteur avec plus ou moins de succès et je le laissai s'amuser en tournant dans le quartier de Liam en cherchant le numéro 5.
— Ben moi je sais comment on fait les bébés, annonça fièrement Marvin.
— Ah b-bon ? C-Comment ?
— Tu sais pas !? Mais t'es super vieux, tu dois savoir ! Alors en fait, on prend une graine et on la met dans le ventre de la maman et ça donne un bébé ! Mais ça marche pas toujours..., ajouta t-il d'un ton attristé.
— Ah ? Dis-je distraitement en faisant demi-tour.
Mais où était ce fichu numéro 5 ?
— Bah ouais, j'ai donné une graine à Felicia et on a attendu suuuuuper longtemps mais ça a pas marché !
— C-C'était p-p-peut-être p-pas la b-bonne grain-ne...
— C'était une graine d'artifroid !
Je clignai des yeux et m'arrêtai sur le bas-coté pour mieux lui jeter un coup d'oeil dans le rétro. Les bras croisé, il était mortellement sérieux.
— D-D'artifroid ? Répétai-je.
— Ben ouais... Il était pas chaud l'arti vu que c'est une graine.
Je secouai la tête avec un petit sourire en coin. Le numéro cinq me sauta finalement aux yeux, je fis descendre Marvin de la voiture et marchandai un bonbon contre la promesse qu'il ne fasse pas l'andouille et me tienne la main dans la rue. Je pressai plusieurs fois le bouton d'appel, aucun son ne m'indiqua qu'il fonctionnait, je finis par toquer dans le doute. Le battant s'ouvrit sur la carrure impressionnante de Mr Haze, les cheveux toujours aussi ébouriffés:
— Oui ? Grogna t-il.
Je bafouillai un bonjour et lui demandai si Liam était là, je devais lui parler. Le regard de Mr Haze passa de Marvin à ma silhouette dégingandé, se fixa sur mes cheveux toujours aussi désespérément bleus.
— T'es le gamin avec qui il s'est fait chopé entrain de taper sur ce gamin..., réalisa t-il.
— Liam n'y était pour r-r-r...
— Rien, me coupa t-il.
Bon dieu, je détestais ce genre d'interruption. Oui, je bégaie, merci de me le rappeler.
— Hm... O-oui. J'ai d-d-donné le p-premier c-c-coup, je s-suis d-d-déso...
— Désolé ? Je te coupe tout de suite, gamin. C'est gentil de venir t'excuser mais Liam est assez grand pour assumer les conséquences de ses actes. Tu as peut-être donné le premier coup, mais il se trouve qu'il a donné le deuxième, et peut-être bien le troisième pour ce que j'en sais...
Mr Haze fit mine de fermer la porte, Marvin se cramponna nerveusement à ma main tandis que j'avançai d'un pas pour l'en empêcher:
— J-Je ne s-s-suis p-pas v-venu m'exc-c-cuser. Je v-voulais lui p-p-parler...
— Il n'est pas là. Pour être honnête...
Le visage de Mr Haze s'affaissa, il soupira et se passa une main lasse sur le visage. Il secoua la tête:
— Je ne sais pas où il est la plupart du temps. Il part en vadrouille, il disparait des jours entiers... Et quand je le vois, c'est toujours parce qu'il cause des ennuis à droite à gauche !
— Monsieur... L-L-Liam est m-mon m-m-meilleur ami et t-tout ce q-q-que je p-p-peux v-vous dire... C-C'est q-q-que ce n-n'est p-pas une m-m-mauvaise p-personne.
Mr Haze me lança un sourire de dérision:
— Peut-être que tu ne le connais pas aussi bien que ce que tu crois. Mais c'est gentil, je suis content qu'il ait des amis sur qui il peut compter. Je lui dirais que tu es passé... ?
— L-Luke, terminai-je.
— Luke, répéta t-il en hochant la tête.
Marvin me tira la main avec insistance en chuchotant "on peut rentrer maintenant ?" sans discrétion. Je hochai la tête:
— S-S'il rentre... V-V-Vous p-pourrez lui d-d-dem-mander d-de m-m'envoyer un s-sms ?
— Ok.
— M-Merci... Au-Au r-revoir, d-d-désolé d-de v-vous av-voir d-dérangé.
— C'est rien. Au revoir.
De retour dans la voiture, une question me traversa: Où pouvait bien être Liam ?
Marvin me sortit de ma rêverie:
— Son papa sait pas où il est ?
— Non, il n-ne sait p-p-pas.
— Il se cache ?
— On p-p-peut d-dire ça...
— Peut-être qu'il est fâché. Quand je suis fâché, je me cache pour que personne me trouve !
Je me tournai pour l'examiner. Rien qu'un gosse, ce genre de problème ne le regardait pas, pas plus que mes séries de zombies.
— Et q-q-qu'est-ce q-que t-tu f-fais q-q-quand tu f-faches q-q-quelqu'un ?
— Moi ? Je dis pardon !
— Et q-q-quand ça n-ne m-m-marche p-pas ?
Marvin prit le temps de la réflexion:
— Ben... Soit je dis pardon encore, soit je donne un bonbon ou bien je fais une blague !
Une blague ? Non, ma dernière blague avait tourné au vinaigre, merci bien. Je fis demi-tour et laissai la radio tourner en espérant que ça occuperait Marvin. C'était un bon gosse, dommage qu'il soit hyperactif sur les bords. Je m'arrêtai au fast food du coin pour lui payer une glace et gaspillai ce qui me restait d'argent en manège, Marvin fit quatre tours de tapis volant sans se lasser et en criant "WOUHOUUU" toutes les deux minutes.
Tania nous attendait sur les marches, devant chez moi, lorsque nous revînmes, elle se précipita sur nous en gesticulant dans tous les sens, furibonde:
— Où est-ce que vous étiez !? J'ai essayé de t'appeler des millions de fois, ça répondait pas, j'étais morte d'inquiétude !
— C-C'est b-bon, relax ! J-Je t-t-t'ai dit q-que j'av-vais d-d-des t-trucs à f-f-faire !
— Sois pas méchante avec Lucky Luke ! J'ai fait Aladin pleiiiiin de fois et on a mangé une glace, on a vu un monsieur bizarre avant mais c'est le papa du copain de Luke alors ça va ! Je pourrais reviendre ?
— R-Revenir, corrigeai-je.
— C'est pareil ! Grommela Marvin d'un ton boudeur.
Tania secoua la tête en nous dévisageant, coupée dans son élan. Elle se laissa retomber sur les marches en soupirant, les mains sur la tête. Je serrai les doigts de Marvin qui était encore sagement à mes cotés et m'assis avec elle. Son frangin grimpa sur mes jambes sans rien me demander. Tania me jeta un coup d'oeil:
— J'ai eut peur, avoua t-elle.
— Il n-ne risq-q-quait rien. S-Sauf une o-overdose d-d-de suc-cre, concédai-je.
Tania rit, elle appuya sa tête contre mon épaule. Je montai une main pour l'enfouir dans ses cheveux et embrassai son front. Marvin gloussa:
— Dégueu...
— C'était qui le "monsieur bizarre" ? M'interrogea t-elle.
— Le p-p-père de L-Liam. Je m-m-m'inquiéte p-pour lui, je v-voulais sav-voir ce q-q-qui se p-passe et p-pourquoi il n-ne rev-v-vient p-pas au l-lycée.
— Je peux demander à Chase s'il l'a vu si tu veux...
— C-Chase... ?
— Tu te souviens, le jour où on s'est rencontré pour la première fois ? C'était le gars...
— Ah o-ouais... le g-g-gars sans p-pantalon.
— Yerk, grimaça Marvin.
— Ouais... C-Ce serait c-c-cool. Tu v-veux ent-trer une s-s-seconde ?
Tania hocha la tête, Marvin sauta sur ses pieds et sautilla devant la porte, impatient de rentrer. A l'intérieur, je le désignai maitre de la télécommande, Tania se blottit contre moi dans le canapé, les yeux rivés sur son frère qui zappait comme un dingue. Elle pianota sur son portable:
— Voilà, on en saura plus dans quelques minutes. Chase est pratiquement greffé à son portable.
— M-Merci.
— En parlant de Liam... Je me demandais...
Tania s'interrompit, pensive.
— Q-Quoi ?
— Vous vous faites toujours des blagues entre vous... mais pourquoi pas à moi ?
Je reniflai avec amusement:
— Tu v-v-veux q-qu'on te f-fasse d-des f-farces ?
— Oui, pourquoi pas, dit-elle en haussant les épaules.
Sa réponse tourna plusieurs fois dans ma tête.
— P-Pourquoi ? Demandai-je.
— Hm ?
— Pourq-q-quoi ? Répétai-je. P-Pourquoi t-tu veux q-q-qu'on t-te p-piège ? T-Tu as v-v-vu ce q-que ça a f-fait à Liam alors p-p-pourquoi t-tu voud-drais q-qu'on te f-fasse d-d-des blag-gues ?
La question sembla la perturber, elle détourna le regard:
— Pourquoi est-ce que tu rapportes toujours tout à Liam ?! Souffla t-elle. Tu es obsédé par ce type.
— T-Tu n'as p-pas rép-pondu à l-la q-question.
— Toi non plus.
Marvin se crispa et tourna la tête vers nous, les sourcils froncés. Tania s'écarta, frustrée. Je n'étais pas décidé à lâcher l'affaire:
— J-Je ne suis p-p-pas obséd-dé par L-Liam, c-c'est m-mon ami et-et il m-m-me fait l-la gueule a-alors f-forcément, ç-ça joue s-sur m-m-mes suj-jets de c-conversation !
— Arrête, ricana t-elle amèrement. Tu n'as que son prénom à la bouche, à croire que c'est lui ta copine et pas moi !
— P-Pourquoi tu v-v-veux q-qu'on t'imp-plique d-dans nos f-farces ?
Une pensée fugitive me traversa l'esprit, je me levai en même temps qu'elle:
— C-Ce n'est p-pas p-p-pour les f-farces... T-Tout ce q-qui t'int-téresse c-c'est de f-faire p-partie d-d-des vid-déos !
— Mais bien sûr ! C'est tout ce qui m'intéresse, tu as raison ! Se moqua t-elle. Je voulais juste partager quelque chose avec toi, mais tu vois le mal partout ! Et ta soeur ! Ta soeur me déteste, elle t'a monté la tête contre moi !
— Tania..., gémit Marvin.
La voix du petit-frère me rappela que nous n'étions pas seuls, je pris une inspiration et secouai la tête.
— On en r-reparlera p-p-plus tard.
— C'est ça, cracha t-elle. Allez, viens, Marv', on y va.
Marvin se leva, me lança un regard timide et se dandina nerveusement:
— On va voir ton deuxième amoureux ?
Tania se figea. Un seau d'eau glacé m'aurait certainement fait moins d'effet que la bombe qu'il venait de balancer. Je me tournai vers Marvin le plus calmement possible:
— Q-Quel d-deuxième am-moureux, M-Marv' ?
— C'est Billy, il est pas très gentil, il me laisse pas regarder des zombies mais il a des gros bras alors je dis rien, babilla t-il.
— Ok.
— Luke..., commença Tania.
— Non. M-m-maintenant t-tu p-p-peux f-foutre le c-camp de ch-chez moi et en t-trouver un a-autre à e-entuber.
Et si je me censurai niveau noms d'oiseaux, c'était seulement pour épargner les jeunes oreilles de Marvin. Pauvre gosse, il n'avait rien demandé à personne. Tania tendit la main vers son frère:
— On y va, Marvin.
— Bye, Lucky Luke, geignit-il d'une petite voix inquiète.
— A p-plus, Marv'.
Il m'adressa un sourire auquel je répondis, bien que faiblement. Tania consulta son portable avant de sortir:
— Chase n'a pas vu Liam, m'annonça t-elle, glaciale.
La porte claqua brutalement, je fermai les yeux et m'affalai sur mon canapé.
—
Tu veux savoir si ta copine te trompe ? Tape COCU au...Je grognai et m’assommai avec un coussin. Même la télé se moquait de moi.
A suivre...
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Sujet: Original - pas de spoil - LES DEUX L (11) 
Sam 14 Nov - 11:11
Il a vraiment été vexé et blessé, on dirait. J'espère qu'il va les contacter de nouveau.
