Original - pas de spoil - Le conseil (à lire après "Prendre le gauche")

Fandom: Originale
Prompt : Pour que l'orage s'annonce.







Filip se redressa de toute sa hauteur, déterminé à avoir le dernier mot. Elias avait les bras croisés, cachant ses mains terreuses et salis par le labeur, il avait une moue butée sur le visage. Aucun des deux ne voulaient céder.

« C'est ridicule, déclara Filip.
- Pourquoi je ne pourrais pas y aller ? Votre père m'a autorisé à assister à chaque fête qui aurait lieu au palais, il m'a toujours laissé entrer ici à ma guise, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas participer à ce bal sous prétexte que cela ne vous plaît pas !
- Elias, le réprimanda Filip. »

Elias serra les dents avec obstination, son regard se durcissant. Filip sentit son cœur manquer un battement.

« Vous avez honte de moi. »

Filip secoua la tête, s'il était sûr d'une chose, c'était qu'il n'avait jamais eut honte d'Elias. Le rang importait peu à ses yeux. Il était fier du travail que son amant exerçait, il estimait que travailler la terre aussi durement qu'il le faisait était une qualité et non pas un défaut. Filip aurait aimé être aussi libre qu'Elias, aussi insouciant. Le jeune homme serra ses doigts en poings, vexé.

« Je n'ai pas honte de toi. Loin de là. Je suis déconcentré quand tu es dans les parages et les gens de la cour l'ont remarqué, ils me font des remarques.
- Je croyais que vous vous fichiez de ce qu'on pensait de nous, rétorqua Elias.»

Plus ses réponses étaient précises et plus Elias se vexait. Filip ne voulait pas blesser son amant mais la réalité était là : il était roi, il ne pouvait pas faire ce qui lui chantait. Il était parfois tenu de faire ce qu'on attendait de lui, il devait obéir au conseil la plupart du temps. Il n'était pas libre. Elias le dardait de son regard ardent, certain qu'il avait raison, animé par la passion. Filip prit le temps de retrouver son cœur avant de répondre.

« Je n'en ai pas grand chose à faire, affirma Filip. Mais les conseillers...
- Alors au diable les conseillers ! »

Elias avança d'un pas, les collant l'un contre l'autre et enroulant ses bras autour de sa taille. Filip se retint de toutes ses forces pour ne pas rendre l'étreinte de son amant, il devait rester ferme et ça lui déchirait le cœur. Il ne faisait pas ce qu'il voulait. Il ne put s'empêcher de passer une main dans les cheveux d'Elias, pour adoucir le rejet qui allait suivre :

« Elias... Je te demande de ne pas y aller. »

Elias s'éloigna et ouvrit la bouche pour émettre une protestation. Filip posa sa main sur sa bouche pour l'en empêcher et le regarda avec sérieux.

« Je ne peux pas t'ordonner quoi que ce soit. Ça me briserait le cœur de devoir te donner des ordres, je ne veux pas être que ton roi. Alors je te le demande : ne viens pas au bal, s'il te plaît. »

Filip enleva doucement sa main de devant sa bouche. Elias maintenait toujours son regard, fouillant ses yeux à la recherche de quelque chose. Il sembla trouver ce qu'il cherchait et hocha la tête, paraissant tout de même déçu. Filip savait qu'ils ne se voyaient pas beaucoup, que ça pesait sur le mental d'Elias qui aurait aimé qu'ils soient toujours l'un avec l'autre. Il aurait pu changer cela mais son amant était aimé du peuple, il avait une situation, une maison, une famille. Filip ne demanderait jamais à Elias d'abandonner tout cela pour lui, il n'était pas égoïste à ce point.

« D'accord, soupira Elias. »

Filip se pencha et embrassa le front d'Elias en un remerciement silencieux.







La fête battait son plein, le peuple était ravi du bal que le roi avait organisé. Filip était assis sur son trône, sa canne traditionnelle serrée dans sa main droite. Il se levait de temps en temps pour danser avec une femme faisant parti de son cercle social. Il faisait parfois une exception, pour montrer qu'il était un roi ouvert d'esprit. Filip pensait à Elias. Il se demandait si son amant lui en voulait de ne pas assister au bal masqué. Il le voyait partout et il aurait voulu pouvoir agir à sa guise. Si seulement l'aîné des membres du conseil ne lui avait pas dit que sa relation avec Elias faisait jaser au palais... Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il ne vit pas la silhouette qui se dirigeait dans sa direction. Il ne s'en rendit compte que lorsque la personne tendit la main vers lui et fit une révérence avec grâce.

Filip manqua de sursauter. Il était rare qu'on vienne lui demander une danse. Le fait était qu'il était un roi très tolérant, ses sujets étaient habitués à ses manières douces et réservées. Il était plus accessible. Filip se rendit compte que certaines personnes commençaient à les toiser et se dépêcha d'accepter la danse pour ne plus que l'attention soit fixé sur l'audace qu'avait eut son sujet. Il prit la main ferme et calleuse, se mordant les lèvres et se laissa mener au milieu de la piste tout en observant sa partenaire de danse.

Elle avait une silhouette plutôt androgyne, de longs cheveux roux qui brillaient sous les chandeliers. Elle portait un chapeau tricorne qui faisait sensation sur les autres femmes de l'assemblée et son masque était de couleur noire, bordé de plume et de broderie. Les pantalons étaient interdit pour les femmes, exception faites pour les soirées costumées, et il n'avait apparemment pas fallut le dire deux fois à cette jeune-femme aux épaules carrées. De longues bottes de cuir recouvraient ses jambes élancées et une chemise blanche faisait saillir sa carrure développée.

Filip faillit sursauter une deuxième lorsque sa partenaire s'arrêta enfin au milieu de la pièce pour lui faire face. Il y avait quelque chose à son propos qui faisait bouillir le sang dans ses veines, elle lui était familière, il ne savait pourquoi. Filip observa l'inconnue avec d'autant plus d'attention, intrigué à son propos mais celle-ci se déroba sans cesse à ses coups d’œils scrutateurs, baissant la tête, détournant les yeux, se contentant de danser.

La main tenant la sienne était assez abîmée, Filip sut tout de suite qu'il avait affaire à quelqu'un de socialement inférieur à lui. Il n'y attachait pas d'importance. Il contempla les mouvements de la personne, sa tenue, la façon dont son dos se courbait légèrement parfois, sa langueur et la force qui se dégageait de son corps à chaque geste. Filip pinça les lèvres, il arrêta discrètement la danse et releva son menton. Deux yeux noisettes lui firent face et il secoua doucement la tête.

« Elias, constata t-il. »

Les yeux de Filip voyagèrent une fois de plus sur le corps de son amant, examinant la façon dont il s'était déguisé et n'avait pourtant pu se cacher à ses yeux habitués. Il l'aurait reconnu sous n'importe quelle forme. Elias baissa les yeux, pris la main dans le sac et Filip sentit son cœur se serrer. Son amant avait été jusqu'à se travestir pour être avec lui. Il ne l'avait pas trompé, n'était pas parvenu à le rouler dans la farine. Elias voulut retirer sa main de la sienne, pensant à tort qu'il était en colère. Filip lança un coup d’œil vers les membres du conseil qui avaient les yeux rivés sur eux, l'aîné le fusillait du regard. Ils l'avaient donc reconnu. Elias ne trompait finalement personne.

Filip fit un signe de tête au conseil, assez long et prononcé pour qu'ils le voient tous. L'aîné sembla se détendre, pensant qu'il allait mettre fin à cette histoire, il allait être déçu. Déterminé et le dos droit, Filip fit une révérence à Elias comme la coutume l'exigeait. Cependant, au moment où il aurait dû s'éloigner et prendre congés, Filip leva la main d'Elias et la porta à ses lèvres. Son amant se crispa entièrement, le souffle coupé. Le message était clair. Peu de gens avait vu son geste, Filip ne le destinait pas à la foule entière, juste au conseil mais surtout à Elias.

Aux yeux du peuple, le roi Filip lâcha la main de sa partenaire avec politesse, retournant s'asseoir sur son trône. Il fit sa sortie une dizaine de minute plus tard, fier comme un roi devait l'être.

Aux yeux du conseil, le roi Filip lâcha la main de son amant, l'effleurant, essayant de retenir l'étreinte jusqu'au moment fatidique où il devait l'abandonner, il défia du regard l'aîné sur le chemin du trône, retournant s'asseoir avec autorité. Il fit sa sortie dix minute plus tard, ignorant les bouleversements qui agitaient le conseil et sourd à leurs jérémiades, fier comme un roi devait l'être.

Filip enleva les parures qui décoraient ses cheveux, laissant tomber ses robes lourdes, finissant en pantalon léger et en chemise légère. Il cacha ses mains tremblantes en croisant les bras. La vérité était qu'il était un jeune roi, il avait vingt six ans mais n'avait accédé au trône qu'à vingt quatre. C'était la première fois qu'il défiait le conseil de cette façon, sur un sujet aussi important et aussi tabou. L'ancien roi, son père, avait été très libéré et n'avait jamais jugé sa relation avec Elias, que des personnes extérieures se permettent de le faire l'avait fait sortir de ses gonds et Filip n'avait pu s'empêcher d'affirmer sa position, de montrer les crocs.

Des bruits de pas se firent entendre sur le balcon et Filip se retourna pour se retrouver face à Elias qui était sûrement passé par le passage secret, comme à son habitude. Son amant enleva son chapeau et la perruque qui allait avec, ne laissant que l'homme dont il était tombé amoureux quand il avait seize ans. Elias avait les yeux écarquillés, il leva soudainement les bras au ciel manquant de s'arracher les cheveux.

« Je... Vous... Vous avez réellement fait cela ? Devant le conseil ? Balbutia t-il. »

Filip sentait l'air crépiter entre eux. Il n'était pas en colère, il sentait juste qu'il allait se passer quelque chose. Pourtant, il en faudrait plus pour que l'orage n'éclate. Il s'approcha d'Elias, le sang en éruption dans ses veines, son cœur allait devenir fou.

« Je pensais que le conseil pouvait bien aller au diable ? Demanda t-il »

Elias le dévisagea, entre ébahissement et inquiétude, comme s'il se demandait si Filip n'avait pas prit un coup sur la tête. Il avait sûrement prit trop de soleil aujourd'hui, mais il n'en avait cure. Filip avait trop d'adrénaline dans le sang, ce qu'il avait fait avait fait monter sa tension, lui faisait tourner la tête. Il fallait que cette pression s'en aille d'une manière ou d'une autre et il était fou d'Elias.

« Pas de cette façon ! Souffla Elias, encore abasourdi. Vous... »

Filip ne put pas en supporter d'avantage, sa peau frissonnait trop fort, il avait trop besoin de lui. Il poussa Elias contre le mur et plaqua son corps contre le sien, lui coupant la parole en l'embrassant. Elias grogna de surprise, il se laissa embrasser, ne sachant comment réagir. Filip se détacha de lui une seconde et secoua la tête :

« Ne me vouvoie plus. »

Les yeux d'Elias vacillèrent sur son visage et il souffla, pantelant. Filip se pencha dans l'idée de voler ses lèvres à nouveau, pris de frénésie.

« Pourquoi ? Demanda Elias avant qu'il ne puisse l'embrasser. »

Filip passa une main sur la joue lisse d'Elias, savourant l'absence de barbe, c'était nouveau, pas négatif. Il sourit en voyant son amant frissonner.

« Parce que je ne suis plus ton roi, répondit-il. »

Elias le dévisagea, la bouche entrouverte sous le choc. Filip venait d'admettre que le rang ne comptait plus entre eux. Elias poussa un soupir tremblant et se jeta sur lui, l'embrassant à pleine bouche.

Désormais, lorsqu'ils seraient ensembles, Filip ne serait plus roi et Elias ne serait plus paysan. Ils ne seraient plus que Filip et Elias, deux hommes qui s'aimaient envers et contre tout.

OOOOOH lalalalala. C'était oooooh <3 j'adore. ils sont trop mimimi

J'ai ADORE cette suite. J'attendais le moment où Elias viendrait tout de même au bal. Je n'ai pas été déçue.^^

Et, le symbole de ce geste, devant tout le monde... Et du tutoiement à la fin.

Wow.

Merci pour ces deux très beaux textes.


Maeve

Merci à vous deux, ça me fait trop plaisir que vous aimiez <3