Original - pas de spoil - Chapitre 9

Fandom: Original
Prompt: Tout était clair maintenant.





Le ronronnement de la cafetière s'élevait dans la cuisine, la tête appuyée contre la main, complétement affalé, je broyais du noir. Paddy dormait sur le clic-clac, sur le coté, sa masse de cheveux noir indompté par les doigts experts de Nicky. Je serrais les dents et examinais une fois de plus mon portable. Il était trop tôt pour appeler les services sociaux. Je me servais une tasse de café et manquais de la faire tomber lorsque Paddy apparut dans mon dos. Une main sur la poitrine, je tentais de récupérer mon coeur qui s'était fait la malle.

— Bon sang, Paddy..., soufflais-je. Je vais te mettre une cloche autour du cou si ça continue.

Paddy cligna des yeux, les mouvements patauds, pas totalement éveillé. Il se percha sur une chaise de façon malhabile, les cernes sous ses yeux s'étaient encore allongées, il avait l'air plus endormi que réveillé.

— James... Que va devenir Nicky ?

La question me prit au dépourvu. Ma gorge se serra. J'aurais voulu lui répondre que tout allait bien aller mais je n'en savais rien moi-même. Paddy joua avec une cuillère abandonnée sur la table, la faisant tourner entre ses doigts, les yeux perdus dans le vague.

— Ces deux personnes avec ta mère... Avaient-ils le pouvoir de t'enlever Nicky ?
— D'où tu viens ? Lui renvoyais-je, exaspéré.

Paddy me renvoya une oeillade perplexe. Comment pouvait-il ignorer les lois, la façon dont ce pays fonctionnait... Comment pouvait-il être si ignorant ? L'absence de Nicky pesait sur mon seuil de tolérance. Je secouais la tête et me mordais la langue pour ne pas poursuivre. Me venger sur Paddy, ce serait trop facile.

— Te blesser n'était pas mon intention... Je regrette que Nicky ne soit plus là. Je suis désolé.

Je reposais ma tasse et me passais une main dans les cheveux.

— Tu ne m'as pas blessé, Paddy. Tu n'as pas à t'excuser, c'est juste que...

Un soupir m'échappa. Paddy me regardait avec ses grands yeux bleus, attentif, prêt à entendre la moindre petite information, même les choses les plus insignifiantes. Mes doigts se resserrèrent autour de la tasse.

— C'est compliqué, avouais-je. Mon père était boxeur, il est mort d'un anévrisme quand on était encore gamin... Disons que Lily, ma mère, n'a pas vraiment pris le relais. Pas du tout même.
— Elle n'a pas été une mère pour vous ?
— Elle était jamais là. A la mort de mon père, on est parti vivre chez notre tante parce qu'elle ne nous supportait pas.
— C'est... C'est triste. Elle n'était pas très responsable.

Un sourire ironique étira mes lèvres.

— Pas vraiment non...
— Mais il y a plus, n'est-ce pas ? Pourquoi n'êtes-vous pas resté avec votre tante ?
— Parce que Lily a voulu nous reprendre. Notre tante n'avait pas son mot à dire, elle n'était qu'une parente éloignée.

Paddy hocha la tête distraitement, comme s'il encaissait tout cela. Il fit tourner la cuillère sur la table, de plus en plus vite. Les rouages de son cerveau semblaient tourner à plein régime.

— Mais pourquoi es-tu si effrayé à l'idée que ta soeur vive avec ta mère ?

Mon coeur se logea dans ma gorge. Mes lèvres se pincèrent et je détournais les yeux.

— Je vais appeler les services sociaux, éludais-je.

Je prenais mon portable en ignorant l'air étonné et inquiet de Paddy. Je ravalais la boule d'anxiété coincée dans ma poitrine et carrais les épaules. Ma petite soeur avait besoin de moi.

La personne en charge du dossier de Nicky m'envoya sur les roses, me disant que je n'étais pas en droit de réclamer des informations quand j'avais enlevé ma soeur au point que ma mère avait été obligé de faire appel aux forces de l'ordre pour pouvoir la récupérer. J'essayais de l'inciter à regarder mon dossier, elle n'y prêta pas attention.

Que devais-je faire ? Personne n'était prêt à écouter ce que j'avais à dire.

Paddy et moi avions du travail au restaurant. Pendant la pause, j'essayais d'avoir contact avec la personne en charge de mon dossier pour m'entendre dire qu'elle était en congés mais qu'une de leurs collègue pourrait me renseigner plus tard dans la journée. Je rongeais mon frein et me décidais à attendre. Encore.

Ce n'est qu'une fois rentré à la maison que je rappelais.

— Désolé, Mme Green a un rendez-vous à l'extérieur, peut-être pourriez-vous la rappeler plus t...

Je raccrochais avec fureur. Paddy sursauta et releva la tête.

— J'y vais, décidais-je.
— Où ? Demanda t-il les yeux ronds comme des assiettes.
— Je vais chercher Nicky. Ils me font tourner en rond, personne veut m'écouter de toute façon, alors si je dois l'embarquer de force, je vais le faire !

J'enfilais ma veste et tendais la main pour prendre mes clefs mais Paddy fut plus rapide, refermant les doigts dessus.

— Tu ne peux pas faire cela, James. Si tu vas la chercher, ils vont t'accuser de l'avoir enlevé !

Je serrais les mâchoires et m'impatientais.

— Rends-moi les clefs.

Paddy les cacha dans son dos et secoua la tête, faisant virevolter ses boucles brunes dans tout les sens.

— Non.
— Padraig. Rends-moi les clefs, tout de suite.
— Non, James.

Je me pinçais l'arrête du nez et soufflais bruyamment avant de prendre les choses en mains. Je m'avançais vers lui pour les lui prendre. Paddy ne se laissa pas faire, il fit le tour de la table, mettant le meuble entre nous. Je pressais le pas et le poursuivais lorsqu'il poursuivit sa course dans le salon, se servant du clic-clac comme barrière.

— Je vais m’énerver ! Grondais-je.
— Tu es déjà énervé. Et d'après ce que j'ai compris des voitures, il n'est pas bon de conduire dans un état d'énervement avancé.
— Padraig ! Rugissais-je.

Je bondissais sur le canapé. Sa mimique surprise et paniquée aurait pu me faire rire si je n'avais pas été si en colère. Paddy parvint à me contourner et la course poursuite continua. La fatigue finit par avoir raison de moi, je m'arrêtais, les mains sur les genoux, hors d'haleine. Un rire nerveux m'échappa, vrillant sur l'hystérique. J'étais épuisé, exaspéré... et mort de trouille.

Une main se posa sur mon épaule, je relevais la tête, mes yeux me brûlaient.

— James...

Je secouais la tête. Paddy m'attira contre lui sans cérémonie, sa main se plaqua contre mes omoplates, je déglutissais.

— C'est ma petite soeur, je peux pas la laisser tomber...
— Tu ne la laisse pas tomber... Tu fais tout ce qui est en ton pouvoir pour son bien-être et Nicky le sait. Et je suis sûr qu'elle est aussi au courant que ce n'est pas en agissant sans réfléchir que la situation va s'arranger.
— Mais personne ne veut m'écouter, grognais-je.
— On va leur faire entendre raison.

Paddy resserra une dernière fois ses bras autour de moi et me relâcha pour mieux me regarder. Il m'adressa un sourire confiant, ses grands yeux ciels ne paraissaient douter de rien.




Un coup de fil inattendu me coupa en plein service au restaurant. Je me mettais en retrait pour décrocher et soupirais de soulagement. On me donnait rendez-vous avec la personne en charge de mon dossier au vu de l'ouverture de celui de ma soeur. C'était un pas en avant.

Pendant ce temps, j'envoyais un million de texto à Nicky, pour m'assurer qu'elle allait bien, que Lily n'avait pas... Je secouais la tête, je ne voulais pas y penser, il fallait juste que je la sorte de là. Paddy voulut m'accompagner pour le rendez-vous avec l'assistante sociale mais il ne fut pas autorisé à entrer plus loin que la salle d'attente.

Le bureau de l'assistante me mit mal à l'aise, trop de mauvais souvenir me revinrent à l'esprit, je m'efforçais de les garder éloigné. Je revis avec elle les détails de ce qui m'était arrivé, de ce qui m'avait amené ici cinq ans auparavant.

— Je vais joindre ces informations au dossier de votre soeur, Mr Rose. Si je peux me permettre... je vous rappelle que vous pouvez toujours porter plainte pour ce que vous venez de me raconter... La prescription pour ce genre de chose est de...
— Je ne veux pas porter plainte, je veux juste en finir avec tout ça et récupérer ma soeur, la coupais-je.
— Je comprends... Je vais faire mon possible. Je vous souhaite du courage.

Je n'avais pas besoin de courage, j'avais besoin qu'on me rende ma soeur, voila tout. Je ressortais, les nerfs à vif, pâle comme la mort et pas plus avancé qu'avant, des promesses dans les poches. Paddy bondit presque de son siège et allongea ses enjambées pour pouvoir rester à ma hauteur. J'avais mal au ventre, envie de vomir, de m'allonger dans un coin et d'attendre que ça passe.

Tout me tournait en boucle dans la tête, je revoyais chaque détails, chaque événement.
Tout était si clair, si tranchant, vif.

Le retour à l'appartement se déroula dans le brouillard, mes pensées s'encombraient au fil des minutes. Je me postais à la fenêtre, je n'avais pas décroché un mot depuis ma sortie des services sociaux. Paddy s'installa sur le canapé, dans mon dos, je le vis se frotter les mains avec nervosité, ses yeux étaient rivés sur ma nuque, inquiets.

— Jamie ?

Le surnom me fit vaciller. Nicky m'appelait comme ça. Paddy ne l'avait jamais fait. Je me tournais légèrement vers lui.

— Que se passe t-il ?

Un silence s'installa. J'eus du mal à retrouver ma voix. L'appartement était trop calme, l'attention de Paddy me mettait mal à l'aise. La dernière chose que je voulais, c'était d'être jugé. Je relevais les yeux et tombais dans ceux de Paddy...

Est-ce que ce serait plus facile ou plus difficile de raconter ça à quelqu'un que je connaissais ? Que j'appréciais ?

— Je t'ai déjà dit que ma mère nous avait repris, dis-je, froid.

Paddy hocha tranquillement la tête, les sourcils froncés. J'essuyais mes paumes moites sur mon jean et me retenais de passer d'une jambe à l'autre comme un gosse. Comment expliquer ? Il n'y avait pas de mode d'emploi pour ce genre de connerie.

— Elle m'embrassait. Sur la bouche. Avec la langue.

Je me sentais ridicule. Il y avait pire, d'autres gosses avaient vécus pire que ça. Ce n'était que des baisers, pas grand chose. Paddy cligna des yeux, je détournais les miens.

— Je savais que ça se faisait pas mais elle m'a retourné le cerveau au point que j'ai fini par croire que c'était normal. Quand j'ai compris que c'était pas normal, je lui ai dit que je voulais plus qu'elle m'embrasse et elle m'a fait croire que c'était pas grave, qu'on arrêtait, que tout allait redevenir comme avant, elle a proposé de faire une balade près d'un lac pour faire la paix, elle m'a poussé à l'eau, elle a essayé de me noyer et j'ai pas porté plainte parce qu'il y avait encore Nicky et que je voulais pas qu'elle s'en prenne à elle.

Je me laissais tomber sur le fauteuil près du vasistas, faible.

— Je pensais qu'elle serait en sécurité vu que c'était une fille mais... J'avais tort.

Paddy retint son souffle, ses yeux étaient exorbités.

— Elle a embrassé Nicky aussi ?
— Elle a essayé. Je suis venu la chercher dès que Nicky me l'a dit.

Je reniflais pitoyablement, ironique et sans humour. Paddy était devenu au moins aussi pâle que moi.

— Tu vois... C'est merdique comme situation.

Et ça n'était pas prêt de s'arranger...

Elle a un gros problème dans sa tête la mère dis donc ^^'
ça me rend toujours dingue quand on retire un gosse mais pas l'autre, genre celui là laissons le se faire maltraiter, yen a que un qui subit des agressions... bien sûr -_- !
Des fois le système est pourri.
C'est bien que Paddy soit là pour aider James à tenir.