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Original - pas de spoil - Robbers

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Swato
Swato
Dieu vis sur une tortilla.
Messages : 1062
Date d'inscription : 08/08/2013

Original - pas de spoil - Robbers Empty
MessageSujet: Original - pas de spoil - Robbers Original - pas de spoil - Robbers Icon_minitimeSam 25 Juin - 8:59

Fandom: Original
Note:... Elle sort de nulle part, bon courage !



Robbers



A coté de moi, Norah gesticule avec son enthousiasme habituel, explique son histoire avec de grands gestes de bras comme une italienne épileptique, ce qui est drôle si on prend en compte le fait qu'elle est d'origine japonaise. Mon portable vibre bruyamment sur la table, je me dépêche de le prendre pour éviter d'attirer trop l'attention et regarde qui ose interrompre l'heure sacrée de la pause déjeuné. Un SMS vient d'apparaître dans ma boite de réception, rien d'extraordinaire en apparence. Si ce n'est que le contact s'affiche sous le nom de "TOMB-R" et que je ne me souviens pas d'avoir entré quelqu'un de ce nom dans mon répertoire.

Hello ! Quoi de neuf ? - 12:14

... Bah mince alors. Pendant un instant, je panique. Est-ce que je le connais ? Un coup d'oeil aux alentours me confirme que personne n'a remarqué mon flippe silencieux.

Salut ! Désolé, je t'ai dans mes contacts mais je ne me souviens pas de toi :S - 12:17

Hop, au moins je serais fixée. Je me concentre sur ce qui se dit:

- Et là, il me dit "Levez votre doigt squelettique vers le ciel" ! S'indigne Priscila.
- Nan, sérieux ? Se marre Norah.
- Mes doigts sont loin d'être squelettiques, râle t-elle. Et puis c'est pas comme si je faisais quoi que ce soit pour être aussi maigre !

Je roule des yeux et soupire lourdement:

- Bien sûr, Cila. Être mince, quel fardeau !
- Y a une différence entre être mince et être maigre. Je suis maigre, alors que je bouffe comme quatre, rétorque Priscila en enfournant une poignée de frites pour appuyer son propos.
- Bon, pas que je me sente de trop, mais je me sens de trop dans cette conversation, intervient Cisco en continuant de pianoter sur son portable. Il est où Dimitri quand on a besoin de lui ?

Dimitri, grand, blond aux yeux bleus, capitaine de l'équipe de football du lycée et sourire à fossettes. En résumé, beau comme un dieu, et tout ça légèrement gâché par un caractère de cochon et une attitude faussement arrogante. Et il se trouve que je le connais... j'ai un faible pour lui. Malheureusement, je ne suis pas la seule.

- Il m'a dit qu'il ne pourrait pas venir, il mange avec les gars de l'équipe aujourd'hui, sourit Norah, rêveusement.
- Merde, c'est pas cool, il aurait pu me prévenir ! J'avais un jeu à lui passer, boude Cisco.
- Toi et tes jeux, soupire Priscila en levant les yeux au ciel.

Cisco tire son beanie vers le bas avec une grimace et il a l'air tellement misérable que je ne peux tout simplement pas laisser la négativité naturelle de Priscila le miner.

- J'ai bien aimé celui que tu m'as passé.
- Ah, Alexandra Lederman 8 ?
- Oui, celui-là, souris-je.

Un sourire éclaire ses traits, il se redresse et m'adresse un clin d'oeil amusé.

- Je savais qu'il y avait une petite fille dingue de chevaux bien cachée, au fond de toi.
- Bien sûr, il faut bien que ces poignets d'amours cachent quelque chose ! Je plaisante.

Cisco renverse sa tête en arrière et éclate de rire, au moins il partage mon amour de l'auto-dérision avec Norah qui sourit d'une oreille à l'autre. Priscila plisse les yeux et cherche dans la cafétéria:

- Et Reagan, elle est où ?
- Projet d'art, répond Norah.
- T'es détective privé ou quoi ?
- Non, je suis naturellement douée, hin hin, se marre t-elle.

Nouvelle vibration dans ma main, je résiste à la tentation de regarder mon portable mais c'est dur. Norah sautille sur sa chaise comme une cafeinomane sous stéroïde:

- Vous pensez que Dimitri m'invitera au bal ?
- Et pourquoi ce serait toujours aux garçons d'inviter les filles ? Soupire Cisco.
- Parce que la société est ainsi faite, ma pauvre Lucette, je réponds avec un sourire en coin.
- Ouais, bah fuck la société, râle Priscila.
- On devrait en faire un t-shirt, tiens. J'invite un garçon au bal, Fuck la société.
- C'est trop long.
- Bien sûr que non, ça passe largement, tempère Cisco.
- Pas sûr mes t-shirts, se plaint Cila.
- Normal, tes t-shirt font dix centimètres de largueur !

Priscila prend son sac à main pour taper violemment sur Cisco:

- Ca c'était de la méchanceté gratuite !
- Pas du tout, attends deux secondes, j'étais sur le point de te réclamer cent balles !
- Et un mars, j'ajoute en riant.

Priscila tape de nouveau sur Cisco avec son sac et j'éclate de rire. C'est un lundi matin comme un autre.


**


C'est normal... J'ai profité d'un moment d'inattention de ta part pour entrer mon numéro dans ton portable é.è - 12:25

Alors ça... J'étais loin de m'y attendre. Quand est-ce que j'ai bien pu laisser mon portable sans surveillance, à la vue et au su de tous ? J'ai beau y réfléchir, je ne trouve pas, c'est légèrement flippant.

... Ok. Et alors, qui tu es ? - 17:11
Je préfère ne pas te le dire, pas tout de suite – 17:15
Alors pourquoi me donner ton numéro ? Est-ce que c'est une blague foireuse ? - 17:17
Non, pas du tout. Je voulais t'aborder mais je n'ai jamais osé. Par portable c'est plus facile - 17:19

Une vague de surprise et d'euphorie me fait sourire. C'est bien la première fois que quelque chose de ce genre m'arrive. Je perds mon sourire tout aussi vite: c'est louche, quand même.

M'aborder ? Qu'est-ce que tu veux dire ? - 17:22
Tu sais. T'aborder. Venir te voir directement, te dire que tu me plais, ce genre de truc - 17:26

Mon coeur bat comme un dingue contre ma cage thoracique, je pose une main sur ma poitrine pour l'empêcher d'en sortir. Je lui plais. Je plais à quelqu'un. Une question tourne en boucle dans ma tête: mais qui es-tu !?

Tu ne veux vraiment pas me dire qui tu es ? - 17:30
Je préfère garder le petit coté mystère Wink Au moins jusqu'à ce que tu te lasses... - 17:32

Le petit coté mystère va me rendre folle. Je grogne et me laisse tomber tête la première dans mon lit. Mon pyjama polaire me tient chaud et je ne peux pas m'empêcher de l'examiner avec un regard critique. Rose avec des petits lapins gris... Je suis certaine que si TOMB-R voyait ça, il déciderait vite que je ne suis plus à son goût.

Tu ne peux même pas me dire ton prénom ? - 17:34
Ce serait trop facile, mon nom n'est pas vraiment commun... - 17:37
Alors je suis censé t'appeler TOMB-R ? - 17:39
Tu peux m'appeler comme tu veux - 17:42
Ne m'encourage pas, sinon je vais trouver les pires surnoms de la terre et tu vas vite le regretter lol - 17:45
Razz - 17:45

Ça risque d'être drôle. Un sourire taquine mes lèvres. Même s'il est trop timide pour me dire qui il est et même si on ne se parle jamais en vrai... ça me plait, c'est exaltant en plus d'être un peu stressant.

Tu sais que je vais tout faire pour trouver qui tu es maintenant ? Ça va m'obséder sinon et y a de grandes chances pour que je finisse dans un hôpital psychiatrique... Jeu des cinq questions ? - 17:51
Je t'aiderai à t'enfuir si jamais on t'interne ! Et si on n'y arrive pas... je t'apporterai des oranges Razz Ok pour le jeu mais je me réserve le droit de ne pas y répondre - 17:55 [/b
Ta couleur préférée ? - 17:56
Bleu. La tienne ? - 17:58
Le vert émeraude - 18:00
C'est très spécifique, dis donc ! - 18:02
Je suis une fille très spécifique Razz La couleur de tes cheveux ? - 18:04
Hmmmm... Je ne suis pas roux, ni blond très clair, ça te va ? :¨P  Désolé, Jocker - 18:06[/b

Je peux éliminer Dimitri alors... Je m'en doutais quelque part, ça aurait été trop beau que ce soit lui. On ne vit pas dans un film après tout...


...Tes yeux ? - 18:07
... Trop d'indices ! Jocker - 18:09
*soupire et roule des yeux* Ton style vestimentaire ? - 18:15
Jocker ^^" - 18:17
T'es pas drôle... Ta chanson préférée ? - 18:19
Footloose. La tienne ? - 18:21

Je charge Footloose sur youtube et la lance. C'est plutôt vieillot... mais pas mal en un sens.

Celle du moment c'est Remember to Breathe de Owen Campbell... Est-ce que je te connais ? - 18:21
... Oui et non. - 18:23
C'est pas une réponse ça ! Tu divagues ! - 18:27
Vagues, eh eh... Alors disons que j'ai l'impression que tu penses me connaître mais qu'il y a certaines choses que tu ignores. - 18:29

Je soupire... parce qu'en plus d'être mystérieux, il écrit sans une faute d'orthographes. Dernière question... Je regarde son pseudo en haut de la page SMS.

Est-ce que tu t'appelles Tom ? - 18:33

Il y a un Tom dans ma classe, pas vraiment beau, pas vraiment un ami, plus une connaissance. J'essaye de l'imaginer entrain de me taper ce genre de messages... Peut-être bien que ça me plairait, que ce soit lui.

Non - 18:38

Mais je suis assez satisfaite que ce ne soit pas lui.

Tes cinq questions sont épuisées, rendez-vous demain au prochain épisode Wink - 18:40

Il me plait bien ce petit con.



**


- Dimitri ne m'a toujours pas invité au baaaaaaaaal, soupire Norah.
- Peut-être qu'il essaye de choisir le bon moment ? Propose Cila avec une grimace.

Norah retrouve tout de suite le sourire et porte une main à sa bouche, les yeux brillants. Je ne quitte pas des yeux la conversation qui défile sur mon portable. La nuit dernière, on a fait un concours de blagues pourries avec TOMB-R et j'ai failli en faire pipi à ma culotte tellement c'était drôle.

- Mais oui, c'est ça ! Tu as sûrement raison !
- Perso, même si on me demandait d'aller au bal alors que j'étais sure les toilettes entrain de chier, je dirais oui, boude Priscila.
- Charmant, ironise Reagan.
- Je suis certaine que quelqu'un va se décider ! La rassure Norah. Et toi, Reagan ? Quelqu'un t'as invité ?

Reagan repousse ses cheveux courts en arrière d'une main experte et hausse une épaule avec une nonchalance teintée d'incertitude.

- Non, mais je pense pas y aller...
- Et toi, Kylee ?
- Oh, moi ! Je grogne.

Moi, je suis pratiquement sûre de finir vierge à 30 ans, entourée d'une centaine de chats. Et si j'en suis sûre à 80% ? Les autres semblent l'être à 100%, donc non, pas d'invitations.

- Je ne vais pas y aller non plus...
- Oh, ma pauvre...

Norah me lance un regard de pitié, celui qui dit "je sais que tu meurs d'envie d'y aller mais que tu n'iras pas parce que personne ne t'invitera". Reagan se tient en retrait, elle n'est jamais à l'aise quand on parle du bal, et dieu ce que je la comprends. Priscila rejette ses cheveux blonds en arrière comme dans la pub l'Oréal:

- Ou alors suis le conseil de Cisco et invite un garçon, ricane t-elle.
- Tu devrais y aller avec lui, je la coupe.
- Ah bon ? Grommèle t-elle.
- Ouais, vous êtes aussi langue de pute l'une que l'autre.

Priscila prend une mine outrée, Norah éclate de rire, Reagan cache son sourire amusé en baissant la tête, je roule des yeux mais souris pareillement. Stupide bal.



**



Est-ce que tu vas à la fête de Cynthia la semaine prochaine ? - 21:56
Oui, Ma meilleure amie Norah veut absolument y aller alors... Et toi, tu y vas ? - 21:58
Je ne sais pas encore... - 22:00
Tu devrais venir, on pourrait se voir, parler un peu, en vrai cette fois-ci Wink - 22:02

J'ai terriblement envie de savoir qui c'est, qui monte un tel stratagème pour parler à une fille banale, qui est timide au point de ne pas se dévoiler, de faire tant de mystère ?

Bien tenté, mais.... :S - 22:05
Je ne comprends pas ce qui t'empêche de venir me parler. C'est vrai, je ne mords pas, et j'aimerais bien te connaître, mettre un visage sur les messages, même si ça ne va pas plus loin, je te considère déjà comme un ami... - 22:10
Le truc, c'est que... Tu me connais déjà. - 22:13

J'en reste sans voix.

On se connait, plutôt bien. Je te vois tous les jours, tu me souris quelque fois, ça nous arrive de discuter. Tous les jours, je te regarde et je pense à tous ce que je veux te dire, à tout ce que je t'écris là... - 22:18

Mon coeur bat si fort... Mais qui est-ce, bon sang ? Qui ?


... Tu divagues ^^" Mes cinq questions - 22:22
Vagues... Je t'écoute – 22:25
Nomme une chose que nous avons en commun ? - 22:27
Tu veux dire à part notre goût prononcé pour les blagues foireuses ? Smile L'âge – 22:29
Ta maison prend feu, tes proches sont sauf et tu ne peux prendre qu'une chose avec toi. Qu'est-ce que c'est ? 22:34
Sûrement mon ordi. Toi ? - 22:37
Mon téléphone. La dernière fois que tu as pleuré et pourquoi ? - 22:40
L'été dernier, quand ma soeur est partie en vacance à l'autre bout du monde. Toi ? - 22:42
Il y a trois jours, devant Remember Me XD. Qu'est-ce qui te rend heureux dans la vie ? - 22:45
Rire avec mes amis proches – 22:47

La dernière question... Je tape nerveusement sur mon clavier tactile, efface, réecrit... Appuie sur envoyer avant de trop y réfléchir.


Est-ce que tu es un de mes amis proches ? - 22:50
... Oui - 22:56




**



L'heure sacrée de la pause déjeuné.

Un de mes amis proches, hein...

A la table, Priscila mange en fronçant le nez en direction de sa purée qui a selon elle "un goût bizarre", Norah essaye d'expliquer un problème de math à Reagan, Cisco pianote sur son portable, comme d'habitude. Dimitri parle distraitement avec Isaak qui nous rejoint parfois à l'heure du midi quand il se sent d'humeur. Mon regard passe de l'un à l'autre, je pesè le pour et le contre.

D'un coté, Dimitri est arrogant et n'a pas l'air d'être timide, je ne le vois pas faire tout ça, même si au fond de moi, il y a quelque chose qui bat fort à l'idée que ça puisse être lui. Mais il est blond très clair (même si c'est possible que TOMB-R me mente sur son apparence) et si c'était lui, ce serait hyper gênant parce que Norah est dingue de lui et qu'elle se voit déjà aller au bal avec lui.

De l'autre, Cisco est du genre réservé, calme mais avec un humour piquant... Il correspond déjà plus à l'idée que je me fais de TOMB-R Mais si c'était lui, ce serait aussi hyper gênant, parce que je sens que même si Priscila ne le dit pas, elle est un peu amoureuse de lui. C'est une question de regards qui s'attardent, de gestes prononcés...

Quand à Isaak... Il n'a pas l'air méchant mais il est roux. Et comme TOMB-R a affirmé qu'il n'était pas roux... Me revoilà avec mes deux choix impossibles, mes deux impasses. Cisco ou Dimitri. Dimitri ou Cisco.

- A quoi tu penses, Kay ? Chantonne Norah.
- A ta mère en string, je rétorque du tac-au-tac.
- Ouuuh, pas très gentil tout ça, se marre Cisco.
- Norah, je ne comprends toujours pas..., intervient Reagan.

Norah soupire, décale son plateau et laisse tomber sa tête sur la table. Priscila lui tapote la tête avec condescendance.

- Paix à ton âme. En même temps, quelle idée ! Expliquer des maths à Reagan, se moque gentiment Cila.
- Je suis un cas si désespéré que ça ? Grimace la principale concernée.
- Mais non, Cila exagère, comme d'habitude, j'interviens.

Reagan soupire en toisant son livre comme s'il l'avait personnellement offensé. Norah revient dans le monde des vivants et lui lance un grand sourire.

- Mais pourquoi est-ce que tu t'intéresses soudainement aux maths, d'abord ?
- J'ai un examen dans deux jours...
- Tu devrais demander à Kay, c'est vrai quoi, t'es plutôt bonne en math ! Fait-elle remarquer.
- Je sais pas..., marmonne Reagan.

Priscila lève les yeux au ciel et referme son livre de math lourdement avant de me le balancer. Cila, toujours aussi douce. Je rattrape le bouquin avant de me le prendre sur le coin de la tronche.

- Allez, partage ta science, madame l'intello ! On sait tous ici que tu en meurs d'envie ! Grommèle Priscila.
- Mon dieu, serait-ce de la jalousie que je repère dans ta voix ? Se moque Cisco.
- Bien sûr, je suis hyper jalouse, c'est ça.

J'ignore Cila et me tourne vers Reagan pour lui expliquer le problème qu'elle n'a pas compris. Elle hoche la tête... même si je suis sûre qu'elle n'a pas réellement compris et qu'elle se montre juste polie.

- Et le prof a parlé d'une équation, il l'a noté au tableau, attends...

Reagan note la formule sur un bout de papier et me le donne, je fronce les sourcils. 128√e980 ???! Qu'est-ce que c'est que ça...

- Il s'est foutu de vous, c'est pas une équation ça... C'est... j'en sais rien.
- Peut-être que j'ai mal vu...
- Ouais, ou peut-être qu'il s'est trompé.

On échange un sourire perplexe. Cila choisit ce moment pour reprendre le livre sans savoir si on a fini, puis elle le range d'autorité dans le sac de Reagan.

- C'est bon ? Kay a fini de faire sa mademoiselle je sais tout ?
- Bordel, mais c'est quoi ton problème à toi aujourd'hui ? T'as tes ours ou quoi ? S'énerve Cisco.

Isaak a un raté dans sa conversation avec Dimitri. Ce dernier se tourne vers nous en fronçant le nez:

- C'est qui qui a un problème avec qui ?
- Mêle toi de tes affaires le footeux, gronde Priscila.

Cisco range son portable. Mauvais signe...

- Je sais pas ce qui t'arrive en ce moment mais t'es de plus en plus lourde !
- Mais vas-y ! Continue avec tes blagues à la con sur mon poids ! Explose t-elle.
- On en a rien à foutre de ton poids, Cila ! Répond t-il de la même façon.
- Wow, wow, ça sert à rien de s’énerver, c'est bon, calmez-vous...

Mon intervention ne fait rien pour calmer les choses, au contraire. Cila renverse sa chaise en se levant, rouge de colère:

- Allez tous vous faire foutre, tous autant que vous êtes ! Dit-elle avant de tourner les talons.

Cisco ouvre la bouche pour enfoncer le clou, Norah essaye de le faire taire, tend la main pour le réduire au silence mais trop tard:

- C'est ça, tu reviendras quand ta sale période du mois sera terminée !

Folle de rage, Priscila saisit une tranche de pain sur le plateau d'une fille, se retourne et... la lance de toutes ses forces dans notre direction. Le morceau de pain rebondit mollement sur la tête de Dimitri. Cila disparaît, nous laisse tous stupéfié.

- Euh... Tu as encore des miettes... là.

Je fais mine de tendre la main vers Dimitri pour lui enlever les miettes de pain qui restent accrochés à ses cheveux mais Norah est plus rapide que moi. Il lui adresse un petit sourire reconnaissant. Reagan se mord les lèvres et se lève:

- Je vais aller la voir...
- A tes risques et périls ! La prévient Cisco.
- Ok. A la prochaine !

Reagan part à son tour. Le silence à la table est toujours pesant, je me sens un peu coupable parce que la dispute a apparemment commencé à cause de moi. Mais il faut dire que Cila prend tout mal aussi...

- Au fait, Kay...

Cisco fouille dans son sac et en ressort une pochette de jeu vidéo, Dimitri lève les yeux au ciel mais il sourit.

- J'ai pensé que ça pourrait te plaire, ma soeur l'a essayé et ça lui a plu.
- Ah ?

Je prends le jeu du bout des doigts, pas vraiment intéressée mais bon... Cisco n'a pas beaucoup de passions et il passe la journée à nous écouter parler de tout et de rien sans se plaindre, je peux bien faire ça. Surtout que la plupart du temps, il vise juste. Je regarde la pochette distraitement et me prends un coup de poing à l'estomac.

Rise of the Tomb Raider.


Je relève brusquement la tête pour toiser Cisco mais il est déjà engagé dans une autre conversation avec Isaak.

Tomb Raider.
TOMB-R
L'été dernier, quand ma soeur est partie en vacance à l'autre bout du monde.
Ma soeur l'a essayé et ça lui a plu.

Le fait que Cila se barre comme ça, au milieu de la cafétéria, son "Bien sûr, je suis hyper jalouse, c'est ça"... Et peut-être bien qu'elle est jalouse et si Cisco est TOMB-R et qu'elle l'a découvert...

- Ça va, Kay ? T'es toute pâle...

Je me reprends et sourit à Norah qui se penche vers moi avec anxiété.

- Oui, bien sûr, ça va.

Au secours.



**



Est-ce que quelqu'un est amoureuse de toi ? - 20:09

Si tu n'as pas succombé à mes charmes... Pas que je sache Razz  Toi ? - 20:11
Pas que je sache non plus. Est-ce que ça t'arrive de blesser des gens ?- 20:15
Involontairement, peut-être mais pas si je peux l'éviter. Tes questions sont bizarres ce soir... - 20:18
Peut-être... Si tu te levais un matin pour découvrir que tu avais une nouvelle capacité, un pouvoir, ce serait quoi ? - 20:22
J'aurais le courage de laisser tomber mon portable et de venir te parler en étant moi-même. - 20:25
Tu n'es pas toi-même quand tu es avec moi, en vrai ? - 20:27
Pas à 100%, pas tout le temps, même si j'essaye de l'être. - 20:29
Est-ce que tu viendras à la fête de Cynthia ? - 20:09
... Peut-être – 20:09

Je suis dans une merde noire.

Il faudrait que j'arrête d'envoyer des SMS à TOMB-R mais je n'y arrive pas, je l'aime bien. Il me fait rire... Je sais que c'est probablement Cisco, que Cila l'aime bien mais plus j'y pense, plus j'ai envie d'aller le voir pour lui dire qu'il peut être honnête à 100% maintenant, que je suis son amie et qu'il ne doit pas avoir peur...

Je relis les sms qu'il m'a envoyé pendant que je dormais et je ne peux pas m'empêcher de rire.

En passant par la 5eme avenue, j'ai vu qu'ils avaient changé le sigle de la PENIS station, ils l'ont remplacé par un bonhomme chelou avec trois doigts et des jambes énormes, trop bizarre... - 00:09
Oh mon dieu, autocorrect à la con, je voulais dire PENIS station. - 00:15
Mais merdeuuh! PEN STATION - 00:18
Pardon, bonne nuit u_u" – 00:22


Je soupire, un sourire aux lèvres et fixe un moment les messages... Je crois que je m'attache un peu trop, et à quelqu'un que je ne devrais pas... Je me remue, noue mes cheveux en queue de cheval sur le haut de mon crâne et m'apprête à commencer une nouvelle journée.


**


- Eh Kay !

Je me retourne, Dimitri trottine vers moi et je m'arrête pour l'attendre. Il a son sac de sport passé sur une épaule et il a l'air pressé, exalté.

- Tu viens à la fête de Cynthia, ce soir ?
- Oui, j'y vais... Tout le monde ne parle que de ça, tu penses que ça va être une grande fête ?
- Je sais que tous les gars de l'équipe y seront... Dis, je voulais te demander...

Soudainement gêné, il passe d'une jambe à l'autre avant de se reprendre et de lever le nez au ciel avec cette fausse arrogance qu'il se donne.

- Est-ce que Norah t'as dit si quelqu'un l'avait invité au bal ?

Un sourire m'échappe. Il y a trois semaines de cela, j'aurais été déçue d'entendre cette question et maintenant... Ça ne me fait plus grand chose. Je ne peux même pas en vouloir à Norah, Dimitri est gentil sous les airs qu'il se donne, et il est beau, ce qui ne gâche rien.

- Non. Tu devrais l'inviter avant que quelqu'un d'autre ne le fasse...

Dimitri laisse tomber les apparences et m'adresse un sourire vrai, il me bouscule gentiment à l'épaule.

- Tu penses qu'elle dira oui ?
- Je pense que si on accumule le nombre de soupirs qu'elle pousse après toi, on pourrait créer un ouragan de force 5.
- Genre Katrina ? S'étonne Dimitri.
- Genre Katrina, j'affirme.

Le sourire de Dimitri se fait rêveur, il monte son index à ses lèvres et se mord la jointure du doigts, extatique. Sa joie est contagieuse, mon propre sourire s'élargit tandis qu'il pose une main sur mon bras.

- Merci, Kay, t'es géniale.

Un baiser sur la joue et il s'enfuit. Et comme ma vie n'est qu'une succession de catastrophe, il faut que Norah soit au bout du couloir et ait assisté à toute la scène. Évidemment.


**



Norah m'a évité toute la journée... Et le peu fois où son regard croisait le mien, elle se détournait. C'est avec des pieds de plomb que je me traîne jusque chez Cynthia. Je ne la connais pas vraiment cette fille. A vrai dire, je pense que si Cisco, Norah, Reagan, Cila et moi avons été invité, c'est parce que nous sommes amis avec Dimitri.

Quand j'arrive sur le seuil, la fête bat déjà son plein, la musique résonne entre les murs et fait vibrer mes pieds sur le perron. Je me glisse par la porte ouverte, Cynthia est perdue dans le flot de personnes et je ne me sens pas d'humeur à la chercher pour la remercier.

Je pense qu'en l'espace d'une semaine à peine, j'ai perdu la moitié de mes amis les plus proches. Si Cisco est TOMB-R, alors je vais devoir lui briser le coeur. Cila ne m'a plus adressé la parole depuis notre engueulade dans la cafétéria et Norah... Finalement, les seuls qui ne me font pas la tronche sont Cisco – mais ça ne saurait tarder -, Reagan et Dimitri.

Un verre de ponch me tend les bras et je m'empresse d'en boire une gorgée pour remplacer cette amertume par une autre.

- Kylee !?

Je fais volte face. Quand on parle du loup...

- Cisco... Tu t'amuses ?
- J'étais sur le point de te poser la même question, sourit-il.

Il m'imite et prend une rasade de son verre avant de s'appuyer contre le mur sur lequel je suis adossée moi aussi.

- Bonne question...
- Auquel aucun de nous deux n'a répondu, fait-il remarquer.
- C'est vrai...

Cisco soupire, ses épaules s'affaissent. Je me cache derrière mon verre, l'appréhension me tord l'estomac.

- Comment on fait pour... dire à la personne à laquelle on est intéressé, qu'on est intéressé ? Demande t-il soudainement, le ton penaud et dépité à la fois.

Sa question me glace complétement. Les épaules crispées, je manque de m'étouffer avec le sucre de ma boisson, déglutit, manque d'air.

- Eh ben... je... J'en sais rien, je bafouille.

Cisco me lance un coup d'oeil en travers et ricane nerveusement, se passe une main dans les cheveux, sans son éternel beanie, il paraît perdu.

- Bah, laisse tomber, je divague.
- Vague, je marmonne sans pouvoir me retenir.
- Hein ?
- Non rien.
- Je vais aller me bourrer la gueule. A toute à l'heure si jamais on se recroise et que je suis encore conscient.
- Bon bourrage de gueule.

Mais il est déjà parti. Je renverse ma tête en arrière et ferme les yeux un instant. Puis je sors mon portable de ma poche et écris un SMS.

Est-ce que tu es à la fête de Cynthia ? - 22:45

La réponse ne vient pas tout de suite, j'ai le temps de boire un ponch de plus avant de sentir le téléphone vibrer entre mes doigts.

Oui, j'y suis - 23:01
Est-ce que tu t'amuses ? - 23:05
Pas vraiment, non... Et toi ? - 23:08
Non plus... Est-ce que je peux te voir ? - 23:10
Tu connais déjà la réponse, K - 23:12

Après avoir ingurgité tout ce ponch, l'inévitable arrive, je dois aller aux toilettes. Heureusement, il n'y a pas le cliché de la queue à cette soirée, merci pour ma vessie. Mais en sortant... Il a fallut que je choisisse le même moment que Norah pour avoir envie d'aller en pause pipi. Je me sens l’irrésistible envie de m'expliquer, même si je n'ai rien fait de mal.

- Écoute, Norah...
- Tu sais, je pensais que tu étais mon amie...

Norah ravale ses larmes, déglutit difficilement et passe ses bras autour de sa taille en une posture défensive. Je me sens mal, mal, mal...

- Et tu l'es toujours mais... J'ai besoin d'un moment pour digérer ce que j'ai vu dans les couloirs, ok ? Dit-elle, la gorge serrée.
- Norah, attends, je te jure que...
- Kay, pas maintenant, je... Pas maintenant, ok ? Sourit-il à travers ses larmes.

Puis elle s'enferme dans les toilettes. Agacée, je sors mon portable et envoie un SMS à Dimitri.

Tu dois inviter Norah au bal, ASAP. Elle t'a vu me faire un bisous dans les couloirs, elle pense que je l'ai trahi et ça tourne à la guerre mondiale, grouille-toi, mon vieux, ok ? - 23:26

Et comme jamais deux sans trois...

J’aperçois Cila assise dans les escaliers, la tête entre ses mains et si j'en crois les sillons de mascara sur ses joues, ça fait un bon bout de temps qu'elle pleure. Je m'assois à coté d'elle doucement mais malgré mon approche silencieuse, elle me voit et renifle entre dédain et sanglot.

- Génial, putain, manquait plus que toi.
- Cila, j'ai rien fait du tout, je comprends même pas ce que tu me reproches...

Elle se redresse et me fusille du regard:

- C'est bien ça le problème, Kay, crache t-elle. Tu ne fais rien du tout. Et peut-être que j'ai besoin que tu fasses quelque chose, là maintenant, peut-être que j'ai besoin que quelqu'un fasse quelque chose, mais non, tu ne comprends pas parce que tu n'as "rien fait du tout", pas vrai ?!
- Et qu'est-ce que tu veux que je fasse, dis-moi !? Je demande, impuissante et agacée.
- C'est justement ça le problème ! Tu devrais pas avoir à demander !
- Je comprends pas, Cila..., dis-je, perdue.
- On est amie, pas vrai ? Dit-elle, amère. Si on est vraiment amie, tu ne devrais pas avoir à demander ce que je veux que tu fasses, tu devrais le faire, un point c'est tout !
- Je suis pas dans ta tête, je te signale. Tu veux quelque chose, sois franche et dis-le moi. Si je peux faire quelque chose, je le ferai et si je ne peux pas faire quelque chose... je trouverais quelqu'un qui peut faire quelque chose.
- Tu sais quoi, Kay ? J'ai besoin que tu la fermes et que tu me foutes la paix, là, maintenant, tout de suite ! C'est trop te demander !?

Cila serre les dents si fort que sa mâchoire saille, essuie rageusement ses joues, se lève, prend sa veste et me laisse planter là comme une abrutie. Et d'un coup, je me sens vidée, totalement épuisée, j'ai besoin d'être seule, j'ai besoin de ne plus voir personne, personne du tout. Alors je trébuche jusque l'escalier et je monte à l'étage pour trouver une pièce calme, libre, mais tout le monde se bécotte à droite et à gauche. J'ouvre une énième porte et à l'intérieur, il y a des manteaux et des chaussons, c'est petit et exiguë mais je m'en fiche, j'ai besoin de solitude, là, maintenant.

Je rentre dans le placard et je m'enferme à clef. La musique s'étouffe avec le bruit des conversations et l'odeur de l'alcool se fane, je ferme les paupières et prend une inspiration, puis une autre. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine, j'ai terriblement envie de pleurer. Bravo, magnifique fête, Kay. Je me raccroche à la seule chose qui me reste, les doigts crispés autour de mon téléphone portable.

J'aurais dû rester chez moi ce soir... - 23:38
Pourquoi ? Qu'est-ce qui va pas ? - 23:40
Tu veux dire, à part le fait que je viens ou que je suis sur le point de m'embrouiller avec plus de la moitié de mes amis ? Rien, tout va bien ! - 23:42[/b][/right]
T'es où ? Est-ce que t'es toujours à la fête ? - 23:45
Oui et non. - 23:47
C'est pas une réponse ça...- 23:49
Je divague sans doute. - 23:50
Vague sans doute. - 23:51

Un petit rire étranglé se forme dans ma gorge, je souris et presse mes paumes contre mes paupières fatiguées.

Sérieux... T'es où ? - 23:57
Je me suis enfermée dans un placard en haut – 23:59
... Wow, drama queen much ? Wink - 00:01
[/b][/b][/b][/b][/b][/color][/b]
Bien sûr, avec la lumière éteinte. La parfaite pièce sombre pour déprimer – 00:03
Ou pour accrocher un manteau XD - 00:05

Comment il fait ? Comment il fait pour me faire me sentir aussi bien et mal à la fois ? L'envie de pleurer me reprend soudainement, je presse plus fort mes mains contre mes paupières... Et quand je me sens le courage de lui écrire, je reprends mon téléphone en main.

Est-ce que je peux te voir ? J'ai besoin de te voir... - 00:07

Pas de réponse. Bien sûr, à quoi je m'attendais au juste. Comme s'il allait me dire "oui, bien sûr, j'arrive" alors qu'il s'amuse sûrement, qu'il boit sûrement avec les autres en bas...

D'accord. Si tu promets de ne pas me regarder et de ne pas allumer la lumière - 00:15

Mon coeur remonte dans ma gorge et danse un tango.

T'as ma parole - 00:17
Ferme les yeux, je toquerais deux fois – 00:20

Je prends une inspiration, mes mains se mettent à trembler incontrôlablement.

Je ne vais pas parler non plus... - 00:24

J'ai envie qu'il soit là et en même temps, je voudrais rentrer à la maison, enfiler mon pyjama rose à lapins gris, être en sécurité, loin de tout ce stress. Je passe une main dans mes cheveux avant de me souvenir qu'il ne veut pas allumer la lumière, je me palpe comme une idiote pour savoir si dans le noir je ne fais pas trop cruche. Je me sens horriblement cruche.

Puis deux coups à la porte. Une vague d'angoisse me saisit. Je pourrais laisser la battant fermé. Ne jamais ouvrir. Je pose une main sur la porte, et la pensée m'effleure qu'il est juste là, derrière. Pour de bon, pas une idée que je me fais de lui, pas Cisco mais celui qui fait des concours de vannes pourries avec moi et qui m'envoie des sms à minuit passé pour me parler de la PENIS station. J'inspire un grand coup, je dévérouille la porte et je ferme les yeux.

L'interstice de la porte laisse entrevoir de la lumière, même à travers mes paupières closes. La tentation d'ouvrir les yeux est grande, je me mords fort les lèvres pour ne pas le faire mais c'est dur. Je pourrais être fixée, savoir vraiment qui se cache derrière TOMB-R. Les ténèbres reviennent avant que j'ai pu me décider, et peut-être que c'est mieux comme ça... Le verrou s'enclenche et je rouvre timidement les yeux. Il fait noir comme dans un four, impossible de ne serait-ce que deviner sa silhouette.

- Où est-ce que tu es ? Je chuchote.

Quelque chose qui ne peut être qu'une main cherche à taton et touche mon épaule, glisse le long de mon bras, me donne des frissons partout. Je referme mes doigts sur elle avant qu'elle ne puisse faire plus de dégâts.

- Je t'ai eut, je souris.

L'atmosphère est étrange, gênée mais életrique, les petits cheveux sur ma nuque se hérissent et mon bras brûle là où il m'a touché. Il est là, vraiment là. Je tends l'oreille et j'entends sa respiration, je suis sûre que si je fais assez attention, je pourrais entendre les battements de son coeur, je me demande s'il bat aussi fort que le mien.

- E-Est-ce que je peux... Est-ce que tu peux me serrer dans tes bras ? Je crois que j'ai besoin d'un câlin, je...

Je suis ridicule. Pourtant c'est comme s'il n'avait attendu que la permission pour s'approcher et d'un coup, je me retrouve enveloppée toute entière dans une étreinte ferme mais douce, deux bras enroulés autour de moi, une main sur mon épaule et l'autre dans le creux de mes reins. J'ai déjà entendu parler de combustion spontannée mais là... On passe à un tout autre niveau d'embrasement, c'est au délà de tout ce que j'avais imaginé. La respiration me manque, j'ai chaud et je donnerais n'importe quoi pour que jamais ça ne s'arrête.

Son souffle joue à mon oreille et me chatouille la nuque, il sent le gel douche et la lessive, le propre j'ai envie de me blottir un peu plus contre lui. Alors c'est ce que je fais, mes bras passent timidement autour de sa taille, je pose ma tête contre son épaule et je ferme les yeux, même s'il fait déjà noir, même si je ne peux pas le voir. Un rythme vif qui n'est pas celui de la musique vibre sous mon oreille, peut-être encore plus rapide que celui qui se trouve prisonnier dans ma cage thoracique, je souris malgré mes cils encore mouillés de larmes.

Mes doigts agrippent ce qui ressemble à une veste en jean, je prends de petites bouffées d'air silencieuses et je grave chaque détails dans ma tête, ses mèches qui frolent ma joue quand il baisse la tête, son odeur, sa tempe qui se presse contre le haut de mon crâne, son nez qui s'enfouit dans mes cheveux...

- Merci..., soupiré-je.

Il remue contre moi et son pouce passe sur ma joue, juste en dessous de mon oeil, comme s'il avait vu ma tristesse, un point d'interrogation. Il continue de caresser ma peau du bout des doigts, je frissonne:

- Mauvaise journée...

Son bras me serre plus près, je fonds comme neige au soleil tandis qu'il s'appuit contre la porte close. Je me redresse et plisse les yeux, je meurs d'envie de le voir, de savoir qui il est avec certitude... J'essaye de tricher, ma main se glisse sur ses cotes et remonte sur son cou pour toucher son visage... Il n'est pas dupe, la piège avant qu'elle ne s'y aventure, fait claquer sa langue sur son palet. Je souris:

- Tu ne peux pas m'en vouloir d'essayer, chuchoté-je.

Il pose son front contre le mien, je tremble comme une feuille lorsque son nez bouscule gentiment le mien. Il suffirait que je relève la tête pour l'embrasser... Un centimètre et ce ne serait plus seulement nos souffles qu'on partagerait, un petit centimètre pour un baiser... Je ne le fais pas, lui non plus. On reste comme ça, mes doigts prisonniers des siens, front contre front, à s'échanger de l'oxygène au lieu de s'embrasser. Et quand son souffle touche ma bouche, c'est tout le poids d'un baiser qui s'y pose.

La magie du moment ne se brise pas même lorsqu'il met sa main devant mes yeux une longue minute, assez pour me faire comprendre qu'il s'en va, que je ne dois pas regarder. Pas même lorsqu'il se détache et que je suis forcée de me retourner pour ne pas céder à la tentation de le regarder. Pas même quand il effleure une dernière fois ma main en guise d'au revoir et qu'il se glisse hors de placard, pas même quand je finis seule dans le noir, pas même lorsque je rentre chez moi et que j'enfile mon pyjama ridicule. Et elle est toujours là quand j'envoie:

J'ai passé une mauvaise journée mais la nuit était plus que pas mal - 01:18

Qu'il me répond:

Pas mal + ou pas mal ++ ? - 01:20

Que je réponds:


Tu divagues - 01:22


Et qu'il me répond sans surprise:

Vagues. - 01:24




**



Le lendemain, en m'habillant, je me scrute dans le miroir, encore en sous-vêtements.

Je vois une fille avec des rondeurs et quelques kilos en trop, des cheveux longs bien entretenus mais rarement coiffés comme les autres filles le font, la plupart du temps attachés en queue de cheval ou en chignon, un tour de hanche prononcé et quelques bourrelets bien installés, et tout ça tassé sur un petit mètre soixante huit.

Je me regarde et pendant un instant, je me demande ce que TOMB-R voit en Kylee Samuels.




A suivre en dessous...


Dernière édition par Swato le Sam 25 Juin - 17:34, édité 7 fois
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Original - pas de spoil - Robbers Empty
MessageSujet: Re: Original - pas de spoil - Robbers Original - pas de spoil - Robbers Icon_minitimeSam 25 Juin - 8:59

Au lycée, je croise Cila qui m'évite. Je croise Cisco qui me sourit, mon coeur bat plus vite. Je croise Dimitri qui m'adresse une grimace embarrassée et désolée puis va discuter avec ses copains. Et enfin, je croise Norah qui irradie de bonheur et qui elle ne se sauve pas comme si j'avais la galle. Au contraire, elle m'agrippe le bras et se met à parler à cent mots à la minute.

- Je suis tellement désolée, Kay, j'ai agi comme une conne, Dimitri m'a tout expliqué et j'ai tout compris de travers comme d'habitude, j'ai été super injuste et super dégueulasse, mon dieu, est-ce que tu me pardonnes ? Dis-moi que tu me pardonnes, je me sens hyper mal de t'avoir jugé comme ça et d'avoir interprété la situation, je sais que tu as essayé de me parler et à chaque fois je t'ai ignoré, je comprendrais que tu ne veuilles plus me parler du tout, je...
- Bordel, Norah ! Ralentis, ok ! Bien sûr que je te pardonne mais la prochaine fois que tu me fais le coup, je prends Dimitri et je t’assomme avec, on est bien clair ?

Norah joint les mains devant elle, penaude et hoche la tête avec un petit sourire coupable. Je secoue la tête et passe mon bras autour de ses épaules:

- Abrutie, va. Dis-moi qu'il t'a invité au bal, cet idiot.

Le visage de Norah s'illumine soudainement, son pas se fait sautillant et j'ai ma réponse avant de l'entendre me dire avec une voix extatique:

- Dimitri m'a invité au bal !
- Félicitation, il était temps.
- Tu n'es pas fâchée ?
- Oh que si, je suis si fâchée que je vais m'infiltrer dans ta chambre et ruiner ta belle robe pour le bal, comme dans un film d'ado débile.

Norah se marre alors je continue:

- Et quand tu trouveras une robe de remplacement et que tu viendras au bal, je ferais exprès de trébucher avec mon verre de ponch et je ruinerai ta deuxième plus belle robe de la soirée. Et après Dimitri aura pas d'autre choix que de reconnaître mon génie diabolique, je l'enfermerais dans une cage et on partira ensemble vers le soleil couchant, muhahahahaha.
- T'es dingue, t'es trop con, Kay, rit Norah.
- Merci, je cultive ma folie depuis 17 ans, c'est toujours cool d'entendre que l'apprentissage porte ses fruits.

Norah rit, on rejoint Reagan qui doit finir son projet d'art dans pas longtemps et une fois réunies, on va dans un café pour discuter autour d'une menthe à l'eau. Notre sujet de conversation principal ? Priscila.

- J'ai essayé de l'appeler mais elle ne veut prendre aucun de mes appels.
- La dernière fois, quand elle a pété un câble à la cafétéria, je suis allée la voir et elle m'a dit qu'elle avait des problèmes.

Je me mords les lèvres en repensant à Cisco, à la jalousie de Cila.

- Vous ne pensez pas..., commencé-je.

Leurs têtes se tournent vers moi, j'ai piqué leur intérêt, maintenant je suis obligée de continuer ou elles vont me harceler... Je soupire:

- Vous ne pensez pas que ça a un rapport avec Cisco ?

Norah cligne des yeux sans comprendre, Reagan fronce les sourcils.

- Cila... Elle est dingue de Cisco, non ?
- Quoi !? S'exclame Norah, les yeux écarquillés.
- ... J'ai remarqué qu'elle s'intéressait à lui, avoue Reagan. Mais pourquoi ça aurait un rapport avec lui ?
- Je sais pas, à la cafétéria elle n'arrêtait pas de répéter qu'elle n'était pas jalouse... Mais peut-être que c'est exactement ça... ?
- Elle serait jalouse ?

Je hausse une épaule avec incertitude en réponse à la question de Reagan. Norah pose ses deux mains sur la table posément et remet une mèche de cheveux noirs derrière son oreille avec un geste lent:

- Attendez une seconde, vous deux. Vous êtes entrain de me dire que Cila, notre Cila, la Cila qui ronchonne sans reprendre son souffle entre deux plaintes et qui s'engueule sans arrêt avec tout le monde et plus particulièrement Cisco... Est en fait amoureuse de Cisco ?
- On croit qu'elle l'est mais avec Cila...
- Okay... Mais pourquoi personne ne me dit jamais rien à moi, se plaint Norah.
- C'est pas comme si on en parlait ouvertement, interviens-je.
- C'était plus un soupçon qu'un fait avéré...
- Ok, vous en parlez comme si c'était un sujet tabou maintenant.
- Tout est tabou avec Cila, je lui fais remarquer.
- Pas faux...

Norah pousse un soupir à fendre l'âme et s'affale sur la table sans aucune grâce, je lève les yeux au ciel et croise ceux de Reagan qui sourit timidement par dessus la tête de notre petite asiatique exubérante.

- Qu'est-ce qu'on peut faire..., se lamente t-elle.
- J'ai essayé de lui parler après la dispute et elle m'a envoyé sur les roses.
- Et j'ai essayé de lui parler à la fête, elle m'a envoyé chier aussi, je ne pense pas qu'elle ait envie de me parler...
- Bon, c'est à mon tour alors, si je comprends bien.
- T'es du genre pacifiste, peut-être qu'elle t'écoutera, toi.
- Pas sûr... Bon, je ferais mieux de m'y mettre tout de suite.

Portable sorti, elle s'empresse de pianoter dessus. J'en profite pour sortir le mien et vérifier que je n'ai pas de SMS en attente. C'est à ce moment que le portable de Reagan se met à sonner, elle décroche, sourcils froncés en voyant le nom de l'interlocuteur. Son visage se ferme avec ce que la personne lui raconte et même Norah arrête d'écrire pour la regarder.

- D'accord, je vais revenir, j'arrive dans cinq minutes... Oui, à tout de suite.

Reagan raccroche et commence à rassembler ses affaires en vitesse:

- C'était Madame Reynolds, il faut que je retourne au lycée. Y a un soucis avec mon projet apparemment, grimace t-elle.
- Tu veux qu'on vienne avec toi ? S’inquiète Norah.
- Non, c'est bon, je vais gérer. On se voit demain à la cafét ?
- Ok... A demain !

On lui fait signe tandis qu'elle s'en va en vitesse. J'échange un regard perplexe avec Norah.

- Ça avait l'air plutôt grave, non ?
- J'espère qu'elle ne va pas devoir recommencer..., soupire Norah.
- Comment ça "recommencer" ?
- Tu ne savais pas ? Elle a eut du mal à comprendre le thème de leur projet, elle a jeté pas mal avant de réussir à trouver un projet qui soit validé par Madame Reynolds... J'ai entendu dire que c'était une vraie rapace, celle-là, elle pinaille sur des détails à chaque fois.
- C'est quoi leur thème ?
- Le reflet dans l'auto-portrait.
- Ah...

C'est du jargon pour moi, je comprends que Reagan ait pu se perdre, les thèmes sont trop vagues, comme si les profs s'attendaient à ce qu'on devine ce qu'ils attendent de nous... C'est n'importe quoi. Le portable de Norah vibre, la tête qu'elle fait n'annonce rien de bon, bouche ouverte, elle tourne son portable vers moi avec une mine indignée. Et pour cause, sur la page SMS, il y a écrit:

VA TE FAIRE FOUTRE ! - 16:48

- Je pense qu'elle ne veut pas me parler..., boude Norah.
- Nan, serieux ? Ironisé-je.



**


Je pense que la déprime me guette... - 20:15
Ow :'( Tu veux en parler ? - 20:22
Non, pas vraiment *soupire*. T'inquiète... Remonte moi le moral ? é_è  Jeu des cinq questions ? N'importe quoi... - 20:24
*calin* Ok... Notre chanson ? Razz – 20:26
Robbers de The 1975. - 20:28
Oh ? Connais pas *s'en va l'écouter* – 20:30
C'est pas tant la chanson que ce dont elle parle et l'ambiance du clip - 20:32
Tu vas me faire rechercher la signification de la chanson ou tu me racontes ? Smile - 20:35
Le chanteur a toujours été fasciné par les histoires d'amour à la Bonie and Clide... Moi aussi Wink Ca parle de relations si fortes que la morale et tout le reste disparaît pour passer au second plan. L'univers se réduit à deux personnes, c'est de ça que ça parle – 20:38
C'est beau... Et flippant en un sens XD Ok, je promets de l'écouter religieusement, je te tiens au courant ! En attendant... Dis-moi quelque chose que personne ne sait sur toi - 20:40
Hm... Quand j'étais jeune, je me battais sans arrêt avec d'autres mioches- 20:43
Marrant, je te voyais pas du genre bagarreur ^.^" – 20:48
C'est plus mon genre depuis longtemps, t'inquiète pas- 20:50
Pourquoi tu te battais ? - 20:51
Je sais pas vraiment... Peut-être parce que je sentais que si je le faisais pas, quelqu'un allait me tomber dessus. J'étais un peu parano, je crois, eh eh – 20:53
Et toi ? Quelque chose que personne ne sait sur toi ? - 20:55

Je regarde mon pyjama un moment et penche la tête sur le coté. C'est le moment où jamais, si mes rondeurs ne l'ont pas fait fuir, c'est le test suivant. Je prends une photo de moi dans mon pyjama et le lui envoie.

Voilà, elle est là, la dite chose, avec preuve avec l'appuie, ah ah. Si tu l'envoies à qui que ce soit, je te tues et j'enterre ton corps en forêt. - 20:59
AH AH ! <3 - 21:00
Et personne ne le retrouvera jamais, JAMAIS. - 21:02
... Smile - 21:03
Je te déteste - 21:05
Nan, tu m'adores trop pour ça Wink - 21:07

Je souris, me mords les lèvres.

Peut-être bien... - 21:10
T'es mignonne. Il te va bien <3 - 21:12

Test passé haut la main. Je pense bien être amoureuse pour de bon.


**


Plus tard, j'écoute, je regarde le clip de Robbers de The 1975 et je reste sur le cul. Ils fument et plus, c'est malsain, c'est toxique et pourtant...

Ok, je comprends ce que tu veux dire pour The 1975 – 00:00
Notre chanson ? Smile - 00:02
Définitivement notre chanson - 00:05


**


- T'as entendu les nouvelles ? Me demande Norah, essoufflée.

Je cligne des yeux. Elle est débraillée, ses yeux sont arrondis à l'extrême et elle a l'air choqué.

- Non, quelles nouvelles ?
- DES TAS DE NOUVELLES ! Bon sang, comment tu fais pour ne pas être au courant, je t'envie des fois ! C'est tellement la merde, Kay, TELLEMENT !
- Ok, calme-toi et explique depuis le début parce que je pige que dalle, là.

Norah se laisse tomber sur le banc à coté de moi, pose son sac, reprend son souffle.

- Bon. Je sais même pas par qui je dois commencer, c'est tellement la merde aujourd'hui, dit-elle, attristée.
- Choisis, dépêche !
- Bon... Alors, tu te souviens que Reagan a du repartir hier parce qu'elle avait un soucis avec son projet ?
- Oui, et alors ?
- Et ben, voilà, il n'y a pas un soucis, il y a un BIG PROBLEME ! La classe d'art a été vandalisé et plusieurs projets d'art sont complétement foutu, elle va devoir tout recommencer et il lui reste genre même pas une semaine pour tout reproduire à l'identique alors que ce genre de truc ça met des plombes, tu vois !?
- Merde... Putain, elle doit être dégoûtée...
- C'est un euphémisme ! Les profs sont entrain de voir pour leur obtenir un délai mais avec l'académie et tout ça, ils ne font pas ce qu'ils veulent...
- La pauvre...

Elle avait tellement travaillé pour son projet... Combien de fois elle a manqué les pauses déjeuné pour bosser sur sa toile. Un élan de rage me prend contre ces fouteurs de merde qui foutent tout en l'air.

- Quelle bande de mal baisé alors ! J'éclate.
- Attends, c'est pas fini, le pire arrive, geins Norah.
- Quoi, y a pire que ça ? J'espère que t'as de la ventoline dans ton sac !
- Cisco en a eut assez que Cila l'ignore, il l'a bloqué dans le hall, puis tu le connais, il a tellement insisté, tellement poussé qu'elle a pété un câble. Elle lui a balancé son sac en pleine tronche, il l'a frappé avec son sac à dos, il lui a jeté son bonnet à la figure, bref, je te passe les détails...
- Ils en sont venus aux mains ? Demandé-je, abasourdie.
- Ils en viennent toujours aux mains, bref, c'est pas ça le plus grave.
- Parce qu'il y a plus grave !?

Punaise, à ce train là, je vais vraiment avoir besoin d'une bombe de ventoline... Norah me lance un regard agacé.

- Tu me laisses finir, oui ou non ?
- Oui, allez, vas-y, c'est quoi le plus grave ?
- Cisco arrêtait pas de lui demander ce qui n'allait pas, elle s'est bouchée les oreilles alors il s'est mis à gueuler et elle a carrément pété un boulon, elle s'est carrément mise à pleurer et elle a fait une crise de nerf. Elle est repartie en ambulance !

Je palis brusquement, Norah m'adresse un coup d'oeil paniqué.

- Comment elle va ? Elle va bien ?
- Je sais pas grand chose mais apparemment c'était une crise de nerf... Cisco a voulu l'accompagner à l’hôpital mais ils ont pas voulu le laisser monter avec elle, ses parents vont la rejoindre et tout mais... Qu'est-ce qui se passe, Kay ?
- J'en sais trop rien...

Tout part de travers.


**


A l’hôpital, on doit attendre avant d'être autorisées à entrer, on nous dit "pas plus de deux et pas longtemps parce qu'elle doit se reposer". Cila est assise sur son lit, elle regarde la télé, elle est pâle, ses yeux sont rouges et elle a des cernes mais à part ça, elle paraît... bien. Fatiguée, comme si elle n'avait pas dormi de la nuit, mais pas malade ou autre. Norah et moi, on se regarde entre nous puis je toque sur la porte. Cila se tourne vers nous et son expression se plisse sous la nervosité.

Je reste en retrait, gênée... Norah brise le silence d'un soupir, elle pose lourdement son sac au sol et se dirige franc bon vers le lit où elle s'assoit avant de pousser un peu Priscila qui la regarde faire, médusée.

- Tu regardes la chaîne des débats toi maintenant ? Tu veux te pendre prématurément ou quoi ?

Norah change de chaîne et s'étale sur le lit médical avant de se tourner vers moi avec un énorme sourire:

- Eh ben, reste pas là-bas, toi, rejoins-nous !

Je lui rends son sourire, pose mon sac et grimpe avec elles. On se serre les unes contre les autres comme des sardines, Norah met une chaîne avec des dessins animés. Dix minutes passent sans qu'aucune d'entre nous ne parle, jusqu'à ce que je sente une tête se poser sur mon épaule. Je me tourne vers elle, aperçoit ses doigts entremêlés à ceux de Norah, qui serrent fort. Je prends son autre main et me tourne sans un mot vers la télé.

- Je suis désolée..., chuchote Cila au bout d'un moment.

Elle renifle avec son dédain habituel mais le coeur n'y est pas.

- Ils disent que je fais une dépression bizarre, que c'est possible que je sois bipolaire. Que les changements d'humeur et tout, c'est pas vraiment de ma faute et qu'ils vont me mettre sous traitement... mais pas trop pour pas me transformer en junkie, se marre t-elle.

Je serre plus fort sa main dans la mienne, Norah enroule son bras libre autour de la taille de Cila et on finit en une sorte de sandwich bizarre, avec elle au milieu.

- On est là.


**


Priscila est sortie de l'hopital - 19:25
Oui, je sais... Ils la gardaient en observation aujourd'hui, ils lui ont dit de se reposer et de reprendre les cours quand elle se sentirait prête - 19:27
... Elle va y retourner dès demain, pas vrai ? - 19:29
La connaissant ? Oui, fort probable. - 19:30
Je ne sais pas trop comment me comporter avec elle maintenant... J'ai peur de la casser :S - 19:30
Elle va bien, traite la normalement. Si tu fais des différences, ça va la mettre en colère, je crois... - 19:30
Ouais, t'as raison. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire... - 19:30
Ouais, je vois ce que tu veux dire... - 19:30



**


Cila revient en cours après deux jours de repos forcé de la part de ses parents, elle semble plus reposée, en phase avec elle-même, comme si entendre ce qui se passait de la bouche des spécialistes l'avait rassuré.

A l'heure sacrée de la pause déjeuné, Cisco s'approche d'elle, penaud, il s’assoit à coté d'elle en levant son sac devant lui en guise de bouclier. Elle le toise de haut en bas, narquoise.

- C'est pas ton pathétique sac à dos qui va te sauver si j'ai envie de te frapper, j'espère que t'es au courant.
- Ouais, mais il va peut-être absorber la violence des coups ?

Elle lève les yeux au ciel, il baisse son sac et sourit. Je les observe et je me demande, je me demande... Je me rappelle de ce moment magique dans le placard et plus je regarde Cisco, plus je me demande s'il serait capable de flirter avec Cila comme il est entrain de le faire, alors qu'il me parle si intimement une fois la nuit venue. J'ai envie de lui taper dessus soudainement, moi aussi.

- Elle est où Reagan ? Demande Dimitri, étonné par son absence.
- Elle refait son projet...

Les lèvres de Dimitri se pincent, il passe un bras autour de Norah pour la réconforter, je baisse les yeux sur mon plateau.

- Cisco Brown, aboie soudainement Priscila.

Le principal intéressé se tourne vers elle avec un sourcil haussé, son portable ouvert pas loin de lui avec une partie de ce qui ressemble à Pac-man en cours de chargement.

- ... Oui ?

Cila l'imite et croise les bras:

- Est-ce que tu veux venir au bal avec moi ?

J'accuse le coup, comme Cisco apparemment. Il se remet rapidement pourtant, un coin de ses lèvres étirés vers le haut, il retourne à sa partie de Pac-man tout en fourrant sa fourchette dans sa bouche.

- Chai cru qua tu m'le demand'rai chamais ! S'exclame t-il.
- Avale ce que t'as dans la bouche, gros dégueulasse, se plaint-elle.

Cisco ouvre la bouche pour lui montrer la bouillie de nourriture et on fronce tous le nez, dégoûté. Cila lui file un coup de sac à main dans les côtes et il manque de s'étouffer.

- Je retire ce que j'ai dit, je te désinvite !
- Trop tard ! Tu m'as demandé, tu vas me subir maintenant !
- Je suis déjà entrain de regretter, soupire t-elle.
- C'est faux, je suis adorable.

Cila lui donne un coup de coude, Cisco le lui rend. Norah éclate de rire, je me tais.

- On peut vous appeler les deux C maintenant ?
- Jamais, gronde Cila.
- Vendu, répond Cisco en même temps.


**


La première chose que je fais en sortant du lycée, c'est d'envoyer un SMS à TOMB-R.

Est-ce que tu veux venir au bal avec moi ? - 16:38

Je me passe une main dans les cheveux, je range mon portable et marche énergiquement jusque chez moi, énervée, perdue, perplexe. Rentrée, j'embrasse ma mère même si je ne suis pas d'humeur, puis je dis que je vais faire mes devoirs et réviser pour les examens et m'enferme dans ma chambre. Je me déshabille et pense à enfiler mon pyjama habituel mais rien que l'idée de l'enfiler me donne envie de hurler.

J'enfile un pyjama bleu avec des rayures rouges, remonte mes cheveux en chignon au dessus de mon crâne et tourne en rond en respirant pour me calmer. Un pas, une inspiration, un pas, une expiration, et ainsi de suite. Je pose mes mains sur mes hanches et je recommence. Lorsque je suis plus calme, je reprends mon téléphone. Un SMS m'attend.

Je ne peux pas :S - 16:50

Ben tiens, ça m'aurait étonnée.

Pourquoi ? - 17:04

Parce que depuis le début tu me fais tourner en bourrique ? Parce que tu vas au bal avec Cila finalement ?

Parce que je ne vais pas au bal, j'ai un truc à faire - 17:07

C'est ça. Je jete mon portable sur mon bureau, me jete moi-même sur mon lit et hurle dans mon oreiller. Ca ne peut pas durer. J'en ai assez, je ne peux plus jouer. Je tends la main, récupère mon portable.

Tu as gagné. Je me suis lassée - 17:10
Qu'est-ce que tu veux dire ? - 17:12
Je veux dire ce que je veux dire: je ne veux plus jouer. J'en ai assez des mystères, je t'aime bien mais les messages, ça ne me convient plus. Est-ce que tu viens au bal avec moi, oui ou non ? - 17:15
K, excuse, mais je ne peux vraiment pas venir au bal ! Je ne comprends pas, j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? - 17:18

Je suis tellement en rage, que je me contente de copier/coller un lien youtube pour le lui envoyer.

https://youtu.be/NERmgwWfnoI  <= Puisque tu comprends mieux en musique ! - 17:20

Puis j'éteins complétement mon portable, j'éteins la lumière et je me résous à me coucher. Peut-être que dormir va effacer cette journée pourrie.


**


- Kay !
- Oh, je te jure, me parle pas, toi !

Je fusille Cisco du regard, ça a le don de le clouer sur place, j'en profite pour m'enfermer dans les toilettes des filles. Depuis ce matin, je suis irascible, il faut vraiment que je me calme. J'ai même envoyé Norah paître alors qu'elle n'est rien sinon adorable.

La sonnerie retentit mais j'ai Madame Adams, elle ne dira rien si j'arrive un peu après les autres. Je veux éviter les bousculades, et Cisco par dessus le marché, le connaissant il m'attend dehors. La porte s'ouvre et se ferme plusieurs fois, je reste dans ma cabine fermée à clef, les pieds relevés, la tête posée contre mes bras repliés. Je détache mes cheveux et je me cache derrière eux.

- Kylee ? T'es là ?

J'ai envie de ne pas répondre. Mais la culpabilité prend le dessus, j'ai déjà envoyé chier tellement de personnes...

- Ici, je soupire.
- Tu te sens bien ? Cisco m'a croisé dans les couloirs et comme il ne veut pas passer pour un pervers en entrant dans les toilettes de filles...

Je renifle avec amusement, donc j'avais raison, il attend bien dehors ce salaud.

- Je vais bien. J'avais besoin de calme et je l'avais nulle part.
- Oh... Ok, je vais partir alors.
- Attends...

Je laisse la porte fermée mais rattache mes cheveux, réfléchit.

- Et ton projet d'art ? Ça avance ?
- Un peu... Il me reste trois jours pour le finir.
- Les profs n'ont pas réussi à vous obtenir une rallonge alors.
- Non. Mais ils nous ont autorisé à ramener les travaux pour qu'on puisse bosser dessus chez nous.
- Comme c'est généreux, j'ironise.

Une secousse agite la porte, comme si Reagan s'était appuyée contre elle.

- Est-ce que ça va ?
- Ouais...
- Vraiment ?

Je soupire. Je regarde mon portable qui dépasse de mon sac, par terre. TOMB-R a essayé de m'envoyer des tas de messages mais je les ai effacé sans les lire et je l'ai bloqué.

- Je suis en colère contre quelqu'un.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il est lâche et qu'il joue à des petits jeux avec moi. Et que j'aime pas ça. Du tout.
- Peut-être que tu devrais arrêter de lui parler alors.
- C'est ce que je fais.
- Ok... Cool...

Un silence embarrassé s'installe. Je me rends compte que je parle pas beaucoup avec Reagan en général, parce qu'il y a toujours Norah ou Cila en guise d'intermédiaire, de relai.

- Tu te souviens du problème de math que je t'ai passé ?
- Ouais celui où y avait une faute ?
- Ouais... Et ben figure-toi qu'il n'y avait pas de fautes. Le prof l'a recopié tel quel au tableau ce matin en nous demandant de le résoudre.
- Il a fumé, c'est pas possible autrement.
- Possible, se marre Reagan. Tu peux quand même y jeter un coup d'oeil quand t'auras le temps ?
- Ouais, bien sûr.

Avec son projet d'art, la pauvre, elle ne doit pas avoir le temps pour ce genre de conneries.

- Ok... Bon, j'y vais, je vais être en retard. A la prochaine ?
- Hn hn...

Reagan sort en claquant doucement la porte derrière elle. Je claque ma tête contre la paroie dans mon dos et me décide à faire la même chose. Heureusement, quand je quitte les toilettes, Cisco a disparu.


**


En rentrant à la maison, je retrouve le papier avec le problème de math et je l'examine avec un regard critique, sous tous les angles.

128√e980

Mais rien du tout.

Son prof a vraiment fumé quelque chose de pas net.


**


- Pour la millième fois au moins, non je ne vais pas au bal. I'm not going to the bal, yo no me voy al baile de graduacion, non ho intenzione al ballo, comment on le dit en japonais, Norah ?
- Watashi wa puromu ikimasen, sourit-elle en examinant une robe bleu sous toutes les coutures.
- Voilà, c'est ça. Ikimasen, ikimasen !
- Moi vivante, tu viendras au bal ! Insiste Cila.

Je la fusille du regard et me cale un peu plus fort sur le canapé pour marquer le coup. Cila n'a pas l'air impressionné, Norah semble porter autant d'intérêt à la conversation qu'à sa première chaussette.

- Tu réalises combien c'est hypocrite, non ? Je suis sûre que si tu n'avais pas de cavalier, toi non plus tu n'irais pas !
- Sauf que moi j'ai demandé à quelqu'un au moins.
- Je l'ai fait aussi ! Rétorqué-je, sur les nerfs.

Cila ouvre la bouche, la ferme. Norah abandonne enfin sa robe et se tourne vers nous.

- Il a dit non ? Demande t-elle.
- Voilà, il a dit non, maintenant, est-ce qu'on peut revenir au sujet de conversation principal ? Je n'irais pas au bal, je ne tiendrais pas la chandelle ni entre toi et Cisco (Cila croise les bras, vexée), ni entre toi et Dimitri (Norah fait la moue) et pas question que je me noie dans le ponch en ressassant le fait que personne ne m'a invité et que je me suis fait jetée comme une merde, ok ? Je vais passer la soirée avec mon ordi, un bon film et je réviserai pour les examens, ce sera toujours ça de pris.
- Ok, maintenant je suis déprimée, soupire Cila.
- Tu as demandé à qui ?
- A un gars, tu connais pas.

Ah ah...

- Bref, je veux bien vous aider à choisir vos robes mais ça s'arrête là.
Tu peux toujours en prendre une... Pas pour le bal ! S'empresse de dire Norah. Mais c'est toujours bien d'avoir une jolie robe dans son placard, non ? Pour les grandes occasions ou les moins grandes occasions.
- Mais surtout pour les grandes occasions, affirme Cila. D'ailleurs, je voulais savoir, est-ce que Dimitri et toi vous sortez enfin ensemble ? Enfin, je veux dire, il t'a invité au bal et tout le reste, vous êtes mignons, tout ça, tout ça, mais le concret dans tout ça ?

Je hausse un sourcil, tout aussi curieuse. Norah rougit, ce qui est une réponse en soit. Cila ricane de façon diabolique.

- J'en étais sûre, petite cachottière. Future femme de footballeux, quel beau métier.
J'ai d'autre projet dans la vie que d'être femme de footballeux, merci bien, sourit Norah.
- Ouais c'est vrai. Les femmes au pouvoir !
- Et toi et Cisco ? Interroge Norah.

Je fais semblant de m’intéresser à une robe sur un portique. Elle est hideuse mais bon, personne ne va venir me le dire et je ne veux surtout pas participer à cette conversation.

- Beeeeen... Disons que si j'entends encore parler de jeux vidéo, je vais les lui faire bouffer et que si je parle encore du dernier veston à la mode, il va me faire bouffer ma garde de robe... J'estime qu'on est un couple parfaitement équilibré.

Norah éclate de rire. Je m'éloigne dans les rayons et je me retrouve à vraiment regarder les robes, autant lier l'utile à l'agréable. Je retourne une étiquette et l'intitulé de l'article me transperce d'un coup.

Vagues printanières.

Tu divagues
Vagues.


- Elle est jolie...

Je sursaute. Norah est pratiquement perchée à mon épaule, elle détaille la robe que je tiens en main et hoche la tête avec approbation.

- Tu devrais la prendre, elle est très belle.

Je déglutis et me dirige droit vers la caisse, achète la robe en quatrième vitesse et sors parce qu'une irrésistible envie de pleurer me pique les yeux.


**


Le soir du bal, je suis dans mon lit, blottie dans mon pyjama rose à lapins gris, l'ordi ouvert devant moi avec la formule ouvert sur mon écran word.

128√e980

Je baille, épuisée de me creuser la tête sans rien trouver. J'aimerais aider Reagan mais rien ne me vient. C'est peut-être bien une formule impossible. Mon portable clignote, j'ouvre la messagerie et reçoit des photos de Cila et Norah, toutes les deux magnifiques dans leurs robes rose et violettes, aux cotés de leurs cavaliers. Cisco porte une rose rose à la poche de sa veste pour rappeler la couleur de la robe de Cila et Dimitri une énorme fleur violette qui ressemble à un dahlia, pour rappeler celle de Norah. C'est mignon de leur part.

Je soupire, me frotte furieusement le crâne et m'éclate les yeux sur la formule. Il y a quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je penche la tête sur le coté, de l'autre coté, réfléchit, ne trouve rien, perd patience, tape sur mon clavier. Et là. Je ne sais pas ce que j'ai fait exactement mais le texte est coupé en deux par une barre verticale.


Original - pas de spoil - Robbers Captur12


Je couvre la partie supérieure avec ma main, efface tout et recommence. Mon coeur se met à battre dans ma gorge, et en un instant, la formule est résolue, et le résultat m'apparaît clairement, là, sous mes yeux.

Original - pas de spoil - Robbers Captur14



Reagan.


**


Je tourne en rond, je regarde mon portable et j'essaye de recoller les morceaux avec ce dont je me souviens et tout colle. La petite soeur, les discussions, l'ami proche, le numéro de portable de Reagan que je n'ai pas... Le seul truc qui ne colle pas, c'est ce foutu pseudo. TOMB-R. R pour Reagan ? Mais TOMB ? TOM ? TO MB ? Non, ça ne va pas.

Je tourne, je tourne... Parce que tout ce que j'avais imaginé vient d'être retourné et que la personne que je pensais être un garçon s'avère être une fille, que j'ai tout pensé trop vite, que j'ai fait des conclusions hâtives.

Et le bal ?

Je me prends la tête entre les mains, ébahi par ma bêtise et par mon manque de clairvoyance.

- Putain, son projet d'art...

C'est pour ça qu'elle ne pouvait pas aller au bal. Parce que son projet d'art a été détruit et qu'elle est obligée de tout recommencer, que sa deadline est lundi et qu'elle manque de temps.

Je tourne encore, je creuse une tranchée dans ma chambre, perdue. Déboussolée.

Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que je fais ?

Mes yeux accrochent mon portable sur mon lit, je me précipite dessus et je débloque le contact.

Je ne comprends pas, K ! - 17:23
Est-ce que tu m'ignores ? - 17:25
Tu m'ignores... - 17:36
Je ne peux vraiment pas aller au bal, je suis désolé - 17:59
Tu ne veux plus me parler, j'ai compris... - 19:20
-----------------------------------------
Tu m'as bloqué, hein ? - 08:58
C'est pas grave, je suppose que ça devait se finir comme ça. J'espère que tu trouveras quelqu'un pour t'amener au bal, tu devrais danser et t'amuser – 23:58
-----------------------------------------
Je suis désolé - 10:00
Tu me manques, un peu. - 00:00
-----------------------------------------
Ok, beaucoup - 23:26
-----------------------------------------
https://youtu.be/Iyy3YOpxL2k - 21:58



Je clique sur le lien et la musique qui résonne me fait fermer les yeux instantanément. Je presse mes paumes contre mes paupières et inspire.

Original - pas de spoil - Robbers Captur14

Je souris. Eh merde.

Je sors la robe vagues printanières, je l'enfile le plus vite possible, je me fais une queue de cheval et je sors en coup de vent sans répondre au "bonne soirée" amusé de ma mère.


**


Au lycée, je regarde mon portable, il est plutôt tard... Je rentre avec ma carte étudiante et frissonne, j'ai oublié d'enfiler une veste dans la précipitation. Je passe rapidement dans la salle de bal, j'entrevois Cila, Norah et Cisco sur la piste de danse mais les évite. Mes yeux cherchent dans la salle, ne trouvent personne. Je soupire et me passe une main sur la nuque.

Je savais que Reagan ne viendrait pas mais j'espérais encore. Elle est sûrement chez elle, entrain de bosser sur sa planche. L'idée de devoir attendre jusqu'à lundi pour la voir m'est insupportable, je dois savoir, je dois tout mettre au clair, savoir, savoir, savoir.

Je m'eclipse et rattrape le bâtiment principal, dans le noir, le lycée devrait paraître inquiétant mais ce n'est pas le cas. Je connais si bien les moindres recoins que tout est familier et rassurant.

Elle est chez elle, elle est devant sa toile et elle est certainement entrain de peaufiner son projet. Et je suis ici, comme une idiote.

Je m'appuie contre un mur tandis que la réalisation me frappe de nouveau de plein fouet. La raison pour laquelle je n'ai pas envisagé que Reagan puisse être TOMB-R, c'est que c'est une fille comme moi, alors je l'ai rayé de la liste sans même la prendre en considération, sans lui laisser la moindre chance au départ. Cette pensée me fait grincer des dents, je ferme les yeux. Je me remémore ce moment, dans ce minuscule placard, mes mains moites dans son dos et les siennes traçant des sillons enflammés sur ma peau, son odeur, son souffle sur ma joue, le baiser qu'on n'a pas échangé cette nuit là.

Je me reprends et continue mon chemin. Il faut que je sois sûre, que j'essaye tous les endroits avant de baisser les bras. Je passe par les toilettes au cas où je l'aurais manqué mais elle n'y est pas, puis pris d'un vague espoir, je monte à l'étage et me dirige vers les salles d'arts plastiques. Les salles sont toutes éteintes, mon coeur tombe dans mes talons. Je soupire et me frotte les bras, déçue et glacée.

Mes ballerines ne font aucun bruit sur le sol, je continue jusqu'au bout du couloir et là. La porte est entrouverte et une lampe halogène éclaire la pièce. Quelque chose revient à sa place dans ma poitrine, ma cage thoracique paraît se contracter soudainement, enserre mes poumons dans un étau. Ça pourrait être n'importe qui. Je passe la tête par l'ouverture et assise sur une chaise, légèrement tournée de coté par rapport à la porte, Reagan contemple une toile avec attention. Je reste à l'entrée, à la regarder. Sa veste en jean – veste en jean, bon sang, aveugle, je suis aveugle – est sur le dossier de la chaise, elle porte une chemise à motif, manches courtes roulées jusqu'aux épaules, un jean noir et des grosses boots militaires. Ses cheveux courts sont repoussés en arrière mais une mèche s'obstine à retomber devant ses yeux, elle a une trace de peinture sur le menton, une autre sur la tempe et ce qui semble être de la poudre de fusain sur la joue. Chamboulée, je reste là un instant avant de toquer deux fois, comme pour raviver le souvenir de cette nuit qui ne m'a jamais vraiment quitté.

Un sursaut agite Reagan qui se tourne brutalement, un sourire lui vient pourtant en me voyant.

- Kay... Tu m'as fait peur.
- Tu travailles encore ?

Elle hausse une épaule nerveusement et regarde sa toile alors que je m'avance. Chaque pas est une torture et une délivrance à la fois.

- Ouais... Mais je pense que j'ai fini.
- C'est vrai ?
- Ouais. C'est pas aussi bien que ce que j'avais fait la première fois, il manque des couleurs, les formes sont pas géniales et c'est clair que ça manque de pleins de truc mais... En une semaine j'arriverais pas à faire autre chose que ça alors...
- Tu divagues...
- Vagues.

Le mot a quitté ses lèvres avant qu'elle ne comprenne le piège que je lui ai tendu, sans voir que je guettais sa réaction. L'expression de Reagan trébuche, sa bouche se crispe, elle ouvre la bouche, la referme, scrute mes yeux à la recherche de quelque chose. Qu'elle trouve.

- Je...

Elle se passe une main dans les cheveux, la nervosité me coupe la voix, je pensais que la voir rendrait tout facile, je me suis trompée. Reagan soupire, ferme les yeux, se triture la nuque avant d'arrêter brusquement, défaite:

- Je sais pas quoi dire.
- Je sais pas non plus, avoué-je.

Ses épaules s'affaissent, l'électricité court partout sous ma peau. Peut-être qu'on ne devrait rien dire, pas tout de suite. Avec un accroc dans mes gestes, je tends la main pour effleurer la sienne, elle rouvre les paupières et ses yeux se baissent sur mes doigts puis s'accrochent aux miens comme s'ils me demandaient "mais qu'est-ce que tu fais ?". Sa main se referme sur la mienne, mon bras entier est parcouru de frissons, de froid ou de chaud, je ne sais même plus.

Mais qu'est-ce que tu fais, K ?

De sa main libre, elle remet une mèche de mes cheveux qui s'est égarée sur ma joue derrière mon oreille. Je m'offre à sa caresse incertaine et clos les yeux à demi, l'observe sous mes cils avant de passer le bout des doigts sur les traces de peintures et de fusain qui ornent son visage. Son front se cale contre le mien, son souffle embrasse mes lèvres.

- J'ai résolu ton problème, dis-je en un murmure.

Ses yeux bleus me harponnent, je tente de remettre la mèche rebelle à sa place, en vain. Elle sourit et lâche ma main pour enrouler son bras dans le creux de mes reins, je me transforme en véritable brasier.

- C'est vrai ?

Son sourire est contagieux, un rire veut m'échapper mais je le retiens et enfouis ma main dans ses cheveux.

- Oui, c'est vrai.

Reagan ne me lâche pas du regard, je baisse brièvement le mien, intimidée d'être l'objet d'une œillade aussi intense.

- Qu'est-ce qu'il dit ? Insiste t-elle.

Son nez bute contre le mien, encore un centimètre, un petit centimètre...

- Ça dit que tu m'aimes.
- Est-ce que je peux t'embrasser ?

Je relève la tête et appuie sur sa nuque en guise de réponse et si une étreinte c'était déjà trop... L'embrasser je ne sais pas ce que c'est. Mes terminaisons nerveuses sont sur le point de court-circuiter, quelque chose prend feu dans mon estomac, quant à chaque endroit qu'elle touche... je ne suis même plus sûre que mon corps m'appartienne encore. Ses doigts défont ma queue de cheval, mes cheveux cascadent dans mon dos et Reagan s'empressent d'y perdre sa main, je me noie, je me noie... Et je n'ai pas envie qu'on me sauve.

Entre deux baisers qui me coupent la respiration, je souffle mes interrogations.

- TOMB-R, R pour Reagan mais TOMB ?

Un nouveau baiser, une nouvelle merveilleuse noyade.

- Tomboy. Ça veut dire garçon manqué...
- Toi et tes mystères...

Une main sur la nuque qui attire, mes mains dans son dos, son odeur qui me rend folle.

- Tu as cru que j'étais Cisco.
- Oui, j'ai cru. J'ai eut peur que tu sois lui.
- Peur ?
- A cause de Cila.

Un soupir emporte tout le stress, les questions, les incertitudes, je me serre contre Reagan, le corps à peine opérationnel, front contre son épaule. Elle me serre fort contre elle, comme si elle n'en revenait toujours pas. Je la comprends, je n'en reviens toujours pas moi-même.

- Je suis contente que ce soit toi.

Parce que quelqu'un d'autre, quel intérêt ? J'ai la chair de poule, mélange de froid et de trop,  Reagan prend sa veste et la passe autour de mes épaules, elle jauge ma réaction avec prudence, comme si le baiser n'avait pas été suffisant pour établir le fait que je suis cramée pour elle, dans tous les sens du terme.

- Tu es venue avec quelqu'un au bal ?
- Non. Je ne suis pas venue pour le bal.

Reagan me scrute avec minutie, ses lèvres s'entrouvrent sur un "moi ?" qui reste silencieux et qu'elle ne dit pas à voix haute. J'acquiesce avec un sourire timide, elle secoue la tête avec incrédulité. Elle glisse son bras dans mon dos et m'embrasse sur la tempe. On s'installe sur une chaise et on discute de tout et de rien, elle me montre son ancien projet que les vandales ont tagué, avec le mot "GOUINE" écrit en lettres capitales avec un spray rouge.

- Tu devrais peut-être penser à le donner comme ça...
- Avec ça dessus ?
- Ouais, c'est de l'art non ? Reflet par l'autoportrait... C'est vrai que c'est con qu'ils aient fait ça à ton tableau mais en faisant ça, leur but c'était que tu ne puisses pas te servir de la toile... Rien que pour ça, tu devrais la présenter.

Le regard de Reagan passe de la toile à moi, la trace de peinture rouge sur son menton me donne envie d'y passer les doigts.

- J'y penserai.

Puis Reagan sort son portable, pianote un moment et mets Robbers de The 1975. Les accords de guitare électriques résonnent, la basse prend le relai avec les percussions mais jamais aussi fort que celles dans ma poitrine.

- On devrait danser, vu que tu n'as pas eut la chance d'aller au bal.
- C'est faux... J'y suis.

Le coin de ses lèvres s'étire vers le haut, elle pose son portable, me prend la main et on se retrouve à danser au milieu de la salle d'art, pas vraiment un slow mais presque. Nos paumes se collent, j'entremêle nos doigts, ses cheveux retombent sur son front et voilent ses yeux, elle a l'air cool.

- Au fait... moi aussi, 128√e980.

Elle se mords les lèvres pour dissimuler un nouveau sourire, me fait tourner sur moi-même et j'éclate de rire. Quand je reviens vers elle, je passe mes bras par dessus ses épaules, les siens se serrent dans mon dos et on s'embrasse.




Fin
Maliae
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MessageSujet: Re: Original - pas de spoil - Robbers Original - pas de spoil - Robbers Icon_minitimeSam 25 Juin - 21:12

Okay donc à partir de maintenant tu peux mappeler Dieu. Ou Genie. Ou même Dieu-Génie tiens. Je suis trop géniale. Je devrais envisager de faire une carrière de détective tiens. En tout cas j'ai adoré et je suis content que le fait que ce soit une fille ne rebute pas Kay finalement. Elles sooooooont chou. En plus j'ai tout de suite adoré Reagan je voulais en savoir plus sur elle. On sentait qu'elle était plus effacée que les autres.
Bon en tout cas c'était génial, super adorable et hyper bien écrit comme d'hab. Bravo <3

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