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[Les 100 - UA] Le prince et l'assassin (chapitre 14)

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Maliae
Maliae
Piou piou piou piou piou piou piou piou piou piou
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MessageSujet: [Les 100 - UA] Le prince et l'assassin (chapitre 14) [Les 100 - UA] Le prince et l'assassin (chapitre 14) Icon_minitimeLun 12 Fév - 21:38

Note : Jonty, pas relu

***

14. Etre sauvé.

Ce ne fut pas l’odeur, les crépitements, ou la chaleur qui me réveillèrent, mais les cris de Jasper. J’ouvris les yeux et je me crus lors d’un instant dans un des romans que je lisais. Le feu avait envahi mon lit, les flammes grignotant les rideaux qui l’entouraient et le bois, elles s’attaquaient désormais à la couverture, s’approchant dangereusement de moi. Je me levai d’un bond. La chaleur était étouffante et la fumée me fit tousser. Je rejoignis Jasper qui me poussa à l’extérieur de la chambre. Le prince réveilla des domestiques qui nous aidèrent à remplir des bassines d’eau et à maîtriser le feu. Il ouvrit ensuite la fenêtre pour aérer et faire sortir la fumée. Finalement il remercia les domestiques et leur ordonna de retourner se coucher.
- Vous allez bien, majesté, vous n’êtes pas blessé ? Demanda l’un de serviteurs qui restait.
- Tout va bien, assura Jasper. Retourne te coucher, merci pour ton aide.
L’homme se courba puis s’éloigna. Jasper et moi le regardâmes s’éloigner, plantés dans le couloir. Je repensais aux flammes si proche, à la fumée asphyxiante, et à moi qui dormait sans me rendre compte de rien, sans doute assommé par les émanations du feu. Si Jasper n’avait pas été là, s’il n’avait pas crié, je serais sans doute mort étouffé et brûlé. Je me tournai vers lui, pour le remercier, mais il me prit de cours et se jeta contre moi, m’enserrant dans ses bras. Je le sentis pleurer contre mon épaule :
- J’ai eu tellement peur Monty, j’ai eu peur de te perdre.
Je fermai les yeux, son étreinte était écrasante, il serrait de toutes ses forces comme si j’allais disparaître. J’eus l’impression d’être vraiment là, pour la première fois depuis que ma mère m’avait enfermé dans la pièce noire. J’eus l’impression d’avoir un peu retrouvé mon chemin vers moi-même. Doucement, je posai mes mains sur son dos qui se soulevait à cause de ses sanglots. C’est seulement là, debout dans le couloir, dans les bras l’un de l’autre que je réalisai. Jasper m’avait sauvé. Enfin.
Le câlin s’éternisa un long moment, c’est moi qui y mit un terme, je me reculai et demandai :
- Tu peux me rendre ma gourmette ?
Jasper sourit de toutes ses dents entre ses larmes :
- Tu es enfin revenu !
Je levai les sourcils surpris. Pourquoi n’avais-je pas demandé à récupérer ma gourmette plus tôt ? Pourquoi n’y avais-je même pas pensé ? La remarque de Jasper n’était pas anodine, avait-il senti que pendant tout ce temps je n’étais pas vraiment là ? Juste parce que j’avais oublié ma gourmette ?
Jasper décrocha le bracelet de son poignet et l’accrocha au mien.
- Joyeux anniversaire Monty, souffla-t-il.
Puis il prit ma main et m’entraina dans sa chambre. Sur son lit trônait un plateau contenant un gâteau aux fruits et des couverts. Nous nous assîmes chacun d’un côté.
- À la base, je venais te chercher pour qu’on le fête quand même ensemble, j’étais déçu que tu ne viennes pas aujourd’hui.
J’étais déçu aussi de ne pas venir, mais je ne le dis pas. Il m’aurait demandé pourquoi je n’étais pas venu dans ce cas, et je n’avais pas de réponse, je devais obéir à ma mère c’était tout.
- Heureusement que je suis venu, dit Jasper en frissonnant.
Je hochai la tête, prit le couteau et commençai à couper le gâteau, je donnai une part à Jasper et m’en servi une. Je goûtai la pâtisserie et l’appréciai :
- C’est bon, dis-je.
- N’est-ce pas ? J’ai vraiment insisté auprès de la cuisinière pour qu’elle fasse le meilleur.
- C’était pour ça que tu étais occupé ces derniers temps.
- En partie. Répondit Jasper.
- Quelle était l’autre partie ?
Jasper sortit de sous son oreiller deux poupées de tissus. L’une avait des cheveux longs bruns, l’autre des cheveux courts noirs. Elles n’étaient pas très bien faites, leurs yeux étaient assimétryques, on voyait des erreurs grossières dans la coutures.
- C’est toi et moi, dit-il. C’est moi qui les ai cousus. Ça m’a pris beaucoup de temps rien que pour apprendre.
Il fit tourner les poupées entre ses doigts :
- Elles ne sont pas très belles, je suis pas très doué, je...
Je lui pris la poupée Jasper des mains pour le couper :
- Elle te ressemble, dis-je, maladroit et l’air stupide.
Le prince me tira la langue et me tendis la peluche à mon effigie. Je repoussai sa main sans la prendre.
- Garde-là, fis-je, je n’ai besoin que de celle-là.
Dans l’obscurité de la chambre, où seul une bougie brûlait, il me sembla voir ses joues devenir rouge, mais je dus me tromper. Je terminai ma part de gâteau et expliquai :
- Je pensais que tu n’avais pas envie de me voir, tu étais soudain occupé alors que je venais de rentrer et je croyais que tu m’évitais, qu’en quelques mois tu m’avais déjà oublié. Tu n’es même pas venu m’accueillir quand je suis arrivé. Et je t’ai vu boire avec Charlotte et t’amuser avec elle.
Jasper me servit une nouvelle part et s’expliqua :
- Je ne t’évitais pas du tout, j’évitais plutôt Hannah. Je sais qu’il s’agit de ta mère mais je ne l’apprécie guère. J’étais réellement occuper à préparer ton anniversaire et à apprendre à coudre. Si j’étais saoul avec Charlotte, c’est parce qu’elle a bien voulu m’apprendre, en échange d’un rendez-vous et j’ai accepté. Si je ne suis pas venu t’accueillir quand tu es arrivé c’est parce que personne n’a cru bon de me prévenir et que je dormais parce que j’avais bu.
- Tu t’es bien amusé pendant mon absence.
- Pas du tout, j’ai passé mes journées à boire parce que tu me manquais. C’est tout. Si j’avais su que tu rentrais, j’aurais été là pour t’accueillir, crois-moi.
Jasper ne s’amusait donc pas sans moi, il ne m’avait pas oublié, il ne m’évitait pas, il n’était pas avec Charlotte parce qu’il en avait envie. J’avais cru toutes ces choses pourtant parce que ma mère me les avait tellement répétés. Jasper est un bon à rien, il se sert de toi, et il ne viendra pas te sauver.
Mais Jasper était venu me sauver.
Ce n’était pas les ténèbres qui m’effrayaient le plus finalement, c’était que Jasper m’y abandonne.
Je tournai la gourmette à mon poignet, retrouver le poids du bracelet de mon père était agréable, comme si j’avais retrouvé une partie de moi.
Je mangeai du gâteau jusqu’à ne plus pouvoir avaler une bouchée de plus.
- Dors ici ce soir, me dit le prince, demain je demanderai à ce qu’on change ton lit et nettoie ta chambre.
Je hochai la tête. Jasper posa le plateau sur le bureau, tandis que je me couchai de mon côté. Même si nous avions grandi, le lit était largement assez grand pour nous deux. Je posai la poupée Jasper à côté de moi sur l’oreiller et fermai les yeux.
- Pourquoi allumer toutes ces bougies ? Demanda le prince.
Je fis semblant de dormir pour ne pas avoir à répondre. Jasper murmura :
- Est-ce qu’il s’est passé quelque chose quand tu étais avec Hannah ? Tu n’avais pas l’air de vouloir partir. Et quand tu reviens tu agis de cette façon vraiment très bizarre, et il y a toutes ces bougies dans ta chambre.
Je ne répondis pas.
- Je sais que tu ne me diras rien, souffla Jasper. Et je sais que tu ne dors pas.
Je soupirai et me tournai vers lui :
- J’essaye mais un petit prince m’en empêche.
- On va faire un jeu, fit Jasper.
- Pas envie de jouer.
Jasper ne m’écouta pas :
- Je vais essayer de deviner pourquoi tu dors avec des bougies et tu dois me répondre que je suis froid si je m’éloigne de la vérité ou que je brûle si j’en suis prêt ou si j’ai raison.
- Tu veux que je te dise que tu brûles après ce qu’il s’est passé tout à l’heure ?
- C’est juste un jeu Monty.
- Pas envie de jouer.
- Tu as peur du noir ? Lâcha Jasper.
Je lui tournai le dos :
- Bonne nuit.
Comment avait-il découvert aussi vite ? Pourquoi cette proposition était la première ?
- Ah c’est vrai, tu m’as dit que tu n’avais peur de rien.
C’était il y avait très longtemps, et il s’en rappelait.
- Alors tu aimes l’ambiance que donne les bougies ?
- Jasper…
- C’est une sorte de religion, sinon ?
- Non.
- Tu ne dois pas dire non, mais froid. Tu veux te réchauffer ? Si c’est ça, tu peux aussi bien allumer un feu dans ta cheminée.
- J’aimerais dormir…
- Sinon c’est pour te tenir prêt si tu entends qu’on se fait attaquer ?
Je sentis l’impatience me gagner alors qu’il continuait ses propositions.
- Un rituel ?
- J’ai peur du noir, criai-je en me redressant soudainement. Votre majesté, ajoutai-je bêtement comme si ça allait lui faire oublier ce que je venais d’avouer.
- Oh d’accord, fit Jasper.
Puis il se mit à applaudir :
- J’avais raison dès le début ! Mon talent est grand.
Je roulai des yeux :
- Je peux dormir maintenant ?
- Pourquoi tu as peur du noir ?
- Je ne te répondrai pas, laisse-moi dormir.
- Si tu veux, tu peux me poser une question, en échange, proposa Jasper.
- Pourquoi es-tu si crétin ?
Jasper posa son menton sur mon épaule et poussa ma joue avec son doigt :
- Pourquoi es-t-u si méchant ?
Je le repoussai, il me tenait chaud.
- Parce que je veux dormir.
Jasper soupira :
- Tu veux dormir après ce qu’il s’est passé ?
- Oui. Pas toi ?
- J’ai peur de dormir et de me réveiller ensuite et que tu ne sois plus là. J’ai peur de ne pas être arrivé à temps. J’ai peur d’être en train de rêver ta présence. Toi tu as juste peur du noir et tu arrives à dormir quand même mais moi…
Mes bras se refermèrent sur Jasper. C’était la première fois que c’était moi qui amorçait le câlin mais mon corps avait bougé tout seul, je n’avais pas réfléchi.
- J’ai peur, murmurai-je. J’ai peur d’être enfermé dans le noir et qu’on ne me retrouve jamais, qu’on m’oublie, que tu m’oublies. Mais je peux dormir tant que tu es là.
Je devais être encore fragile, trop fragile, et les mots sortirent de ma bouche contre mon gré. Jasper posa ses mains sur mon dos.
- Je suis là, me promit-il.
Et lui qui me disait avoir peur de dormir, fut le premier à fermer les yeux et à s’assoupir, sur mon épaule, comme il le faisait souvent. Je perdis ma main dans ses cheveux décoiffés.
- Pourquoi es-tu si confiant, au point de t’endormir sur mon épaule, chuchotai-je, ne te doutes-tu pas que je vais te tuer ?
Je l’allongeai à côté de moi, remontant la couverture sur lui et repoussant les mèches qui lui tombaient sur le visage. Je me recouchai dans mon coin, me tournant vers lui, je me penchai pour souffler la bougie. Mais je ne me sentis pas mal, il était là tout proche, je l’entendais respirer. Je fermai les yeux, serrai dans ma main la peluche Jasper et le rejoignis dans le pays des songes.

Le lendemain, sans faire de bruit, je me levai pour rejoindre ma mère. Comme elle n’écoutait pas les domestiques, elle ne sut pas ce qu’il s’était passé la veille et je ne l’en informai pas. Comme je le faisais depuis que nous étions de retour au château, je passai mon temps à lui obéir et à l’écouter. Pour la rassurer je dis :
- Je pense que Jasper va bientôt faire de moi son héritier.
- Bien fils, dit-elle. Je suis fière de toi.
- Merci mère.
Les jours passèrent, ma mère mangeait avec moi et Jasper nous rejoignais pour les repas. Il me demanda de l’aider dans son travail et ma mère me fit signe de le faire. Sans doute parce que cela m’entraînait pour quand je lui aurais volé son statut de prince. C’était les seules fois où nous pouvions nous voir seuls, le reste du temps, ma mère insistait pour que je séjourne dans sa chambre en sa compagnie. Pour Jasper, c’était une façon de m’éloigner de Hannah. Comme elle voulait garder le contrôle sur moi, il essayait simplement de me faire revivre. Et cela fonctionnait. Les moments avec Jasper me donnaient l’impression de sortir de l’eau. Il séchait son travail et m’entraînait avec lui en cachette. Nous allions caresser les chevaux, nous occuper des fleurs, marcher sur la plage malgré le froid mordant, je l’entraînais à l’épée, nous allions discuter avec Bellamy ou Octavia.
- Je ferai ce qu’il y a à faire cet après-midi, ne t’inquiète pas, me disait-il.
Hannah ignorait tout ça et je ne lui en disais rien. De temps à autre, pour calmer son impatience je mentais :
- Jasper réfléchis encore mais il m’a promis de me donner une réponse bientôt, ne t’inquiète pas, tout sera vite finie.
Quand le roi revint, absent moins longtemps que d’habitude, Jasper, désirant me séparer à tous prix de Hannah, eut une idée en or qu’il soumit à son père et que Julian accepta avec grand plaisir. Nous allions rendre visite à des amis de la famille royale, le duc et la duchesse McIntyre, il était bon ton de graisser des pattes de temps en temps. Comme d’habitude Jasper rechignait à le faire, le roi était ravi de l’initiative de son fils.
Bien entendu je l’accompagnerais puisque j’étais son garde du corps.
Ma mère n’était pas ravie de me laisser partir seul avec lui, ses fils de marionnettistes ne pourraient pas m’atteindre à une si grande distance, alors pour s’assurer que tout se passerait comme dans son plan, elle me répéta les mêmes choses sans cesse. Ses paroles accompagnées de menaces à peine voilée :
- Ce serait tellement dommage que je doive à nouveau t’apprendre l’obéissance.
- Oui, mère.
- Tu feras donc ce que je dis.
- Oui, mère.
J’avais de plus en plus hâte de partir.
Hannah me garda près d’elle jusqu’aux dernières minutes du départ. Me faisant ses dernières recommandations. Tandis que Julian devait dire à son fils de passer du bon temps, ma mère me rappelait que je lui devais obéissance et que ma mission finale était de tuer Jasper.
Même si j’avais voulu l’oublier, je n’aurais pas pu.
Je fus soulagé quand notre fiacre démarra et m’éloigna de Hannah. Jasper me fit un clin d’œil :
- Enfin libre, s’amusa-t-il.
Je détournai les yeux.
- Je ne suis pas prisonnier, marmonnai-je.
- Qui a dit que je parlais de toi ? Me taquina le prince.
Je gardai le silence.
Le trajet passa rapidement, sans doute parce que Jasper avait toujours quelque chose à dire. Il y eut un moment où il me laissa seul pour aller s’asseoir avec le cocher et apprendre à conduire les chevaux, tout en discutant avec l’homme. Le prince ne changeait pas, il était proche des autres, comme s’il était une personne normale et ne faisait pas partie de la royauté de ce pays. Je profitai de son absence momentanée pour faire un peu de lecture et me reposer la tête. J’avais l’impression d’entendre ma mère derrière moi me souffler sa haine et ses recommandations, de sentir ses ongles s’enfoncer dans la chair de mes épaules, malgré mon livre, je la sentais toute proche. Son image se dissipa quand Jasper me rejoignit et me sourit, s’asseyant à côté de moi :
- Que lis-tu ?
Je lui montrai le livre et il me demanda si cela me dérangeait de lui faire la lecture à voix haute. Cela ne me dérangeais pas. Je le fis. Jasper m’écouta lire jusqu’à ce que sa tête dodeline, que ses paupières clignent et qu’il s’endorme, sa joue glissant sur mon épaule. Je fermai le livre avec un petit sourire et posai mon crâne contre le sien. Enfin libre, avait-il dit.
Enfin libre.

Le duc et la duchesse McIntyre étaient des gens assez strictes mais très accueillant. Blonds tous les deux, l’homme portait des longues rouflaquettes et une petite moustache. La femme avait des boucles anglaises et sa coiffure était si bien tenue que ses cheveux se déplaçaient à peine quand elle bougeait la tête. Elle portait une robe simple et cher, sans volant, mais avec des broderies. Il était vêtu d’un costume. Ils ne firent pas mille courbettes mais nous parlèrent avec un certain respect. Jasper se sentit plutôt à l’aise puisqu’il détestait les simagrées.
- Vous arrivez au bon moment, annonça la femme, notre fille arrive demain.
- Vous avez dû la rencontrer une fois, ajouta le duc, quand vous étiez très jeune. Depuis nous l’envoyons en pension et elle n’est guère présente à la maison.
- Nous la faisons revenir maintenant qu’elle vient d’avoir seize ans, continua la duchesse, et j’espère que vous saurez vous entendre avec elle.
Jasper hocha la tête :
- J’en suis sûr, dit-il, si elle est aussi accueillante et charmante que ses parents, nous deviendrons de très bons amis.
Le duc hocha la tête fièrement.
Afin que nous nous sentions biens, les McIntyre avait fait venir ce soir-là, une troupe de gens qui donnèrent un spectacle dans un de leurs salons. Jasper se montra très enthousiaste, il applaudit et rit. J’assistai à cela, perdu dans mes pensées, sans réagir du tout à ce qu’il se passait. Je m’inquiétais. Je pensais à ma mère et à ses recommandations, je les entendais encore tellement elle me les avait répétés. Profite de ce voyage pour convaincre Jasper. Si tu ne le convaincs pas, tu sais ce qu’il va se passer. Et comment arriverais-je à convaincre Jasper ? Que devrais-je lui dire ? Ton père a tué le mien mais promis, je ne te tuerai pas, au moins les premières minutes.
Je tournai mes yeux vers le prince quand il essaya d’attirer mon attention :
- Souris Monty, c’est super drôle ce qu’il se passe.
Je n’avais pas la tête à sourire devant les pitreries de ces bouffons.
Autre chose dérangeait mon esprit. Les chambres que l’on nous avait attitré au prince et à moi étaient fortement éloignées l’une de l’autre. Je n’étais pas rassuré en pensant que plus tard dans la nuit, je me retrouverais seul dans mes appartements.
Jasper tenta de me faire rire en me chatouillant inutilement, puisque je n’étais pas devenu chatouilleux au fur et à mesure des années. Refusant d’abandonner, il pinça mes joues et les étira pour me faire sourire. Ce fut un terrible échec car mes sourcils se froncèrent tellement, qu’il préféra me lâcher.
- Allez Monty, reste pas comme ça, on dirait qu’une pierre s’est assis à ta place. Tu ne trouves pas le spectacle amusant ?
- Non. Pas vraiment.
Jasper pointa du doigt un des personnages qui enchainaient les bouffonneries, et il éclata de rire.
- Même ça ?
- Non ce n’est pas drôle.
Je ne saisissais pas en quoi voir quelqu’un tomber, s’emmêler les pieds ou se faire frapper par un bâton, aurait dû me faire rire. J’avais plutôt de la peine pour lui, moi. Puis je n’avais pas la tête à ça. Le duc et la duchesse nous avaient laissé seuls, profiter de la soirée. La troupe ne s’en formalisait pas, puisqu’ils jouaient directement devant le prince d’Arkadia, qui prenait visiblement beaucoup de plaisir à leur spectacle.
Pour ma part, je n’étais pas un bon public, je commençais à m’ennuyer et mes pensées me rembrunissais de plus en plus. Jasper ne réussis pas à m’égayer au cours de la soirée et je fus soulagé quand les artistes en eurent fini. La troupe allait dormir ici pour la nuit et Jasper alla les remercier pour leur spectacle qu’il avait beaucoup aimé, et je vis les visages s’éclairer. Que le prince en personne vienne les féliciter devait être un véritable honneur pour ces gens. Je ne pus m’empêcher de penser que quand je serais prince à mon tour, je ne serais pas aussi familier. Je les aurais sans doute congédiés d’un geste de la main, bien avant la fin de ce spectacle et j’aurais lu dans leurs yeux de la déception, voire de la tristesse.
Mais ce prince-là, qui faisait sourire les autres et leur apportait une part de bonheur, j’allais le faire disparaître.

Quand nous nous retrouvâmes seuls, Jasper s’approcha de moi avec un petit sourire :
- Tu ne t’es pas du tout amusé, constata-t-il.
- Non.
- Alors il faut que je trouve le moyen de te faire sourire quand même.
- C’est bon Jasper. Allons-nous coucher.
Jasper hocha la tête et tandis que je suivais le couloir qui m’emmènerais vers ma chambre, il me suivit d’un bon pas :
- Ta chambre n’est pas par là.
- Je sais, dit-il.
- Et donc, pourquoi me suis-tu ?
- Je vais rester avec toi jusqu’à ce que tu dormes, annonça-t-il.
- J’ai l’air d’avoir cinq ans ?
- Non pas du tout. Tu ne veux pas que je vienne ?
À la réflexion, je préférais qu’il soit là.
- Fais comme tu veux.

Jasper sauta presque sur le lit et rampa jusque sous les couvertures. Je levai les yeux au ciel et prit place à côté de lui.
- C’est étrange de dormir ailleurs, tu ne trouves pas ?
- Non.
- Je trouve ça étrange. Je quitte rarement le château.
- Tu as connu d’autres lits, commentai-je.
Jasper me tira la langue :
- Pas pour y dormir.
Je m’allongeai et lui tournai le dos.
- Je ne veux pas savoir. Bonne nuit.
- Tu as lancé le sujet, alors peut-être que tu as envie de savoir ce que je faisais, mais que tu n’oses pas demander.
- Je ne veux pas savoir, répétai-je.
- D’accord, je n’en parle pas dans ce cas.
Et puis, je me doutais de ce qu’il faisait, cela me semblait plutôt évident sans qu’il ait besoin de me raconter ses exploits.
- Quand tu te seras endormis, me dit-il, je soufflerai ta bougie et rejoindrai ma chambre.
- Bien.
- Alors endors-toi vite.
- J’essaye mais tu ne te tais pas.
- Je me tais.
Il se tut, deux secondes.
- Ce serait plus facile si tu te tournais vers moi, je verrais quand tu t’endors.
J’obtempérai et me tournai. Mes yeux croisèrent les siens alors qu’il s’était mis sur le côté lui aussi. Ses cheveux retombaient en cascade sur son épaule, ses pupilles marrons étaient sombres dans la nuit éclairée que d’une bougie. L’or des coutures de sa chemise beige, ouverte sur son torse glabre, ressortait malgré l’obscurité. Il semblait être fait d’ombre et de lumière sous la lueur vacillante de la flamme. Je ne pus m’empêcher de le trouver beau.
Je me demandais à quoi je ressemblais à ses yeux.
Un type banal aux cheveux noirs et à la chemise fermée, sans doute.
Je préférai fermer les yeux avant de me perdre dans des pensés stupides et inutiles, qui ne mèneraient à rien car elles ne pourraient changer notre destin.
Quand je les rouvris, Jasper s’était endormi, la tête enfouis contre l’oreiller et la bouche entrouverte. Je roulai des yeux, agacé et appuyai un doigt sur sa joue, essayant de le réveiller.
- C’est moi qui devait m’endormir, pas toi.
Il ne réagit pas et je lui pinçai le nez pour le taquiner. Il se mit à respirer fort avec la bouche, sans pour autant ouvrir les yeux. À la fois irrité et amusé, je le relâchai et le laissai dormir. Je n’avais pas besoin de spectacle stupide pour me faire sourire. Jasper endormi y arrivait très bien.

Le lendemain, je réveillai Jasper à l’aube pour qu’il rejoigne sa chambre. Je ne désirais pas que les domestiques parlent de nous, et que nos hôtes découvrent que j’avais des difficultés à m’endormir seul. Plus tard dans la journée, nous fîmes enfin la connaissance de Harper McIntyre, la fille du duc et de la duchesse. Elle arriva dans un fiacre et se présenta devant nous dans une robe qui ressemblait à celle de sa mère. Blanche, composé de broderie. Ses cheveux blonds et lisses étaient relâchés et elle nous sourit en nous apercevant. Elle salua Jasper d’un signe de tête, mais se courba devant moi :
- Majesté, quel plaisir de vous rencontrer enfin. Vous êtes tel que je l’avais imaginé. Beau et gracieux.
Le prince éclata de rire tandis que j’écarquillais grand les yeux.

À suivre.
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