Fandom: The 100
Prompt: Et il se passe quoi après ? ; On a rendez vous avec une bagarre ; Je suis encore en vie ; Non mais c'est trop, là ; Encore une fois ; Il était vivant, puis il est mort ; Je prie pour qu'un jour tu vois ; Il y a un autre moyen ; Je l'aime à mourir.
Note: ....
En vie
La main levée devant les yeux pour cacher le soleil, les yeux qui brûlent, pas vraiment à cause de ses rayons. Tu crois que si je fixe assez fort mes doigts, ils vont se désintégrer ?
Des fois, je me regarde et je m'étonne de trouver tous mes membres encore présents, bien attachés les uns aux autres, les pieds en un seul morceau, tout comme le haut du corps, même si parfois les bras m'en tombent.
On ne me voit pas de la route, le champs me cache, les mauvaises herbes sont trop hautes, un ortie me pique le mollet, je lui donne un coup de pied rageur et après ça, plus rien.
Il va se passer quoi après ? Après aujourd'hui ? Hein ?
Est-ce qu'on a rendez-vous avec une bagarre ? Est-ce que je dois déménager en Alaska ? Est-ce que je dois me fixer le plus fort possible jusqu'à ce que les cellules de mon corps disparaissent une à une ?
Ça ne sert à rien, ça ne marche pas.
Je ne peux pas te dire désolé, on ne peut pas s'excuser quand on ne le pense pas sincèrement. Les mots creux m'écorchent la bouche, si je les prononce, c'est mes tripes qui vont sortir d'entre mes lèvres, pas des excuses. Alors tu vois, je ne vais pas le faire.
Une inspiration, et je m'étonne d'être encore en vie.
C'est vrai, comment on peut être sûr d'exister ? Ça t'arrive de te demander si tout ce qui t'entoure est réel ? Si tu es
toi ? Des fois je m'arrête et je me demande pourquoi j'ai fait telle ou telle chose, ce qui m'a poussé à faire ça, à dire ça. Qu'est-ce qui fait que je suis ce que je suis ? Que tu es ce que tu es ? C'est le genre de questionnement qui paralyse, qui empêche de respirer, qui donne des insomnies, des frissons dans le dos.
Mais il y a pire. Bien pire que de ne pas savoir si on est ce qu'on est, ce qui nous a poussé à faire telle ou telle chose. Ce qu'il y a de pire, c'est de savoir
exactement pourquoi on a agi comme on a agi.
Et aujourd'hui, je sais pourquoi j'ai fait ce que j'ai fait, je sais ce qui m'y a poussé, j'étais
moi, bien présent, bien planté dans mes deux godasses.
C'était trop. Sur le coup, t'étais là, j'étais là, et non, vraiment, c'était
trop, là.
Je me suis senti bouger, j'étais pas possédé, c'était moi, mon corps, ma tête, moi.
Encore une fois, je me fixe mais tout est bien là, pas d'arrêt cardiaque en vue, pas de tracteur ou de faucheuse agricole dans les parages. Pas de "Il était vivant, puis il est mort", apparemment je n'y aurais pas le droit.
Combien coûte un billet d'avion pour l'Alaska ?
Et elle était là, dans un coin, elle a tout vu, tu sais ? Mais je m'en fichais parce que pendant une seconde, j'étais là, t'étais là, et même si je savais que c'était mal, que je ne devais pas, je l'ai fait quand même. Pour avoir l'illusion de t'appartenir pour cette unique seconde. Dans cette fraction de temps volée, tu étais à moi, je t'avais là, dans le creux des bras, une main sur ta nuque, mes lèvres chuchotant aux tiennes tout ce que je m'interdis de prononcer à voix haute à ton oreille, un "je prie pour qu'un jour tu vois" malheureux, un "il y a un autre moyen si tu te laisses convaincre" plein d'espoir, un "ouvre les yeux, tu ne vois pas que je t'aime à en crever ?" désespéré.
Et je suis encore en vie. Et il se passe quoi après, hein ?
On a rendez-vous avec une bagarre ? L'Alaska ?
Le téléphone qui sonne, ton prénom sur l'écran. Mes doigts hésitent sur les touches, la sonnerie se termine. Cinq appels en absence.
Je fixe les lettres de ton prénom formés en pixels, ils ne se désintègrent pas non plus. Dans la boite de réception SMS, treize messages en attente.
T où ? - 15:16
Monty ? - 15:20
Monty !! - 15:23
Srx Monty ? -15:26
Hey ! - 15:31
C pas cool... - 15:34
J'te cherche ! - 15:37
Monty... - 15:45
T où - 15:51
Srx... - 15:59
Répon !!!! - 16:10
Ok. ta gagné, jabandone - 16:18
Monty putain - 16:25
Ouais. Putain.
C'est vraiment arrivé alors ?
Putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain....
Vibreur, nouveau SMS.
Tu va l'regreté... - 16:35
C'est ça le problème, Jasp'. C'est que je vais rien regretter du tout, que je vais pas m'excuser, que c'était à la fois tout ce que j'avais jamais osé espéré, trop et putain, pas assez, même pas proche du mot "assez".
- Monty !
Merde. Oh putain, merde, merde, merde et re-merde.
Mon dos se colle à l'herbe un peu plus fort. Peut-être bien que la terre va m'aspirer ? Tu ne peux pas me voir, les herbes sont trop hautes, si je bouge pas, tu ne vas pas me voir, impossible que tu me vois, je porte du vert aujourd'hui en plus, c'était le premier t-shirt dispo dans la pile de linge ce matin, peut-être que dieu existe, que quelqu'un sur cette foutue planète en a quelque chose à foutre de la catastrophe que j'ai provoqué.
- M... Monty ?
Ta voix est inquiète cette fois. Je me mords les lèvres pour ne pas répondre, je ferme les yeux. Je n'existe pas, je pourrais tout aussi bien faire parti des autres herbes dans le champ, ballotté au gré du vent, loin de tout...
Portable qui sonne.
Non, non, non... la ferme ! Trop tard.
Ton visage apparaît à l'envers au dessus de moi, lèvres plissées en une ligne fine. En colère, sourcils froncés. Même à l'envers, j'arrive à le voir, que tu es fâché. Je suis pas désolé, je suis pas désolé, je suis pas désolé...
- Monty, tiens, tiens, quelle coïncidence...
Bruit de déglutition, bouche sèche... Je suis pas désolé, je suis pas désolé, pas désolé... Même pas désolé de pas être désolé, je suis désolé.
- Je t'avais dit que tu le regretterais, t'étais prévenu.
- Jasp...
Tu me laisses pas le temps de continuer, tu me prends par les pans de ma veste couleur camouflage et tu me mets sur mes pieds avec une force qui m'échappe, forcément décuplée par la rage. Et là, tu me secoues comme un prunier, la bouche pincée, les yeux noirs. J'ai l'impression d'être un robot, je ressens rien, tu me bouscules et je perds des pièces, un boulon par ci, une vis par là, puis la carte graphique, le disque dur, tout.
- Une heure ! Une heure, Monty !
Un sanglot reste coincé dans ma gorge.
- Je suis désolé.
Je suis désolé de pas être désolé de pas être désolé.
- J'ai tourné en rond pendant une heure, je t'ai cherché partout ! Tu m'avais jamais fait ce coup là, t'es un putain d'abruti ! J'ai du demander à Raven de te trouver en croisant les doigts pour que t'aies pas désactivé ta localisation GPS !
Putain de GPS. Putain de Raven. Une nouvelle secousse, ta mâchoire se serre à mon silence buté, tes articulations blanches autour du tissus de ma veste.
- Une heure ! Tu gueules, pour me faire réagir.
Mais je réagis pas. Tu m'as cassé. Tu serres encore les dents, soupires avec exaspération.
- Putain, t'es trop con ! Tu souffles, en crachant le "c" du con.
Tu secoues la tête, ta main glisse derrière ma nuque et tire...
Non...
Non ? Si ?
Non. Je peux pas croire..
Et pourtant, ta bouche sur la mienne, tes doigts crispés dans mes cheveux, tes lèvres qui répondent aux miennes, un "j'ai vu aujourd'hui, abruti" frustré, un "je suis convaincu" plein d'espoir, un "tu ne vois pas que je t'aime à en crever ?" désespéré.
Les bras pourraient m'en tomber mais ils préfèrent s'enrouler autour de toi, parce que c'est pas dit que ce soit réel, parce que c'est encore "trop" et pas assez, même pas proche du "assez", que je manque de souffle et que ta colère s'évapore, qu'une heure, une heure...
Une inspiration, ton sourire et je m'étonne d'être encore en vie.
Fin