[Les 100 - UA] Spleen (chapitre 9)

Note : chapitre un peu trash, pas relu.

***

9. Défaite.

Je suis content que ce soit le week-end. Je ne suis pas obligé de sortir de chez moi et d’affronter Monty au lycée. Je ne saurais pas quoi lui dire. « Désolé j’ai pété les plombs » ? « Désolé j’avais fumé une substance illicite » ?
Je n’étais pas désolé d’avoir dit la vérité à propos de mes sentiments, j’aurais juste voulu que ça se passe d’une autre façon. J’aurais voulu être plus clair, j’aurais voulu lui laisser le temps de me dire « moi aussi ». Dans ma déclaration d’amour idéal, nous finissions par nous embrasser longtemps, longtemps, si longtemps que le monde avait le temps d’exploser.
Je suis en train de me prendre la tête à propos de tout ça quand j’entends un bruit caractéristique de cailloux sur ma vitre. Je me penche pour regarder à l’extérieur et apercevoir Monty qui me fait signe. Je voudrais me cacher sous la couette, faire semblant de ne pas l’avoir vu, mais il insiste tant que je finis par sortir de la maison pour le rejoindre. On s’assoit sur la vieille balançoire du jardin. Il n’a pas l’air de me détester, ni de me trouver bizarre. Il est juste Monty.
- Tu sais j’ai pas tout compris de ce que tu m’as dis la dernière fois, j’ai seulement retenu que tu étais amoureux de moi et que tu venais du futur.
- Ouais…
- Tu peux me le prouver ?
- Tu veux que je t’embrasse ?
- Je parlais du fait que tu venais du futur.
- Ah. Ça.
Je ne sais pas trop comment lui prouver, alors je lui parle du futur, de nos consoles, de nos films, de nos smartphones et nos ordis tactiles, de la réalité virtuelle.
- Tu te fous de ma gueule, dix films Star Wars ? Je ne te crois pas. Donne-moi les bons numéros du loto si tu viens vraiment du futur.
- Comme si je me souvenais des numéros de 2002.
- On peut vraiment jouer comme si on était dans le jeu ? Comme dans les films ?
- Oui.
- Et les voitures se garent toutes seules ?
- Totalement.
- Tu inventes, n’est-ce pas ?
- Non.
- Et pourquoi tu viens du futur ?
- Aucune idée, dis-je. C’est tout ce qui t’intéresse ? Que je viens du futur ?
Qu’est-ce qu’il faisait pour ma déclaration hein ?
Il se tait, il a l’air gêné soudain.
- C’était vrai ce que tu disais, sur Harper et moi ?
- Oui.
- Alors ça marchait bien entre nous ?
- Plutôt bien oui.
- Et nos deux enfants ils étaient comment ?
- Cool et intelligent, comme toi. Evan était tout blond et Lucie te ressemblait plus. Ils m’appelaient tonton Jasper et se demandaient ce qui débloquait chez moi.
Monty se balance doucement et murmure :
- Alors tout se passait bien ?
- Pour toi oui, très bien. C’est moi qui gâchais tout.
- Jasper… Si Harper et moi on est fait pour être ensemble, je… Je vais continuer à sortir avec elle. Je suis désolé.
Je perds mon souffle.
- Je comprends ce que tu as cherché à faire maintenant, tu voulais me séduire. Et tu sais, je te préfère au naturel, c’est comme ça que je t’aime Jasper, quand tu es juste toi-même. Mais c’est avec Harper que je dois être.
- Si je ne t’avais pas parlé du futur, tu aurais fait quoi ?
- J’aurais choisi Harper quand même, assure-t-il. Je suis désolé, mais tu vas trouver quelqu’un d’autre et tu seras toujours mon meilleur ami.
Je ne peux rien répondre.
Je reste assis sur la balançoire longtemps après que Monty soit parti. Il se met à pleuvoir mais je ne le sens pas. À un moment ma mère me dit de rentrer et je viens la prendre dans mes bras. Elle bougonne :
- T’es tout mouillé ! Va te sécher !
Mais je la garde contre moi. Ma maman. Je sens les larmes me monter aux yeux, comme un trop pleins qui chercherait à sortir. Un trop pleins de tout. Je veux retourner dans le futur maintenant, je veux que ça s’arrête, mais je veux pas lâcher ma mère qui ne comprends pas pourquoi je pleure.
- Je me suis fais largué, dis-je.
- Oh mon chéri, t’inquiète pas, tu trouveras l’amour à nouveau.
Mais je sais que c’est faux, et je ne veux pas revivre ça. Pas encore. Pas pendant plus de vingt ans.

Le lendemain je suis toujours dans le passé.
Le surlendemain aussi.
Une semaine passe.
Deux semaines.
Un mois.
Je suis coincé ici. Je suis coincé.

Ce n’était pas une chance, c’était une malédiction.

Monty et moi on se parle comme si de rien était, comme si rien n’avait changé, comme si je n’avais rien dit. J’ai simulé pendant vingt ans, je fais ça très bien. Monty est le pro aussi, pour faire comme si de rien. « On oublie, on efface, il ne s’est rien passé », comme le jour de nos mariages. Comme notre baiser. Il n’a jamais existé. Pour lui. Au début je le sens hésitant avec Harper, quand je suis là, il a quand même un cœur, il ne veut pas me blesser. Je lui assure que tout va bien, je lui promets que je le supporte. Il me croit, cet idiot.
Je supporte plus rien, je suis à fleur de peau.
Je veux mourir.
Je veux mourir.
Je veux mourir.

Je ne sais pas ce qui me prends. Je suis avec Lexa et Clarke et la brune joue avec un opinel. Elle n’a pas le droit d’en emmener à l’école mais ça lui est bien égal. D’un coup je lui prends des mains et sans réfléchir je me coupe les veines du bras, fort. Je serre les dents à cause de la douleur mais ça m’est tellement égal que pour être sûr que ça marche, je taille l’autre bras. Lexa et Clarke ne hurlent même pas, elles restent scotchées par la surprise et par la peur. La blonde finit par s’approcher de moi pour tenter de m’aider, tandis que la brune appelle les secours avec son vieux portable à clapet.
- Je veux mourir, dis-je, ne me sauvez pas, je vous en prie, ne me sauvez pas.

À suivre.