Une fois dans la librairie, j’avais fini par lui lâcher la grappe, préférant prendre mes aises. Je savais pas vraiment quel genre de cadeau y voulait me faire, en venant ici en plus. Est-ce que j’avais une tête à lire des bouquins ?
C’est ce que je lui fis, quand nous terminâmes notre petite mascarade :
- Tu trouves que j’ai une tête à lire des livres pour vouloir m’en offrir un ?
- Pourquoi pas ? Mais je suis venu là pour un certain type de livre.
Me faisant signe de le suivre, je restais intrigué et avançais dans les rayons avec Bélial. Celui-ci fini par s’arrêter devant le rayon art.
Je frémis. Et merde, il voulait continuer de me prouver que j’aimais ça. Et moi, je ne voulais pas. Je ne voulais pas pour une tonne de raisons, à commencer par le fait que je n’aimais juste pas que les gens me sachent sensible à l’art.
Je sais pas pourquoi mais j’avais l’impression que c’était important pour ma fierté.
Sauf qu’il s’arrêta vraiment, prit un livre, concernant un artiste que je connaissais, et me le tendis :
- Tiens. Prends ça.
Un bouquin sur Ingres. Enorme, avec sûrement des photographies de ses tableaux de très bonne qualité dedans.
Je relevais les yeux vers lui, après avoir maté ce qu’il m’avait donné :
- J’en veux pas.
- Très bien, alors quel artiste te plairait plus ?
- Qu’est ce qui te dit que je veux un livre sur l’art ? éludais-je avec mordant
- Si tu n’en veux pas, on peut partir.
- J’aime bien Klimt, avouais-je alors
Bélial souriait. Peut-être parce qu’il avait gagné, peut-être parce que ouais, un livre sur l’art m’intéresserait plus qu’un roman ou qu’autre chose.
Il me repris le mastodonte des mains, le rangea dans le rayon. Après ça, il en prit un autre. Un où le nom de l’artiste que je lui avais cité était bien marqué en gros.
- Et celui là, du coup, il t’intéresserait plus ? Sauf si tu préfère connaitre la vie des artistes…
- Nan, ça m’intéresse….Mais pas en bouquin, pas comme ça. C’est chiant à lire.
Je regardais celui qu’il m’avait mis dans les mains. Ce n’était pas la copie conforme de celui sur Ingres, plus petit format, pages semblant moins propres mais toujours aussi lisses, mais c’était le même genre. Un bouquin avec des infos et les tableaux de Klimt.
Je finis par lui tendre à nouveau. J’avais même pas regardé le prix :
- Ok, on prend celui-là.
Plusieurs minutes plus tard, on était rentré. J’avais le gros bouquin dans mes mains, Bélial en avait plusieurs autres. Il m’avait avoué, dans la voiture, qu’il aimait bien lire. En vrai, je m’en doutais déjà. Après tout, parmi les pièces que j’avais visité, y avait pas mal de bibliothèques.
Moi, la lecture, je savais pas trop. L’art plus, la lecture…Disons que j’aimais bien.
Bélial était satisfait de lui, et il semblait sourire comme jamais. Enfin je savais pas trop si on pouvait dire ça de ses sourires, parce qu’il souriait tellement que… Ouais, on pouvait limite faire des listes de ses sourires.
Mais là, ses yeux gris étaient lumineux.
J’avais envie de l’embrasser. Parce que c’était mieux que le regard pervers de mes anciens clients. Et pis merde, il était tellement sexy que pute ou pas, je voulais me le taper.
A force de me faire des gens au moins une fois par jour, ma libido était déjà en manque.
Seulement, hier il avait déjà refusé de coucher, alors aujourd’hui j’en savais rien. De toute évidence, je n’eus pas vraiment le temps de lui demander.
En fait, Edriss arrêta la voiture pile devant la porte de sa grande maison, et Bélial ne sortit même pas. Un domestique, un qui n’était peut-être pas par intérim l’attendait déjà.
- J’ai reçu une urgence, en chemin, je dois te laisser jusqu’à ce soir, Lucifer.
L’après-midi était bien entamé, enfin, j’en avais l’impression, alors ça me dérangeait pas.
- Ok, je vais aller tester toutes les portes. Ou les matelas.
J’avais compris le message, il fallait que je descende de la voiture et que je m’en aille dans la maison. Ou que j’aille ou je veux. Le brun n’avait-il pas dit que j’étais libre ?
Je descendis du véhicule, mon sac dans la main. Je n’avais que le livre d’art, vu qu’apparemment tout le reste nous arriverait ici.
Je fis un sourire à Bélial avant de refermer la portière. Avouons-le : j’étais plutôt content de cet après-midi pour l’instant.
La voiture mis quelques instants à partir, et une fois cela fait, je suivis le domestique dans la maison. Sauf que quand lui alla certainement ranger les bouquins du maître de ses lieux dans une bibliothèque, moi je me suis dirigé vers ma chambre.
Fallait bien que je consulte un peu ce que j’avais obtenu.
* * *
Avouons-le.
Un livre d’images avec juste des illustrations, des tableaux, des peintures, ça se consultait vite. Surtout quand on n’avait pas de patience comme moi. Alors certes, je me rinçais l’œil comme un pervers le ferait avec un livre de cul, mais j’eus vite fini mon observation.
Et ce, même en restant cinq bonnes minutes à caresser une page juste parce qu’elle contenait un de mes tableaux préférés de Klimt.
Je levais finalement la tête du bouquin, observant les murs de ma chambre.
Est-ce que je pouvais demander à obtenir l’arbre de vie, là, sur l’espace vide, au-dessus du meuble qui faisait face à mon lit ?
L’idée s’incrusta dans mon esprit, et décida de ne plus repartir jusqu’à ce qu’elle puisse être exprimée.
N’empêche que quand je consultais l’heure, je compris que nous étions toujours l’après-midi. Je n’avais aucune idée de si les heures de repas changeaient en fonction du travail que pouvait avoir Bélial.
Soupirant, je décidais que s’il était dix-sept heures, j’avais au moins une heure ou deux pour trouver la réponse à cette question.
Il ne me restait plus qu’à questionner la maisonnée.
Maisonnée qui était silencieuse, et ce, malgré la quantité éventuelle de domestiques vaguant çà et là. Fallait dire que vu la taille de la maison, la qualité des murs devait être excellente, et même si quelqu’un passait l’aspirateur au rez de chaussée, je n’étais même pas sûr de l’entendre en étant au second étage.
Mais ce silence était un brin morne.
Alors que je cherchais quelqu’un pour me renseigner, je tombai sur « l’homme de ménage par interim »
- Eh, toi, lui fis-je en me rapprochant.
Je le vis qui se retourna. Au vu de sa tête, il avait l’air totalement ravi de me voir. Bien sûr, je faisais du sarcasme en disant cela.
Le blond attrapa fermement son balai et paru vouloir s’éloigner. Mais moi, je m’approchais encore, un sourire mauvais sur les lèvres :
- Eh ben, tu me fuis ?
- Oui. J’ai autre chose à faire que de me concentrer sur toi, répliqua-t-il
Je ne pu m’empêcher d’éclater de rire, et de tapoter son épaule, comme si on était potes bien qu’on ne l’était pas :
- Tu as peur de moi ?
Théophile sembla se crisper, ce qui sut me plaire. Il avait peur de moi vraiment. Ou alors un petit peu mais suffisamment pour se dérober de mon geste, se sentir mal – vu sa tronche – et essayer de s’enfuir à nouveau.
- Tu as bien peur de moi. C’est mignon… Pourtant tu sais… commençais-je en m’approchant de lui, passant mon bras autour de son épaule, comme si nous étions vraiment amis, approchant mon visage également, frôlant ses lèvres : on pourrait s’entendre….
- Peux-tu te pousser ? rétorqua-t-il en essayant de se défaire de mon contact : je n’ai pas de temps à perdre.
En vrai, je voulais juste demander quand est ce que Bélial rentrerait, mais à présent, je m’amusais trop pour ne pas continuer.
- Tu trouves que je suis du temps à perdre ?
- Oui. J’ai du ménage à faire, et tu m’empêches de bouger, grommela-t-il me laissant à sourire toujours plus
- Soit, je pourrais te laisser tranquille, mais j’avais une question
Au vu de son regard, il avait suspicieux. Je me marrais toujours, éclatant d’un léger rire, et lâcha :
- Quoi, tu crois que je vais te demander de coucher avec moi ?
- Non. Pourquoi c’est ce que tu veux ?
- Tu as envie ? lui répondis-je, les yeux brillants de malice
- T’es pas mon style. Trop chiant.
Je levais un sourcil, amusé. Je me demandais si je n’était pas son style parce que ce blond préférait les filles, ou si je n’étais vraiment pas son style parce que je l’emmerdais.
- Ah oui…Donc si je l’étais moins, tu dirais oui ?
- C’était vraiment ça que tu voulais me demander ? éluda-t-il cette fois
Je compris que je n’aurais pas de réponse à ce sujet pour cette fois-ci. Je décidais finalement de lui lâcher la grappe, bien que je le tenais toujours, gardant mon visage si proche du sien :
- Très bien. Le repas, il change selon si Bélial est là ou pas ?
- C’est-à-dire ?
- Bah, s’il est pas là, on mange pas ?
- Si.
Il parut m’observer, et eut à son tour un sourire, se dégageant enfin de moi. Je n’avais même pas pris le temps de retirer mon bras, à vrai dire. J’avais bien aimé garder ce contact, j’aimais bien emmerder les gens, maintenant que je pouvais, sans conséquence.
- T’as peur de crever de faim ? me fit-il, l’air si fier de lui de pouvoir me faire chier à son tour
- Nan, je m’emmerde juste. Tu saurais pas quand il rentre ? avouais-je finalement, croisant les bras
- Non, mais je sais qui pourrais savoir
S’éloignant de moi, balai toujours en main, il parut réfléchir avant de me dire :
- Si je te le dis, tu me fous la paix ?
- Vu que tu seras inutile, sûrement ouais, répliquais-je sans me laisser démonter
Lui, ça sembla l’agacer que je sache répliquer si facilement. J’avais presque envie de lui expliquer contre qui il discutait.
Mais j’imaginais qu’il commençait à comprendre.
- Son assistant. Avec un peu de chance, il est dans son bureau. Parfois, il ne l’accompagne pas à son boulot.
- Très bien. Et sinon, dernière question, en vrai, tu es hétéro ?
Fronçant les sourcils, il paru trouver ma question déplacée, mais se mit à soupirer, avant de hausser les épaules :
- Non je ne le suis pas. C’est juste que ton charme est naze et que je veux pas de toi. Et j’ai déjà une copine.
- Comme c’est mignon, lâchais-je juste pour le faire chier, avant de me barrer rapidement.
J’avais plus vraiment de temps à perdre avec lui.
* * *
Je terminais rapidement devant la porte du bureau de Bélial. A force, je supposais que je connaîtrais tous les chemins pour y aller.
Je frappais, même si je savais pas si ça servirait à grand-chose sinon à ouvrir la porte.
Celle-ci s’ouvrit lentement, et, assis à la place normalement de Bélial, se tenait Alec.
Il était devant son ordinateur, l’air concentré. Bien que je le vis tourner son regard vers moi, me faisant sourire doucement :
- Hey ! Hm, tu saurais quand rentres Bélial ? Paraît que tu pourrais être utile pour avoir ce genre d’info
- Il rentre bientôt, me sortit-il, l’air hyper neutre, sérieux
- Ok…. C’est cool ! lui répondis-je
A le voir comme ça, toujours si sérieux, j’avais envie de le décoincer un peu.
Je m’ennuyais, j’avais pas envie de retourner dans mon lit maintenant que j’avais eu la réponse que je voulais. Ma main droite pourrait me servir de compagnie mais bof. Donc quitte à faire…
Je m’approchais du bureau, et je vis quelque chose qui m’interpella. Juste à côté de l’ordinateur, y avait une carte de crédit. Un peu le même genre que celle que j’avais vu dans la main de Bélial, mais qui ne pouvait pas être la sienne, à moins d’une copie.
Je me disais qu’un gamin travaillant pour un type pareil devait avoir du fric.
J’eus un sourire, et eut envie de lui piquer. Mais pas maintenant. Pas tout de suite. D’abord, je voulais m’amuser un peu.
- Et sinon, tu es hétéro ? lâchais-je juste pour voir si ça allait le désemparer ou pas.
Il ne sourcilla pas. Alec n’eut pas un pet de réaction.
A la place, il m’observa simplement, et me répondis, le plus sérieusement du monde :
- Je ne comprends pas ta question. Je suis moi-même, je ne suis pas divisé, donc je suis plus homo que hétéro.
Pendant un instant, j’eus un arrêt.
J’explosais de rire, et au vu de la tête de ce garçon, il ne comprenait pas du tout pour quelle raison je venais d’avoir un fou rire :
- …T’es homosexuel, alors ? Répliquais-je, encore riant
- Non, je ne pense pas l’être, me répondit-il avec encore beaucoup de sérieux dans son attitude. Pourtant, il parut avoir une pause à son tour, comme un temps de réflexion, avant de faire : Oh, tu me demandais si j’étais hétérosexuel ? Je ne sais pas.
- Comment ça, tu ne sais pas ? L’interrogeais-je, déconcerté à mon tour, m’arrêtant de rire
- Je n’ai jamais essayé avec personne.
Une lueur de malice brilla dans mes yeux, avec ce qu’il venait de dire. Je me penchais vers lui, et posais ma main sur sa carte de crédit, histoire de pouvoir lui prendre en même temps.
Mais même en rapprochant mon visage très près du sien, Alec ne semblait pas réagir plus que ça.
- Et avec moi ça te dirait ?
- Pourquoi tu voudrais faire l’acte sexuel avec moi ? me demanda-t-il, comme une réelle question qu’il se posait, comme quelqu’un qui ne comprend pas.
- Je ne sais pas, t’es mignon… Tu ne veux pas ? Essayer…
- Je pourrais oui, sembla-t-il me sortir, comme si c’était tout à fait normal de répondre ça, avec beaucoup de détachement.
Je me reculais. J’avais sa carte dans ma main que j’avais refermée. Je la mise dans mon dos, dans le doute, glissant la carte dans ma poche de pantalon.
En vrai, je ne m’attendais pas à ce qu’Alec réponde sérieusement, mais quitte à faire, j’avais tellement l’habitude… Pis j’avais rien contre les vierges.
Au contraire, ils étaient les plus marrants avec qui baiser.
- T’es libre quand ? lui demandais-je ainsi
- Je n’ai pas envie de faire l’acte sexuel pour le moment. Je n’en vois pas l’intérêt.
Je venais de me prendre un énième rateau dans cette maison.
Bien. Je ne savais pas qui s’occuperait de mon cul ou de quel cul je m’occuperais mais pour le moment, tous ceux que je croisais étaient barbants à ce niveau là
Je décidais de quitter le bureau, mais quand je me retournais, il y avait Bélial. Il se tenait dans l’entrée de la porte, et me souriait.
Toujours ce sourire :
- Et toi, ça te dit vraiment pas qu’on couche ? finis-je par lui répliquer, sachant très bien ce qu’il risquait de penser.