[Les 100 - spoil s4] Bonne nuit

24. Bonne nuit
Plus vite que le vent.

***

Il faisait nuit. C’était bien. Tout allait prendre fin à la fin du jour. Jasper n’avait pas peur, Monty avait arrêté d’avoir peur. Sans qu’il ne sache quand, ni comment, les doigts de leurs mains s’étaient emmêlés et Jasper avait sa joue sur l’épaule de Monty. Ils n’étaient même pas à Arkadia, ça faisait longtemps qu’ils en étaient partis. Pas si longtemps, longtemps quand même.
Clarke avait annoncé la nouvelle. Ce qu’A.L.I.E lui avait appris. Bizarrement personne n’avait eu peur au début, tout le monde avait été motivé pour faire quelque chose. Les idées ne manquaient pas. Un nouveau vaisseau, un nouveau Mont Weather, des tas de bunker. On avait même songé à réparer les centrales.
On avait creusé, fabriqué, on s’était soutenu, on avait oublié la guerre. Pendant six mois on avait essayé de sauver ce qu’il restait de l’humanité. Il y avait eu des rires, des câlins, beaucoup d’amitié, et d’entraides. On avait essayé et puis on avait échoué.
Les gens avaient commencé à mourir. « Commencé » était-ce vraiment le mot ? Ça avait été si rapide, plus vite que le vent ou presque. En deux jours la moitié de la population avait succombé, ceux qui restaient étaient les plus forts. Ceux qui restaient commencèrent à avoir peur. Une trouille phénoménale qui prit vie au creux de leur ventre, jusqu’à leur tête et qui commença à en rendre fou certains.
Clarke commandait, Clarke savait quoi faire, tant que Clarke tenait debout, tout tenait à peu près debout. On s’attendait à ce que Clarke règle tout et pourtant on la retrouva morte un matin. Ça semblait impossible, parce que c’était Clarke, elle était forte, elle était increvable. Bordel, elle était Wahneda et maintenant elle était un simple cadavre, laissant les survivants se démerder.
Ce ne fut pas Bellamy qui prit le relais, Bellamy fut tellement dévasté qu’il resta incapable de faire quoi que ce soit. Ceux qui n’étaient pas trop tristes se battirent pour la place de chef, ceux qui ne voulaient pas de la place eurent des réactions différentes. Il y eut des suicides. Il y eut des meurtres, comme si tuer pouvait arranger le problème. La folie grandit, certains perdirent pieds, se réfugièrent dans ce qui restait de drogue et d’alcool. D’autres cherchèrent en vain à s’en sortir, et ils moururent quand même.
Il ne resta presque plus personne. Bellamy accepta la présence de Murphy, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire, parce que Murphy tenait bon comme les mauvaises herbes, parce que Bellamy ne tenait plus. Monty dit à Jasper qu’il avait vu Murphy pleurer quand Emori est morte, Jasper dit à Monty qu’il avait vu Murphy abandonner quand Bellamy mourut.
Curieusement Jasper tenait bon, alors que lui, ça faisait longtemps qu’il appelait la mort à bras ouvert. Et chaque jour il voyait ses potes crever, et chaque jour, lui, restait debout. Quand Murphy fut emporté, ça faisait longtemps qu’il n’y avait plus ni Raven, ni Bryan, ni Miller, ni Harper. On ne savait pas pour Octavia, ça faisait longtemps qu’elle était partie ailleurs.
Et il restait Jasper et Monty.
Le peu d’humains qui restaient commencèrent à se demander si certains d’entre eux n’étaient pas le remède, peut-être que s’ils buvaient le sang de leurs congénères, ils vivraient, ils survivraient. Se transformant en vampire, en monstre. Moins qu’humain, ils étaient déjà morts et Jasper et Monty quittèrent Arkadia. Ne voulant ni être chassé, ni chasseur.
Ils vécurent comme ils le purent, tombèrent sur des villages entier de cadavres, se firent attaquer par des survivants qui étaient pire que des zombies, s’enfoncèrent un peu plus dans la forêt, au milieu de nulle part.
Ils perdirent le compte des jours, des nuits, ils perdirent le compte et Monty perdit la vue. Jasper le porta, Jasper le guida. Puis il sentit que c’était la fin. La fin pour Monty, et Jasper savait qu’il n’avait pas envie de continuer sans Monty, qu’il ne continuerait pas sans Monty. Pour aller où ? Pour faire quoi ? Pour survire à qui, à quoi ?
Monty était sa maison, son chez lui, plus que l’Arche, plus que la Terre, plus que la vie elle-même. Si Monty s’éteignait, alors le jour ne succéderait plus à la nuit. Jasper vivait déjà dans l’ombre, et ne se sentait pas le courage de vivre dans les ténèbres.
Alors il avait assis son meilleur ami contre l’arbre et s’était assis à côté de lui.

La nuit était tombée, et Jasper tenait la main de Monty, et avait sa joue sur son épaule.
- Je fais des progrès, dit Monty. J’arriverai bientôt à marcher sans ton aide.
- Oui.
- Je suis sûr que demain on va réussir à trouver à manger, il y a encore des animaux.
- J’en suis sûr.
- Et dans quelques semaines, on se rendra compte que le pire est passé.
- Tu voudras qu’on s’installe quelque part ? Demanda Jasper.
- Oui, dans un endroit tranquille, peut-être au bord de l’océan, ou dans cette forêt, pourquoi pas ?
- On vivrait comme des ermites, s’amusa Jasper.
- Ça ne me dérangerait pas, souffla Monty.
Ils faisaient semblant, ils jouaient à ce jeu « devine ce qu’on va faire demain, après demain, plus tard » alors qu’ils savaient tous les deux qu’aujourd’hui serait le dernier aujourd’hui de leur monde.
Monty toussa. Il avait de plus en plus de mal à respirer. Jasper le trouva brûlant quand il lui donna du souffle en embrassant sa bouche. Brûlant, ou glacé. Monty s’accrocha à lui, murmura quelque chose à son oreille, et Jasper sourit, rougit en même temps. Et dans le temps qu’ils leur restaient, alors que tout devenait difficile pour Monty, ils firent l’amour, allongé sur l’herbe, sans se préoccuper de l’endroit, et du fait que ça salisse et pique. Jasper voulait prendre la maladie de Monty, l’attraper, en mourir avec lui, mais ce n’était pas aussi simple. Ils firent l’amour et restèrent collés l’un contre l’autre, Monty dans les bras de Jasper.
- Je suis… Fatigué. Dit-il.
- Repose toi. Dit Jasper sachant qu’il s’agirait d’un repos éternel.
Monty ferma les yeux. Souffla à Jasper qu’il l’aimait. Jasper l’aimait aussi. C’était bête de s’en rendre compte maintenant, de commencer quelque chose quand tout prenait fin.
- Bonne nuit Monty.
Que ta nuit soit bonne, que ta nuit soit douce.
Longue, longue, trop longue.
Jasper n’eut même pas la force de pleurer, ni le courage, ni l’envie. Désormais lui-même n’était plus là et il serait bientôt aussi endormi que Monty.
Bientôt.
Un couteau dans la poche, une coupure sur le bras, trancher l’artère.
Parait que ça prend du temps quand le sang coule, pas grave, Jasper allait dormir un peu, ça passerait plus vite.

Il n’y eut pas de lendemain.

Fin.