[Original - La mort suintante]

Fallait pas perdre ta vie à vouloir me sauver & Pendant un instant j’ai cru que tu étais mort.

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Je te regarde, alors que tu es à terre, que je suis devant toi. Je ne sais pas comment ça se fait que je suis debout.
Sûrement que je suis paralysé, en fait. Je crois que mon corps refuse de répondre aux ordres que je peux lui donner. Du type : bouge. Met toi vers lui. Vérifie son pouls. Son cœur. Fait quelque chose. Bouge. Bouge !
Il n’y a que le silence autour de nous.
Le sang, la lourdeur, la chaleur, le brouillard, le ciel gris, la puanteur.
Pas toi, ne t’inquiètes pas. Toi, tu sens toujours aussi bon. Enfin je crois. Je donnerais tout pour pouvoir le vérifier, mais mon corps refuse toujours de bouger, alors j’imagine que je ne peux que supposer.
Est-ce que je dois me mettre à pleurer ? Tout ce que je trouve à dire c’est
- Fallait pas perdre ta vie à vouloir me sauver
Je dis ça comme une phrase sarcastique déboulant de nulle part, je dis ça comme une évidence, parce que tu sais très bien que ce n’est pas fini.
Sauf pour toi.
Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. Je n’ai pas envie de savoir. Oh, ça explique peut-être pourquoi je ne bouge pas.
Je laisse juste mon ventre se tordre, d’effroi, de tristesse, de colère, de… De…Est-ce qu’il y a réellement un mot pour décrire complètement ce que je ressens ? C’est comme si on venait de m’arracher une partie de moi-même, dans l’intention de ne jamais me la rendre.
Je viens enfin de tomber à genou. Je crois que mon corps se décide à écouter ce que je lui demande.
Je me précipite vers toi, je me dis que je peux encore faire quelque chose.
Je guette la moindre respiration, le moindre son. J’ignore la quantité de sang que tu perds, je fais en sorte de ne pas voir ton visage qui grimace de douleur.
Mais s’il grimace, est ce que ça veut dire que ton corps ne s’est pas encore relâché et que tu vis ?

Tentant de garder mon calme, j’ose enfin vérifier.
Tu sais, j’ai tellement peur que tu m’abandonnes.
Je crois que je ne pourrais plus rien faire sans toi.
Tu veux bien vivre encore un peu pour moi ?

Un silence.

Je ne sais plus si moi-même je respire.

Je ne sais pas si le sang coule encore dans mes veines.

J’attends.

Et puis, j’entends ce boum, boum, caractéristique d’un cœur qui bat. Pendant un instant j’hésite. Est-ce le mien ? Est-ce le tien ?
Je m’accroche à un espoir qui j’espère n’est pas vain. Je m’y accroche comme à une bouée, comme à une ancre. Je suis désespéré, et je sens déjà les larmes monter.
Je ne sais pas si elles sont de joie ou de tristesse, mais je te sens vivre.
Tu vis encore un peu, et j’hésite à avoir la force de te sauver.
Mais je te sauverais.
Je me lève, avec toi dans mes bras, et je cours. Tu sais, quand je pense qu’il y a quelques minutes mon corps ne bougeait même pas, je me dis que c’est intéressant de constater que là, il dépasse ses limites.
J’ignore les douleurs que je possède, celle de ma jambe mortifiée, celle de mon bras cassé, et je cours.

Si pendant un instant, j’ai cru que tu étais mort, je ferais tout pour me rattraper. Tu survivras, tu as ma parole.

…

Je sens la chaleur qui approche. Est-ce qu’on a approché de la ville ? Est-ce qu’il y aura quelqu’un pour t’aider ?
Je sens la chaleur dans mon corps. Je viens de te protéger. Un peu comme tu l’as fait pour moi.
Les silhouettes encapuchonnées devant moi, ne sont pas là pour t’aider.
Tu vois, je te l’avais dit… Il ne fallait pas perdre ta vie à vouloir me sauver…
Parce que finalement, voilà : j’ai perdu la mienne à vouloir te sauver.

Fin